Les soins infirmiers d’hygiène | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 322 du 01/02/2016

 

Cahier de formation

Savoir

Afsané Sabouhi  

Qu’on les appelle “nursing” ou “toilette”, les actes de soins d’hygiène relèvent du rôle propre infirmier et s’inscrivent dans la démarche de soins infirmiers, appelée à évoluer en bilan des soins infirmiers. Ils se distinguent de l’aide à la toilette, davantage de la responsabilité des auxiliaires de vie sociale.

PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Un rôle propre

La toilette est un soin infirmier, indique le Code de la santé publique. L’article R.4311-5 cite les « soins et procédés visant à assurer l’hygiène de la personne et de son environnement » au premier rang des soins dispensés par l’infirmière « dans le cadre de son rôle propre ». Ces soins représentent, selon le lieu d’exercice de l’Idel, entre un quart et la moitié d’une tournée classique. Dans les lieux où l’activité des Idels est plus intense, il peut être tentant de délaisser cette tâche chronophage ou de la confier à d’autres professionnels.

Une toilette ou une aide à la toilette ?

→ Attention, comme son nom l’indique, le soin infirmier d’hygiène n’est pas une simple toilette réalisée dans un souci de propreté. Il a un objectif médical : protéger, maintenir, restaurer et promouvoir l’autonomie des fonctions vitales, physiques et psychiques d’une personne malade. L’aide-soignante y a toute sa place, mais le soin doit rester, à l’hôpital comme en Service de soins infirmiers à domicile (Ssiad), sous la responsabilité de l’infirmier, dans la limite des qualifications de chacun. Lorsque ni les compétences infirmières ni celles des aides-soignants ne sont requises, les auxiliaires de vie sociale et les associations d’aide à domicile peuvent prendre le relais. Il ne s’agit alors que d’une aide à la toilette.

→ La frontière entre aide à la toilette et soin infirmier d’hygiène peut être difficile à tracer. Certains estiment qu’un patient à l’état de santé évolutif, quel que soit son âge, a besoin de l’intervention d’une infirmière dans un but aussi préventif que curatif. Tandis que la toilette d’un malade à l’état stabilisé peut être confiée à une auxiliaire de vie sociale. Mais cette distinction schématique est souvent délicate à mettre en pratique, surtout chez les personnes âgées.

La décision revient à l’Idel

Sur le terrain, c’est la démarche de soins infirmiers (DSI) prescrite par le médecin pour une durée maximale de trois mois qui permet de trancher entre toilette et aide à la toilette. L’analyse par l’infirmière des besoins du patient, sur la base des 14 besoins fondamentaux définis par Virginia Henderson (lire l’encadré ci-contre) permet d’établir un diagnostic de l’état du patient (cognition, nutrition, douleur, risque d’escarre…). C’est donc bien l’infirmière, à travers la DSI, qui détermine si la toilette de la personne requiert, ou non, des compétences infirmières pour les soins d’hygiène. La DSI devrait à terme être remplacée par le bilan de soins infirmiers encore en discussion entre l’Assurance maladie et les représentants de la profession (lire l’encadré p. 37).

Les autres intervenants

Lorsqu’une Idel estime que les soins d’hygiène ne relèvent pas de ses compétences, elle oriente la famille vers une association d’aide à domicile, un Clic (Centre local d’information et de coordination) gérontologique ou un CCAS (Centre communal d’action sociale). Connaître les différents acteurs de l’aide à domicile s’avère donc indispensable.

Les Ssiad, Services de soins infirmiers à domicile

→ Ce sont des services médico-sociaux gérés par des organismes publics (établissements hospitaliers, CCAS…) ou privés (associations à but non lucratif, mutuelles…). Leurs équipes composées principalement d’infirmières (salariées ou libérales conventionnées), d’aides-soignantes et d’aides médico-psychologiques assurent des prestations de soin au domicile de personnes de plus de 60 ans et des personnes handicapées ou malades chroniques.

