Arnaque à domicile - L'Infirmière Libérale Magazine n° 320 du 01/12/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 320 du 01/12/2015

 

LES IDELS CIBLES PRIVILÉGIÉES

Votre cabinet

Laure Martin*   Florent Mercier**  

Le démarchage par téléphone, par courrier ou lors d’une visite à domicile fait partiedu quotidien des Idels,qui peuvent être la cible d’interlocuteurs malveillants. Surtout en fin d’année.

Le propre de l’arnaqueur est d’induire en erreur son interlocuteur, de le convaincre d’acheter des produits ou de lui faire signer des contrats qui ne vont pas nécessairement être avantageux pour lui.

Les techniques utilisées

Pour les infirmières libérales, le démarchage concerne, dans la majorité des cas, ce qui a trait au patrimoine : les assurances prévoyance, l’immobilier, et surtout la retraite avec tous les produits liés aux contrats Madelin (loi du 11 février 1994 qui permet notamment de se constituer une retraite complémentaire et de bénéficier d’une déduction fiscale). L’une des techniques d’approche des arnaqueurs est de se dire “mandatés par” une institution ou l’État. Nombreux sont ceux qui se font d’ailleurs passer pour la Carpimko. Celle-ci alerte régulièrement ses assurés sur ces pratiques abusives réalisées dans le cadre de démarchage à domicile ou téléphonique. Ces pratiques se caractérisent par le fait de créer une confusion dans l’esprit des assurés en invoquant un possible partenariat ou mandat de la Carpimko avec telle ou telle société d’assurance ou de conseil en gestion de patrimoine, afin de les inciter à souscrire un contrat d’assurance vieillesse complémentaire ou un service au profit de leur entité. Ce qui est entièrement faux.

De même, il est fréquent que des sociétés commerciales encouragent les infirmières à adhérer à divers annuaires ou registres ou sites Internet payants. Ces sociétés, souvent basées hors de France, possèdent des dénominations qui se rapprochent de celles d’organismes publics ou parapublics connus (Ordre des infirmiers, Registre du commerce), de nature à entretenir une certaine confusion pour le public destinataire qui pense devoir renseigner et retourner des formulaires qui s’apparentent à des originaux, et payer des sommes pour une raison ou pour une autre. Il n’existe bien évidemment aucune obligation d’adhérer à ces propositions commerciales.

Il est également important de faire attention à l’arnaque au déstockage de matériel ou encore à la formation continue.

Les règles pour se protéger

La règle d’or à respecter pour toute personne faisant l’objet d’un démarchage par téléphone ou à domicile est de se mettre en alerte et de faire attention aux arguments qui sont présentés. Parmi ceux répétés à l’envi pour convaincre l’infirmière de changer de contrat, une soi-disant modification de loi ou une augmentation des impôts. Les démarcheurs jouent sur la crainte pour conduire l’infirmière à signer. Dans tous les cas, il faut se méfier des promesses trop belles et des contrats qui paraissent avantageux.

Si, malgré tout, les arguments convainquent l’infirmière de prendre rendez-vous, il est conseillé de ne jamais signer de contrat lors de la première rencontre. Il n’y a aucune raison pour qu’il n’y ait pas la possibilité de réfléchir pendant 24, 48 heures, voire une semaine, sur les engagements proposés. Il est d’ailleurs possible de demander à voir les conditions générales du contrat, que les démarcheurs sont dans l’obligation de fournir. Concernant l’épargne-retraite Madelin, il est indispensable de prendre connaissance du tableau des valeurs de transfert qui permet de connaître la valeur de l’épargne à l’instant T. Mais attention : comme ces organismes sont formatés pour partir du rendez-vous avec le contrat signé, ils peuvent “mettre la pression”.

