Quand l’Ordre refuse - L'Infirmière Libérale Magazine n° 321 du 01/01/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 321 du 01/01/2016

 

INSCRIPTION AU TABLEAU

Votre cabinet

Me Geneviève Beltran*   Véronique Veillon**  

Sur près de 180 000 dossiers de demandes d’inscription, l’Ordre des infirmiers en a refusé 70. À défaut d’en connaître les raisons circonstanciées, rappelons ici les règles et conditions d’inscription… et les motifs généraux de refus.

Petit rappel…

Pourquoi s’inscrire à l’Ordre ?

Conformément à l’article L. 4311-15 du Code de la santé publique (CSP), « nul ne peut exercer la profession d’infirmier s’il n’est pas inscrit au tableau de l’Ordre des infirmiers ». Il relève donc de la responsabilité de la praticienne, dès l’obtention de son diplôme et dès lors qu’elle souhaite exercer sa profession, d’effectuer les démarches nécessaires pour s’inscrire auprès de l’Ordre national des infirmiers (ONI). Cette inscription est obligatoire pour toutes les professionnelles, quel que soit leur mode d’exercice (salarié, agent de la fonction publique hospitalière, libéral). ?

Comment s’inscrire à l’Ordre ?

Pratiquement, l’infirmière complète un formulaire d’inscription qu’elle peut soit demander directement auprès du conseil départemental de l’Ordre des infirmiers (CDOI) où elle va exercer, soit le télécharger sur le site de l’ONI. Ce formulaire une fois complété et accompagné des pièces demandées, elle l’adressera, avec accusé de réception, à son conseil départemental. Ce dernier procédera à son inscription après avoir vérifié, dans un délai de trois mois au maximum, qu’elle remplit bien les conditions légales d’exercice de la profession. Son inscription validée, l’infirmière recevra une attestation d’enregistrement, un justificatif du paiement de la cotisation ainsi qu’un caducée professionnel.

Au-delà des pièces relatives à l’état civil, au diplôme, au lieu d’exercice actuel ou envisagé, la professionnelle doit également fournir une attestation, manuscrite, par laquelle elle « déclare sur l’honneur qu’aucune instance pouvant donner lieu à condamnation ou sanction susceptible d’avoir des conséquences sur [son] inscription au tableau de l’Ordre n’est en cours à [son] encontre ». Enfin, conformément à l’article R. 4112-2 du CSP, le conseil départemental est habilité à demander « communication du bulletin n °2 du casier judiciaire de l’intéressée » (lire aussi l’encadré page ci-contre).

Il est possible de télécharger sur le site de l’ONI le “Guide de procédure d’inscription au tableau” dans lequel figurent des renseignements détaillés et complets (lien raccourci : bit.ly/1RGbhRr).

Un refus d’inscription ? Mais pour quelles raisons ?

Principe

Aux termes de l’article L. 4311-16 du CSP, « le conseil départemental de l’Ordre des infirmiers refuse l’inscription au tableau de l’Ordre si le demandeur ne remplit pas les conditions de compétence, de moralité et d’indépendance exigées pour l’exercice de la profession, s’il est frappé d’une interdiction temporaire ou définitive d’exercer la profession en France ou à l’étranger, ou s’il est frappé d’une suspension prononcée en application de l’article L. 4311-26 », lequel vise les situations des infirmières qui exposent les patients à un danger grave. Le CDOI peut également refuser l’inscription au tableau s’il apparaît que le « demandeur est atteint d’une infirmité ou se trouve dans un état pathologique qui rend dangereux l’exercice de sa profession » (article L. 4311-18 du CSP).

En pratique

Toute décision de refus doit être motivée, à défaut de quoi elle pourrait être annulée. Mais les modalités d’appréciation des qualités requises par une candidate restent à la seule discrétion du conseil départemental de l’Ordre. Le Conseil d’État a ainsi validé des refus d’inscription au Conseil de l’Ordre des médecins pour « état pathologique incompatible avec l’exercice de la profession » (CE N° 356771 du 1er août 2013), ou encore pour « ne pas avoir suffisamment tenu à jour ses connaissances et n’offrant pas ainsi, s’agissant de l’obligation de délivrer des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science […], des garanties suffisantes » (CE N° 362988 du 25 février 2015). Et les infirmières ? L’ONI nous a précisé que 70 demandes d’inscription (sur près de 180 000 dossiers) avaient été refusées… mais nous n’avons pu obtenir de sa part ces décisions ni même les raisons desdits refus.