→ Plus de neuf patients sur dix pris en charge par les Ssiad ont au moins 70 ans et près de quatre sur dix ont au moins 90 ans. C’est une patientèle essentiellement féminine et très lourdement dépendante. Plus de 42 % des personnes sont classées dans les Groupes iso-ressources (GIR) 1 et 2(1). Dans la grille Aggir (Autonomie gérontologie groupes iso-ressources), qui sert de base au calcul de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) (lire aussi p.34), relèvent de ces deux GIR les personnes dont le degré de dépendance est le plus élevé.

Les Saad, Services d’aide et d’accompagnement à domicile

On peut distinguer, d’une part, les structures de statut public comme les CCAS et celles de statut privé, gérées par des associations à but non lucratif ou des mutuelles et, d’autre part, les structures offrant elles-mêmes les services et celles assurant la mise en relation, comme les Clic gérontologiques.

Intervenant auprès du même public que les Ssiad, les Saad concourent au soutien à domicile, à la préservation de l’autonomie dans l’exercice des activités de la vie quotidienne et au maintien d’activités sociales et de liens avec l’entourage. Ils assurent donc au domicile des bénéficiaires des prestations de services ménagers et d’aide à la personne pour les activités de la vie quotidienne.

Ces prestations sont réalisées par différents professionnels :

→ les agents à domicile (pas de qualification spécifique) ;

→ les assistants de vie aux familles (formation de six mois en Greta) interviennent plutôt auprès des personnes de GIR 4, 5 et 6. Dans la grille Aggir, sont classées dans le GIR 4 les personnes âgées qui, une fois levées, peuvent se déplacer dans leur logement et ont besoin d’aide, notamment pour la toilette, en GIR 5 celles « ayant seulement besoin d’une aide ponctuelle pour la toilette », et en GIR 6 celles qui ont conservé leur autonomie pour les actes de la vie courante ;

→ les aides médico-psychologiques (diplôme d’État en un an, équivalent CAP) ;

→ les auxiliaires de vie sociale (AVS), dont le diplôme d’État (DEAVS) est une formation en 500 heures théoriques et quatre mois de stages en structures collectives pour personnes dépendantes ou non et à domicile. Ce diplôme atteste, selon le décret du 14 mars 2007, « des compétences nécessaires pour effectuer un accompagnement social et un soutien auprès des personnes âgées, des personnes handicapées, des personnes en difficultés sociales, des familles ou des enfants dans leur vie quotidienne ».

L’AVS est un interlocuteur précieux pour l’infirmière du fait de sa bonne connaissance du cadre de vie de la personne et de son implication dans la préparation des repas, les courses et l’entretien du linge.

Les Spasad, Services polyvalents d’aide et de soins à domicile

Ssiad et Saad sont progressivement regroupés au sein de Spasad. En pratique, les trois types de structures continuent de cohabiter depuis 2004. Mais la refondation de l’aide à domicile dessinée par le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement privilégie le modèle d’entités uniques de type Spasad.

Les limites de l’aide à la toilette de l’AVS

Dans le cadre de l’accompagnement et de l’aide aux personnes dans les actes essentiels de la vie quotidienne, l’AVS peut faire une « aide seule à la toilette lorsque celle-ci est assimilée à un acte de la vie quotidienne et n’a pas fait l’objet d’une prescription médicale ». Le référentiel d’activité précise que l’aide à la toilette d’une personne dépendante, confinée dans un lit ou un fauteuil, se fait en complément de l’infirmier ou de l’aide-soignant, selon une évaluation de la situation par l’infirmier et le plus souvent à un moment différent de la journée. Concrètement, l’AVS peut donc aider une personne à faire sa toilette en lui préparant le matériel, en l’aidant à nettoyer des parties du corps difficilement accessibles (dos, pieds ou shampoing, par exemple). Mais elle ne peut en aucun cas faire une toilette complète au lit seule. En revanche, elle peut effectuer, en fin de journée, une “petite toilette” si elle constate que la personne porte des habits souillés au moment du coucher. Les soins d’escarres ou de plaies et la coupe des ongles ne sont pas dans le champ de compétences des AVS.

