La santé en pointillés à la COP 21 - L'Infirmière Libérale Magazine n° 321 du 01/01/2016 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 321 du 01/01/2016

 

ENVIRONNEMENT

Actualité

Isabel Soubelet  

CHANGEMENT CLIMATIQUE > Après d’intenses négociations, 195 pays ont signé à Paris-Le Bourget mi-décembre un accord universel(1) sur le climat qui prévoit de limiter la hausse des températures à 2 °C maximum. Mais la santé reste la grande oubliée de ce marathon diplomatique.

Quand on parle du réchauffement climatique, on pense souvent aux ours polaires et à la fonte des icebergs. Plus rarement, voire très rarement, on envisage les effets sur la santé et les populations. Pourtant, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que le changement climatique pourrait entraîner à partir de 2030 près de 250 000 décès supplémentaires par an : 38 000 dus à l’exposition à la chaleur des personnes âgées, 48 000 à la diarrhée, 60 000 au paludisme et 95 000 à la sous-alimentation des enfants. Bien sûr, les populations les plus vulnérables sont celles qui vivent dans de petits États insulaires, dans des pays en développement qui n’ont pas de bonnes infrastructures de santé.

« Le réchauffement climatique va exacerber les difficultés d’accès à l’eau et à l’alimentation », affirme Jean Jouzel, vice-président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Vu de France, cela peut sembler une préoccupation lointaine. Mais la surmortalité liée aux épisodes caniculaires, le développement des allergies et la venue croissante des moustiques dans le Sud du pays (dengue, chikungunya) sont bien là. « Aujourd’hui, le moustique tigre est implanté dans 22 départements métropolitains et, d’ici 2030, on estime que l’ensemble du territoire métropolitain sera colonisé par la dengue », explique Vanina Laurent-Ledru, vice-présidente associée de Vaccination Policy and Advocacy-Dengue, chez Sanofi Pasteur.

Hiérarchisation des risques

Comme toujours, il est indispensable de faire de la prévention mais aussi de la veille environnementale auprès des populations. Une démarche peu habituelle. Selon Patrick Levy, directeur de l’agence Santé & risques produits de Socotec, « le niveau d’impact sur la santé contient encore de fortes incertitudes mais l’important est la détection précoce des facteurs de risques. En hiérarchisant ces risques, on peut prévoir les situations de crise ».

Préparer, anticiper, gérer, faire preuve de vigilance, c’est ce que font au quotidien les professionnels de santé. En intégrant le risque climatique, cela permet de modifier ses comportements afin de s’adapter. D’ailleurs, de nouvelles approches voient le jour, comme le concept d’exposome(2) avancé par Robert Barouki, professeur à l’Université Paris-Descartes et directeur de recherche à l’Inserm : « C’est l’étude de l’ensemble des expositions qui peuvent affecter un individu ou une population sur sa vie entière. Une sorte de parcours de vie avec toutes les influences subies, aussi bien les pollutions chimiques que l’alimentation ou la qualité de l’air… Notre objectif est d’intégrer cet ensemble pour essayer de prédire les conséquences pathologiques que cela peut avoir. »

« Nécessité d’un grand traité de santé publique »

Pour Patrice Halimi, chirurgien-pédiatre et secrétaire général de l’Association santé environnement France, la prévention et la formation sont déterminantes. « Les professionnels de santé sont un peu l’infanterie mobile, précise-t-il. Nous pouvons transmettre les informations à nos patients. Mais il faut que l’analyse de ce que chacun vit le touche afin qu’il soit acteur du changement qui est désormais nécessaire. Cela nécessite la mise en place d’une pédagogie du changement climatique. » Selon Maria Neira, directrice du département santé publique et environnement de l’OMS, « réduire les risques liés à l’environnement, c’est protéger la santé publique. Il faut poser les bases d’un grand traité de santé publique global ».

L’accord de Paris est une étape décisive, mais sera-t-il suffisant ? Signé par les 196(3) parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, il doit encore être ratifié avant d’entrer en vigueur en 2020… Sans attendre que le réchauffement climatique soit vraiment au cœur des politiques de santé, les assureurs, conscients des risques, s’y intéressent. Pour preuve, Générali vient d’ouvrir une chaire de recherche dédiée afin « d’affiner les modèles et de prendre en compte la notion d’exposition prolongée ».

(1) Intégralité du texte de l’accord de Paris, en français notamment, via le lien bit.ly/1NMoXJb

(2) Pris en compte dans l’article 1 de la récente loi de santé, sans y apparaître explicitement.

(3) 195 États + l’Union européenne.