Citons cependant une jurisprudence récente du Conseil d’État concernant directement les Idels. Ainsi, par décision en date du 6 mars 2013, cette juridiction a validé la décision du Conseil national de l’Ordre des infirmiers (CNOI) de rejeter la demande d’inscription au tableau d’une professionnelle au motif qu’elle ne remplissait pas la condition de moralité mentionnée par les dispositions du CSP. Mme B. s’était rendue coupable, alors qu’elle exerçait la profession d’institutrice, d’actes de violence à l’encontre de six mineurs, faits pour lesquels elle a été condamnée à dix-huit mois de prison avec sursis assortis d’une interdiction définitive d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs. Elle s’oriente alors vers des études d’infirmière et, après obtention de son diplôme, demande son inscription au tableau de l’Ordre. L’examen de sa demande va également révéler qu’elle a fait l’objet d’un signalement auprès de l’Agence régionale de santé, par la directrice de l’établissement d’hébergement de personnes âgées dépendantes où elle effectuait une mission de travail temporaire, pour des actes de maltraitance envers une pensionnaire. Sur la base de tous ces éléments, le conseil départemental puis le Conseil national refusent sa demande, une décision jugée légale par le Conseil d’État.

Quel recours ?

Aucune décision de refus d’inscription ne peut être prise sans que l’intéressée n’ait été invitée, quinze jours au moins à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à comparaître devant le CDOI pour y présenter ses explications. Si le refus d’inscription est confirmé, sa notification sera adressée par courrier avec accusé de réception, afin que puisse courir le délai légal de recours, lequel doit être expressément mentionné dans la lettre. Le recours se fait devant le conseil régional de l’Ordre, dans un délai de trente jours (il dispose d’un délai de deux mois pour statuer sur la demande) puis, si nécessaire, devant le Conseil national de l’Ordre des infirmiers, dans un nouveau délai de trente jours, dont la décision est elle-même passible d’un recours, dans un délai de deux mois, devant le Conseil d’État. Tout au long de ces procédures, l’infirmière a la possibilité de se faire assister par un avocat de son choix.

Et la radiation ?

Pour qu’il y ait radiation, encore faut-il qu’il y ait eu inscription au préalable, bien sûr. Conformément à l’article R. 4112-3 du CSP, « le praticien qui cesse d’exercer sur le territoire national demande sa radiation du conseil départemental ». Mais là, il s’agit d’une demande volontaire, dont les raisons peuvent être multiples (retraite, cessation d’activité, exercice à l’étranger, etc.). Mais une infirmière peut-elle, contre sa volonté, être radiée du tableau ? Pour quels motifs ? Le CNOI nous a indiqué que deux radiations avaient été prononcées pour exercice avec de “faux diplômes”, mais nous ne connaissons pas les circonstances de ces découvertes. Nous ne pouvons donc que nous référer aux décisions des ordres d’autres professions pour appréhender les situations qui pourraient, éventuellement, entraîner une radiation du tableau.

EN SAVOIR +

Le contenu du casier judiciaire, réglementé par l’article R 82 du Code de procédure pénale, comporte les condamnations et les décisions concernant une personne.

• Le bulletin n° 1 comprend l’ensemble de ces informations. Il n’est communiquéqu’aux autorités judiciaires.

• Le bulletin n° 2 comporte les condamnations pour crimes et délits (homicide par imprudence, violation du secret professionnel, par exemple) et ne peut être délivré qu’à certaines autorités administratives ou des organismes pour des motifs précis (accès à certaines professions), comme le conseil de l’Ordre.

• Enfin, le bulletin n° 3 ne comprend que les condamnations les plus graves et il n’est remis qu’à la seule personne concernée ou à son représentant légal.