Le financement

Lorsque la toilette relève d’un soin infirmier, l’Assurance maladie et les mutuelles le prennent en charge. L’aide à la toilette en revanche est financée par les familles et/ou l’aide sociale, en particulier l’APA, gérée par les conseils départementaux. Pour une famille rémunérant directement l’AVS par chèque emploi-service universel permettant une déduction fiscale de 50 %, chaque intervention revient à une vingtaine d’euros net. Pour bénéficier de l’APA, il faut être âgé de plus de 60 ans, être en situation de perte d’autonomie et résider à domicile ou en établissement. L’attribution de l’APA repose sur une évaluation du degré de dépendance et des besoins d’aide de la personne par une équipe médico-sociale. Elle permet d’estimer le GIR de la personne, sur une échelle de GIR 1 (dépendance totale) à 6 (autonomie), et le nombre d’heures souhaitables pour subvenir aux besoins de la personne. Seuls les GIR 1 à 4 ouvrent droit à l’APA. L’APA n’est pas directement soumise à conditions de ressources, mais le calcul de son montant tient compte des revenus des bénéficiaires.

RÉFLEXION ET CONCEPTIONS

Les soins d’hygiène nécessitent des méthodes et des techniques spécifiques (lire la partie Savoir faire p. 38). Ils relèvent aussi d’une réflexion plus large, d’ordre culturel et social, sur les conceptions du propre et du sale, sur laquelle on ne peut faire l’impasse.

Un marqueur hiérarchique ?

« Qu’y a-t-il de plus digne que d’aider une personne à rester propre ? Les soins d’hygiène n’ont rien de dégradant », affirme une infirmière libérale. Pourtant, d’autres s’interrogent avec ironie : « Les soins d’hygiène, rôle propre des infirmières ? Ce serait plutôt le rôle sale ! » Ces paroles de soignants témoignent de l’ambivalence de la profession face à cette tâche considérée comme essentielle et riche en termes d’investissement humain, mais aussi « assimilée à une corvée et dépourvue de tout prestige », comme le note Marie-Annick Delomel dans La Toilette dévoilée, analyse d’une réalité et perspectives soignantes(2). À tel point que la sociologue Anne-Marie Arborio, spécialiste des aides-soignantes, a développé l’idée du “sale boulot” pour caractériser les relations hiérarchiques à l’hôpital : plus la position occupée est basse, plus le professionnel est au contact du “sale”, comme les déchets corporels, les déjections. Les toilettes deviennent ainsi « l’emblème du travail des aides-soignantes »(3)… Pour les infirmières, « entre l’idéal relationnel et la valorisation d’actes techniques (…), il y a le “sale boulot” : les toilettes des patients, souvent réservées au petit personnel », confirme Anne Vega à partir de ses observations à l’hôpital(4). De l’avis unanime des infirmières libérales interrogées pour ce dossier, cette conception mêlant hiérarchie et rapport au “sale” est très hospitalière et perd une part de sa légitimité lorsque les infirmières interviennent seules à domicile. Mais, pourrait-on ajouter, une part seulement…

Une légitimité en lien avecle volume d’activité ?

Une corrélation statistique peut être faite entre la densité de l’offre infirmière et la part des AIS (ou actes infirmiers de soins, en d’autres termes les soins infirmiers d’hygiène et de prévention) dans l’activité totale des Idels, à en croire les statistiques de l’Assurance maladie (lire aussi l’encadré p. 36). Cela a aussi des conséquences sur la façon de concevoir ces actes, selon les auteurs d’un rapport sur “Le Métier d’infirmière libérale”(5) : « Les infirmières ayant un niveau d’activité élevé considèrent qu’il est légitime de confier les actes de nursing les moins prestigieux aux aides-soignantes, voire aux aides à domicile. En contrepartie, cette délégation leur permet de se consacrer essentiellement aux soins techniques qu’elles considèrent comme les actes infirmiers par excellence. À l’inverse, les infirmières qui affichent un niveau d’activité plus faible et qui réalisent une part importante d’AIS estiment que de telles tâches relèvent pleinement du rôle infirmier. Ainsi, le caractère stigmatisant de ces soins en milieu hospitalier peut être renversé en libéral, ce au nom du rôle propre de l’infirmière et de la prise en charge globale du malade. Le recours à l’idéologie et la rhétorique professionnelles sert à moduler la division morale du travail : un même acte pouvant être estimé légitime ou illégitime selon les contextes. »