Les recours possibles

Si un contrat de prévoyance, de retraite ou encore de complémentaire santé a été signé par l’infirmière, la loi Scrivener relative à l’information et à la protection des consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit, mais aussi d’assurance, accorde un droit de rétractation de trente jours. Les trente jours commencent à réception des conditions particulières du contrat, et non au moment de la demande d’adhésion du contrat – délai sur lequel jouent les arnaqueurs. Tant que l’Idel n’a pas reçu les conditions particulières, il est donc possible, par lettre recommandée, de demander l’annulation définitive du contrat et le remboursement intégral de toutes les sommes encaissées sur ce contrat. Il ne faut pas céder à la pression des démarcheurs qui diront le contraire. En revanche, si les conditions particulières ont été reçues, une fois les trente jours passés, il faudra attendre la prochaine date anniversaire pour résilier les contrats.

Dernier conseil, en cas de doute, il faut en discuter avec un professionnel de confiance : un collègue vraiment bien renseigné, un expert-comptable, un courtier, un avocat. Mais, pour toutes les autres arnaques ne concernant pas un contrat relevant des trente jours de rétractation, même si la méthode employée par le démarcheur semble litigieuse, à partir du moment où l’Idel s’est engagée, il peut être difficile de faire marche arrière. L’histoire se termine rarement devant le tribunal, car les infirmières ne donnent pas souvent suite une fois lésées.

Témoignage

« La cible d’escrocs dès qu’on s’installe »

Lionel, infirmier libéral depuis 2014 en Charente-Maritime

« Lorsque je me suis installé en libéral, deux sociétés du Nord de la France m’ont contacté plusieurs fois, pour que j’accepte un rendez-vous avec l’un de leurs commerciaux afin de me créer un site Internet gratuitement. Je savais que je n’avais pas le droit de faire de la publicité. Je leur en ai fait part, mais ils m’ont dit détenir l’accord, par courrier, de l’Ordre national des infirmiers. J’ai donc contacté l’ONI qui m’a informé que c’était un faux. Et la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Lille m’a confirmé que c’était une arnaque. Mais le mal était fait : des infirmiers y ont cru, et certains ont fait l’objet de plainte de la part de leurs confrères puisqu’ils ont fait de la publicité. Des actions sont en cours au pénal et devant le tribunal de commerce contre ces deux sociétés. Par ailleurs, j’ai aussi reçu une lettre d’une société me disant qu’en raison de mon inscription au registre du commerce et des sociétés (RCS), je devais leur payer 300 euros. J’ai appelé le RCS qui m’a confirmé que c’était une arnaque. Dès qu’on s’installe, on est la cible d’escrocs. C’est un univers particulier, surtout quand on sort de l’exercice hospitalier. »

Témoignage

« Davantage des vendeurs que des conseillers »

Camille, infirmière libérale depuis 2015 dans l’Essonne

« Avec mon conjoint, nous cherchions à avoir un enfant depuis plusieurs années, lorsque j’ai démissionné du secteur hospitalier pour le libéral. Je me suis donc vite préoccupée de cette question pour anticiper une éventuelle grossesse. J’ai appelé le siège d’un groupe d’assurance et un conseiller est venu à mon domicile. Je ne le souhaitais pas, mais il a été insistant. Je lui ai expliqué mon cas et il m’a proposé de nombreux contrats. Quand on est dans le milieu médical, on n’y connaît rien. J’ai donc fait confiance. Mais ce sont davantage des vendeurs que des conseillers, et lui cherchait à placer ses produits. Car même en ayant eu accès à tous mes documents – puisque nous étions à mon domicile – il m’a vendu des prestations que je possédais déjà. J’ai été naïve. Il m’a fait signer des frais de garantie pour les obsèques, un capital décès, un capital invalidité, une rente invalidité, une responsabilité civile professionnelle. 700 euros par an me sont débités et les contrats ne vont jamais me servir car j’en possède certains en double. Et le pire, c’est que ma grossesse n’est pas prise en charge car j’ai signé ce contrat sans savoir que j’étais déjà enceinte,et lorsque je les en ai informés, ils m’ont dit que cela pouvait être interprété comme une fraude à l’assurance. J’ai voulu annuler mes contrats, mais c’était trop tard. Je dois attendre la date anniversaire. »