Les infections urinaires - L'Infirmière Libérale Magazine n° 322 du 01/02/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 322 du 01/02/2016

 

Urologie

Cahier de formation

LE POINT SUR

Nathalie Belin  

Très fréquentes, les infections urinaires communautaires (hors infections nosocomiales) concernent tous les âges de la vie. Du fait de l’évolution des résistances des entérobactéries aux antibiotiques, de nouvelles recommandations ont été publiées.

En 2014, la Société de pathologie infectieuse de langue française a émis de nouvelles recommandations de prise en charge des patients atteints d’infection urinaire (IU).

Ce qui est nouveau

On distingue les IU simples des IU à risque de complication (auparavant appelées “compliquées”). Ces dernières sont définies par la présence d’un des facteurs de risque suivants :

→ anomalie organique ou fonctionnelle de l’arbre urinaire (reflux, lithiase, tumeur, acte urologique récent…) ;

→ sexe masculin (risque d’atteinte prostatique dans plus de 80 % des cas) ;

→ grossesse ;

→ sujet âgé de plus de 75 ans ou de plus de 65 ans avec critères de fragilité (perte de poids involontaire au cours de la dernière année, vitesse de marche lente, faiblesse/fatigue, activité physique réduite) ;

→ immunodépression grave (immunosuppresseurs, cirrhose, transplantation) ;

→ insuffisance rénale chronique sévère (clairance < 30 ml/min).

Le diabète n’est plus considéré comme un facteur de risque de complication bien que les IU soient plus fréquentes chez le patient diabétique.

Du fait des résistances d’Escherichia coli aux fluoroquinolones, il est recommandé d’éviter des prescriptions répétées de fluoroquinolones chez un même patient et de ne pas les utiliser en traitement probabiliste chez un patient déjà traité par quinolones les six mois précédents (quelle qu’en ait été alors l’indication).

Cystite aiguë

C’est une inflammation d’origine infectieuse de la vessie et de l’urètre. En cause, des entérobactéries d’origine fécale (E. coli dans 70 à 95 % des cas, Proteus mirabilis, Klebsiella, Staphylococcus saprophyticus dans 1 à 4 %).

→ Signes cliniques. Brûlures et impériosités mictionnelles, pollakiurie, hématurie, pas de fièvre ni de douleurs lombaires. L’évolution vers une pyélonéphrite aiguë est rare en cas de cystite simple. Un tiers des cystites guérissent spontanément mais une antibiothérapie accélère la guérison.

→ Diagnostic. Pas d’ECBU pour les cystites simples mais une BU (lire l’encadré). ECBU systématique en cas de cystite à risque de complications.

→ Traitement. Cystite simple : antibiothérapie courte : en 1re intention, fosfomycine-trométamol (en prise unique, Monuril, Uridoz) ; en 2e intention, pivmécillinam (Selexid) pendant 5 jours ; en 3e intention, fluoroquinolones (prise unique ou sur 3 jours : Uniflox, Monoflocet, Logiflox 400…). Les symptômes peuvent persister 2 à 3 jours après le début du traitement. Au-delà, la réalisation d’un ECBU s’impose, de même lors de récidive précoce de l’infection dans les 2 semaines. Cystite à risque de complication : les traitements courts ou monodoses ne sont pas indiqués. Si possible, attendre les résultats de l’antibiogramme. Sinon, nitrofurantoïne en 1re intention ou céfixime ou fluoroquinolones pendant 5 à 7 jours.

Cystite récidivante

Elle est définie par la survenue d’au moins quatre épisodes de cystite en douze mois.

→ Prévention : apports hydriques suffisants, mictions non retenues, prise en charge d’une constipation ; déconseiller produits intimes parfumés, douches vaginales, spermicides ; uriner après les rapports sexuels (cystite post-coïtal). La canneberge (Vaccinium macrocarpon) peut être proposée en gélules, sachets ou jus à boire : elle doit apporter 36 mg par jour de proanthocyanidine de type A (substance antioxydante ; vérifier sur les packagings).