Une approche subjective

Selon les travaux du psychanalyste américain Kubie dans les années 1930, l’individu n’ayant pas de sens inné de la saleté, le jugement émotionnel que les gens développent à l’égard de la saleté et de la propreté est la conséquence de l’expérience de l’égo avec son environnement. De cette explication psychologique de la saleté, Kubie a tiré une échelle de la saleté tacite, gravée dans notre inconscient et permettant de classer les vingt et un déchets corporels allant des plus propres (les larmes) aux plus sales (les fèces et l’urine). En 1968, des chercheurs en sciences sociales ont interrogé des étudiants en médecine et en soins infirmiers pour comparer leurs perceptions. Les résultats se révélèrent très cohérents avec ceux de Kubie, les deux groupes classant les larmes, le lait maternel et le sperme parmi les sécrétions les plus propres. Mais, alors que les futurs médecins considèrent, comme Kubie, les fèces comme les déchets du corps humain les plus sales, les étudiants en soins infirmiers placent le pus tout en haut de cette échelle de saleté. Les chercheurs ont aussi noté que les femmes considèrent le flux menstruel comme la huitième sécrétion la plus propre tandis que les hommes le placent en treizième position sur les vingt et un déchets du corps humain.

Le refus du dégoût

Si les infirmières ont une perception particulière du sale, elles prennent garde à ne pas exprimer de dégoût face au patient. « Elles utilisent différentes méthodes pour faire face aux situations et aux déchets qui sont nauséabonds ou déplaisants esthétiquement. Elles reposent toutes sur une règle fondamentale : la croyance qu’il faut protéger les malades contre l’impression que ce genre de tâche est difficile pour l’infirmière et qu’elles ne doivent pas exagérer la situation en montrant au patient un quelconque sentiment de malaise. En pratique, cela signifie ne jamais indiquer au patient que l’infirmière trouve une tâche particulièrement répulsive ou nauséabonde. C’est une forme de contrôle émotionnel, qui consiste notamment à se concentrer sur les aspects mécaniques et techniques de ces tâches particulièrement difficiles à endurer », écrit Jocalyn Lawler, doyenne de la faculté infirmière de l’Université de Sydney en Australie, docteur en sociologie(6).

Une confrontation à la nudité

« Malgré son inscription dans un champ institutionnel, l’inhabituelle proximité corporelle induite par la toilette abolit d’un seul coup les règles élémentaires des relations sociales communes », écrit Marie-Annick Delomel dans La toilette dévoilée. Les soins d’hygiène nécessitent en effet une mise à nu de la personne et un toucher de parties du corps culturellement et socialement considérées comme taboues ou à connotation sexuelle. Laver une personne adulte est une forme de transgression des règles établies concernant le corps que les infirmières pratiquent quotidiennement mais qui ne va pas forcément de soi en début de carrière.

L’infirmière et sociologue australienne Jocalyn Lawler souligne que la plupart des infirmières ont gardé un souvenir vivace de la première fois qu’elles ont dû laver un patient et que beaucoup évoquent encore, même longtemps après, un sentiment de terreur, de gêne et de timidité. « Ce sont en particulier les parties génitales des hommes qui leur posent problème, parties du corps socialement proscrites dans notre société où les organes sexuels masculins restent cachés, le contact physique de ces zones étant presque exclusivement réservé au contexte sexuel. En l’absence d’une formation permettant d’apprendre à gérer ces situations, l’infirmière débutante se sent maladroite et gênée », précise la spécialiste.

L’infirmière a donc besoin d’acquérir à la fois un savoir-faire technique et une expérience personnelle pour construire le contexte qui lui permette de déshabiller et de manipuler quelqu’un, de voir sa nudité et ses parties génitales. Ces difficultés sont rarement partagées entre collègues. Chaque Idel développe ses propres stratégies pour dépasser sa propre gêne. « Il semble que les infirmières tolèrent et acceptent très bien l’idée qu’une grande partie des soins au corps qu’elles effectuent constitue une expérience sensuelle et que, en raison de cela, ce soins peuvent provoquer une excitation sexuelle chez le patient. Cependant, une règle tacite veut que les “bons”(7) patients ne cherchent pas à gêner l’infirmière par un comportement délibérément sexuel pendant les soins, analyse la sociologue. Ainsi une excitation sexuelle que l’infirmière présume involontaire et embarrassante pour le patient est gérée comme un aspect relativement routinier du travail infirmier, ce qui diffère totalement d’un comportement sexuel que l’infirmière perçoit comme lui étant intentionnellement destiné. »

Plus qu’un temps d’hygiène

Les infirmières sont unanimes pour décrire les soins d’hygiène comme une mise à nu du patient, au sens propre comme au sens figuré. Ce moment d’intimité forcée pousse nombre d’entre eux à se confier, créant ou renforçant le lien de confiance établi avec l’infirmière. Découvrir, toucher et manipuler l’ensemble du corps est précieux pour déceler un début de plaie ou d’escarre, un début de phlébite provoquant un mollet douloureux, un chancellement inhabituel lié à des erreurs de prises médicamenteuses… Autant de petits détails qui n’échappent pas à l’œil de l’Idel attentive à leur repérage.

(1) “Les patients en service de soins infirmiers à domicile. Le coût de leur prise en charge et ses déterminants”, Karine Chevreul (dir.), Unité de recherche en économie de la santé d’Île-de-France, 2009.

(2) Voir notre bibliographie dans Savoir plus, p. 48.

(3) Anne-Marie Arborio, “Quand le “sale boulot” fait le métier : les aides-soignantes dans le monde professionnalisé de l’hôpital”, Sciences sociales et santé, volume 13, n° 3, 1995, pp. 93-126 (lien raccourci : bit.ly/1SCgeet).

(4) Anne Vega, Une ethnologue à l’hôpital. L’ambiguïté du quotidien infirmier, Seli-Arslan, 2000.

(5) Alain Vilbrod et Florence Douguet, Drees, avril 2006 (liens raccourcis bit.ly/1Zzymen et bit.ly/1JNWwdP).

(6) Auteur de La Face cachée des soins. Soins au corps, intimité et pratique soignante, voir notre bibliographie dans Savoir plus, p. 48.

(7) Le qualificatif de “bon” patient renvoie au ressenti de chaque infirmière en fonction du discours et des attitudes du patient, et de la culture et de l’expérience de la professionnelle elle-même.

Les 14 besoins fondamentaux

L’infirmière américaine Virginia Henderson, qui a posé les fondamentaux des soins infirmiers dans les années 1960, a listé les 14 besoins essentiels de l’être humain : respirer, boire et manger, éliminer, se mouvoir et maintenir une bonne posture, dormir et se reposer, se vêtir et se dévêtir, maintenir sa température du corps, se laver, être propre et protéger ses téguments, éviter les dangers, communiquer avec ses semblables, agir selon ses croyances et ses valeurs, s’occuper en vue de se réaliser, se recréer et apprendre. Ces besoins définissent l’autonomie des individus sur les plans physique, psychologique et social. Virginia Henderson insiste sur le fait que tous doivent être considérés avec la même attention, par opposition à la médecine de son époque qui soignait des maladies beaucoup plus que des patients. Cette liste sert donc de guide aux soignants pour “évaluer” la personne dans sa globalité. Une personne qui peut satisfaire seule ses 14 besoins est une personne totalement indépendante et en bonne santé.

Point de vue

« Collaborer en libéral avec les aides-soignantes »

Anne, infirmière libérale dans le Finistère et auteur du blog “Une infirmière à la maison”

« À mon sens, l’idéal serait de pouvoir collaborer en libéral avec des aides-soignantes. Comme à l’hôpital, où nous formons un binôme efficace. Nous pourrions leur confier certaines tâches et elles sauraient à qui s’adresser si elles repèrent quelque chose. Évidemment, sans refondre la nomenclature actuelle et revoir la cotation des actes infirmiers à la hausse, ce ne serait économiquement vivable ni pour les unes, ni pour les autres. Mais, sur le fond, je suis persuadée que c’est une profession incroyablement complémentaire à la nôtre. »

Ssiad en chiffres

→ 2 116 services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) pour un total de 115 270 places.

→ 63 % des Ssiad sont privés à but non lucratif (le plus souvent des associations), 36 % publics, 1 % privés à caractère commercial.

→ 80 % des patients des Ssiad ont 75 ans et plus, 43 % sont suivis depuis plus d’un an.