→ Traitement : pour les premières récidives, un ECBU est indiqué. Traitement de chaque épisode : similaire à celui d’une cystite simple avec autoadministration possible du traitement après réalisation d’une BU. Cystite post-coïtale : en prévention, peut être proposée les 2 heures précédant ou suivant le rapport sexuel la prise d’un comprimé de cotrimoxazole (Bactrim 80 mg/400 mg), maximum une fois par jour, ou bien d’un sachet de fosfomycine-trométamol tous les 7?jours maximum (en raison d’un effet prolongé). Antibioprophylaxie : au cas par cas si échec des autres mesures : cotrimoxazole 1 comprimé par jour ou fosfomycine-trométamol tous les 7 jours pendant 6 mois.

Pyélonéphrite aiguë (PNA)

C’est une infection bactérienne des voies urinaires avec atteinte du parenchyme rénal à partir des voies urinaires basses.

→  Signes cliniques. Signes de cystite associés à de la fièvre, des frissons et/ou des douleurs lombaires. Vomissements, diarrhées et météorisme abdominal peuvent être au premier plan.

→ Diagnostic. ECBU systématique. Scanner ou échographie si PNA à risque de complication. Hospitalisation si hyperalgie ou vomissements rendant impossible la voie orale ou si risque de décompensation de certaines comorbidités.

→ Traitement. Antibiothérapie probabiliste débutée juste après l’ECBU : fluoroquinolone ou C3G par voie parentérale (ceftriaxone ou céfotaxime à l’hôpital) puis relais par voie orale et adaptation aux résultats de l’ECBU. En cas de PNA simple, la durée du traitement va de 7 à 14 jours. En cas de PNA à risque de complication, 21 jours de traitement au moins.

IU masculines

Elles sont considérées comme des IU à risque de complications et une antibiothérapie est de rigueur (au moins 14 jours), même dans les formes non fébriles (mais dans cette situation, il est proposé d’attendre le résultat de l’ECBU pour démarrer l’antibiothérapie). Le traitement probabiliste est similaire à la PNA.

Chez l’enfant

Toute altération de l’état général inexpliquée fait rechercher une IU. Avant 2 ans, il s’agit souvent d’une PNA (liée à un reflux ou une immaturité vésicale). La cystite est essentiellement évoquée chez les petites filles de plus de 3 ans. Elle est favorisée par des troubles mictionnels (vidange incomplète de la vessie…), de mauvaises habitudes d’hygiène, une constipation. Cystite aiguë simple (petite fille) : cotrimoxazole, céfixime ou association amoxicilline-acide clavulanique pendant 5 jours. PNA : C3G injectable ou orale (céfixime) avec adaptation aux résultats de l’antibiogramme.

Au cours de la grossesse

Les IU peuvent induire des complications (retard de croissance intra-utérin, accouchement prématuré, hypertension artérielle…) justifiant le dépistage systématique d’une bactériurie par BU chaque mois dès le 4e mois de grossesse. Toute bactériurie, même asymptomatique, implique la réalisation d’un ECBU et la mise en route d’une antibiothérapie (céfixime ou nitrofurantoïne en traitement probabiliste). Les fluoroquinolones sont déconseillées et le cotrimoxazole doit être évité au 1er trimestre.

L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêts.

Recueil des urines

Réalisation d’une BU

La bandelette urinaire (BU) est le seul examen recommandé en cas de cystite aiguë simple. Une BU positive (nitrite et/ou leucocyte +) a une bonne valeur d’orientation. Une BU négative exclut le diagnostic d’IU chez la femme, mais pas forcément chez l’homme.

En pratique : prélèvement du 2e jet sur des urines fraîchement émises dans un récipient propre et sec mais pas forcément stérile (sans traces d’antiseptiques). Toilette préalable non nécessaire. Tremper la bandelette dans le flacon et conserver les bandelettes dans leur flacon d’origine, hors réfrigérateur (source d’erreur).

Réalisation d’un examen cytobactériologique des urines (ECBU)

Avant toute antibiothérapie. ECBU de contrôle si évolution défavorable sous antibiotique à 72 heures.

En pratique : prélèvement à effectuer au moins 4 heures après une miction (pour un temps de stase suffisant). Recueil du 2e jet d’urine dans un flacon stérile après toilette de la région vulvaire et urétrale (savon, antiseptique type Dakin) puis séchage. À apporter dans l’heure au laboratoire ou conserver au réfrigérateur 12 à 24 heures. Chez le nourrisson, le prélèvement peut s’effectuer par la pose d’une poche stérile adhésive.