→ 7 % sont de GIR 1, 32 % de GIR 2, 27 % de GIR 3, 30 % de GIR 4, 2 % de GIR 5, 1 % de GIR 6 et 1 % sans GIR.

Sources : www.ecosante.fr, données Drees et Statiss, en 2013, pour le nombre de Ssiad et de places ; “Les services de soins infirmiers à domicile en 2008”, Dominique Bertrand, Études et Résultats, Drees, n° 739, septembre 2010, pour les autres statistiques.

APA en chiffres

→ 1 239 360 bénéficiaires de l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA) au 31 décembre 2013. 60 % d’entre eux vivent à domicile et 40 % en établissement. Seuls 8 % des plus de 60 ans sont considérés comme dépendants (bénéficiaires de l’APA).

Répartition des bénéficiaires de l’APA à domicile selon le degré de dépendance :

→ GIR 1 : 2,5 % (17 500 personnes) ;

→ GIR 2 : 17 % (125 000 personnes) ;

→ GIR 3 : 22 % (163 000 personnes) ;

→ GIR 4 : 58,5 % (431 000 personnes).

Montant moyen de l’APA à domicile :

482 euros (dont 388 euros à la charge des conseils départementaux). Depuis le 1er janvier, les allocataires peuvent bénéficier davantage d’aides à domicile, d’une heure supplémentaire par semaine (GIR 4) à une heure par jour pour les plus dépendants (GIR 1), avec l’entrée en vigueur de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement votée le 14 décembre 2015. Les plafonds d’aides mensuels de l’APA ont été revalorisés de 19 à 30 %, selon le degré de perte d’autonomie.

Sources : base de données de la Drees, www.data.drees.sante.gouv.fr ; “Enquête sur l’APA réalisée par la Drees auprès des conseils généraux” – 1er trimestre 2011 (http://bit.ly/23bXQOg) ; dossier de presse du ministère de la Santé sur la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement, janvier 2016 ; “Au 1er janvier, 700 millions d’euros pour les personnes âgées”, article sur la revalorisation de l’APA sur espaceinfirmier.fr, en date du 16 décembre (lien raccourci : bit.ly/1QMWXWI).

Point de vue

« Voir le patient avec un œil nouveau à chaque toilette »

Charline, infirmière libérale en zone rurale dans l’Ouest de la France et auteur du blog “C’est l’infirmière”

« À l’école, on apprend à faire la toilette sur des mannequins, des espèces de “Barbie” géantes plastifiées. Le passage à la pratique est donc très différent. L’approche de la nudité, il me semble qu’on l’apprend plutôt sur le terrain, en stage. Personnellement, j’ai eu, adolescente, des problèmes de santé, j’ai été hospitalisée et opérée plusieurs fois, donc j’ai vécu les soins d’hygiène côté patient. Je me suis retrouvée nue dans un lit avec deux aides-soignantes qui me lavaient et j’avais été choquée parce qu’il n’y avait pas vraiment de respect de la pudeur. C’est quelque chose qui m’a profondément marquée et qui me sert d’alerte aujourd’hui dans ma pratique. Quand on est dans l’habitude de voir l’autre nu, deux fois par jour, toute la semaine depuis des mois, voire des années, c’est là que ça devient compliqué. Vous risquez par automatisme de glisser vers le non-respect de sa pudeur. Je m’efforce d’essayer de voir l’autre avec un œil nouveau à chaque fois pour éviter ce moment où on dérape et où on oublie la personne et sa pudeur. Le fait de l’avoir vécu en tant que patiente m’a sensibilisée. Tout soignant devrait passer du côté patient, c’est la meilleure école ! »

AIS en chiffres

→ Les AIS représentent près de 34 % des actes, contre presque 66 % pour les AMI (la lettre-clé DI, pour démarche de soins infirmiers, représente 0,12 %).

→ Les pratiques varient selon les lieux : dans le Nord, l’activité est majoritairement centrée sur les AMI ; l’activité en AIS est plus importante dans le Sud.

→ La densité d’Idels dans un territoire et l’activité en AIS vont de pair. Lorsqu’elles sont peu nombreuses, les infirmières se concentrent sur les AMI.

* Source des pourcentages : Activité des auxiliaires médicaux à part entière en 2013 – Cnamts (http://bit.ly/1Kd5Jr1).

Je cote à la nomenclature

Ces soins sont mentionnés au chapitre I de la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP).

Article 11 – Soins infirmiers à domicile pour un patient, quel que soit son âge, en situation de dépendance temporaire ou permanente

« Élaboration de la démarche de soins infirmiers à domicile nécessaires à la réalisation de séances de soins infirmiers ou de séances de surveillance clinique infirmière et de prévention d’un patient dépendant ou à la mise en œuvre d’un programme d’aide personnalisée en vue de favoriser son maintien, son insertion ou sa réinsertion dans son cadre de vie familial et social. »

Ces actes sont cotés avec la lettre clé AIS.

Pour un même patient, la première démarche de soins infirmiers est cotée DI 1,5, soit 15 euros. Les démarches de soins suivantes sont cotées DI 1, soit 10 euros. Les éventuelles démarches de soins infirmiers prescrites par le médecin au-delà de cinq sur douze mois, y compris la première, ne sont pas prises en charge par l’Assurance maladie.

La cotation de la démarche de soins infirmiers inclut :

→ la planification des soins qui résulte de l’observation et l’analyse de la situation du patient, du ou des diagnostic (s) infirmier (s), de la détermination des objectifs de soins et des délais pour les atteindre, des actions de soins infirmiers ou de surveillance clinique infirmière et de prévention à effectuer ou de la mise en place d’un programme d’aide personnalisée ;

→ la rédaction du résumé de la démarche de soins infirmiers qui comporte :

– d’une part, les indications relatives à l’environnement humain et matériel du patient, à son état et à son comportement, l’énoncé du ou des diagnostic (s) infirmier (s) en rapport avec la non-satisfaction des besoins fondamentaux, les objectifs et les actions de soins mis en œuvre pour chacun d’eux, les autres risques présentés par le patient et l’objectif global de soins ;

– d’autre part, la prescription de séances de soins infirmiers (AIS 3), ou de séances de surveillance clinique infirmière et de prévention (AIS 4), ou de mise en œuvre d’un programme d’aide personnalisée (AIS 3,1).

Les séances d’AIS 3 sont d’une durée de trente minutes avec un maximum de quatre dans la journée par patient, pour une durée maximale de trois mois. La séance de soins infirmiers est cumulable avec la cotation d’une perfusion ou d’un pansement lourd et complexe nécessitant des conditions d’asepsie rigoureuse.

À noter que les séances d’AIS 4 sont d’une durée de trente minutes, une fois par semaine et pour une durée de trois mois maximum.

Chaque acte est différencié et certains peuvent se cumuler. On peut ainsi coter AIS 3 ou AIS 3,1 puis AIS 4 ou bien AIS 3 puis AIS 4 ou encore AIS 3,1 puis AIS 4 ;

→ la transmission du résumé de la démarche de soins infirmiers par l’infirmier au médecin, ainsi qu’au médecin conseil et au patient, à leur demande.

Pour la première DSI, le résumé est considéré comme ayant l’accord tacite du médecin sans observation de sa part au terme d’un délai de 72 heures suivant la transmission.

Le BSI se fait attendre

Le débat sur les AIS 3 et leur durée d’une demi-heure empoisonne depuis plusieurs années les relations entre nombre de professionnels et l’Assurance maladie. Depuis la convention signée en 2007, le dispositif de la DSI, critiqué pour sa lourdeur, est sur la sellette, et son remplacement est régulièrement évoqué. Groupe de travail et concertations syndicales se sont multipliés pour lui donner un successeur, le Bilan de soins infirmiers (BSI). Mais rien n’a encore abouti, ce que n’a pas manqué de rappeler l’acide rapport de la Cour des comptes sur la profession en septembre dernier. Face à des Caisses en quête d’économies, les syndicats de la profession tentent de convaincre que le critère de pénibilité de l’acte est plus pertinent que le seul indicateur temps. Mais, de source syndicale, à l’issue de la dernière réunion avec l’Assurance maladie au début du mois de décembre, « nous ne sommes pas encore au bout de nos peines… » Pas sûr que 2016 soit donc l’année de naissance du BSI.