L’état des “vieux” - L'Infirmière Libérale Magazine n° 318 du 01/10/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 318 du 01/10/2015

 

Cahier de formation

Savoir

Au 1er janvier 2014, la France comptait 11 848 343 personnes de 60 ans ou plus. Ce qui représente 18 % de l’ensemble de la population. Selon des prévisions de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), en 2050,la France métropolitaine comptera de 58 à 70 millions d’habitants. La part des plus de 60 ans représentera plus du tiers de la population totale et sera plus élevée que celle des moins de 20 ans. Les femmes seront toujours plus nombreuses aux âges élevés, même si l’écart d’espérance de vie entre les hommes et les femmes diminue.

L’âge des personnes âgées

La diminution de capacités fonctionnelles de l’organisme observée lors du vieillissement est très variable selon les individus. Elle peut être minime, voire absente chez certaines personnes âgées. Du coup, fixer arbitrairement un âge de l’état “vieux” est un contre-sens qui laisse entendre que toutes les personnes de cette tranche d’âge se ressemblent, qu’elles ont les mêmes attentes et les mêmes besoins. Néanmoins, pour des raisons pratiques, l’âge de “65 ans et plus” retenu par l’Organisation mondiale de la santé pour désigner les “personnes âgées” sert souvent de référence. En France, l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ne peut être accordée qu’aux personnes de 60 ans et plus. C’est une aide financière mensuelle qui permet aux personnes âgées en perte d’autonomie de bénéficier des aides humaines et techniques dont elles ont besoin dans leur vie quotidienne. L’aide ménagère à domicile de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) bénéficie aux personnes d’au moins 65 ans (60 ans en cas d’inaptitude au travail). À partir de 65 ans , le vaccin contre la grippe est gratuit.

L’état de santé

La progression régulière de l’espérance de vie est principalement liée à la baisse de la mortalité aux âges élevés, surtout après 65 ans et plus particulièrement après 80 ans . Les années gagnées ne sont pas systématiquement accompagnées de maladie, handicap ou dépendance. En 2012, plus de 80 % des personnes de 65 ans ou plus déclaraient un bon état de santé (état perçu par les personnes elles-mêmes) : assez bon pour 41,2 %, bon pour 35,2 %, très bon pour 5,3 %(1). Les presque 20 % restants estime leur état de santé mauvais (15,7 %) ou très mauvais (2,5 %). Dans le même temps, cette catégorie de la population est proportionnellement plus touchée par la maladie que les autres tranches d’âges :

→ l’infarctus du myocarde touche 1,9 % des 65 ans et plus, contre 0,4 % des 40 à 64 ans et 0,1 % des 15 à 39 ans  ;

→ l’hypertension artérielle touche 28,9 % des 65 ans et plus, contre 12,5 % des 40 à 64 ans et 1,4 % des 15 à 39 ans ;

→ le diabète touche 15,9 % des 65 ans et plus, 7,7 % des 40 à 64 ans et 3,6 % des 15 à 39 ans .

Deux exceptions : les allergies concernent un peu moins les personnes de 65 ans ou plus (12,2 %) que les 40 à 64 ans (13,1 %) et les 15-39 ans (15,8 %) ; la dépression n’est pas plus présente chez les 65 ans et plus (6,4 %) que chez les 40 à 64 ans (6,5 %).

L’espérance de vie en bonne santé

→ En 2014, en France, l’espérance de vie à la naissance est de 79,2 ans pour les hommes et 85,4 ans pour les femmes. À l’âge de 60 ans , l’espérance de vie est de 23,1 ans pour les hommes et de 27,7 ans pour les femmes(2). L’espérance de vie « en bonne santé », ou « espérance de vie sans incapacité », reflète l’allongement de la durée de vie sans incapacité majeure liée aux maladies chroniques, aux séquelles d’affections aiguës ou aux traumatismes. Une « bonne santé » est définie par l’absence d’incapacité et de limitation dans les gestes de la vie quotidienne.

→ En 2011, en France, à l’âge de 65 ans(3) :

– « l’espérance de vie en bonne ou très bonne santé perçue » est de 7,6 années pour les hommes et de 7,8 années pour les femmes ;

– « l’espérance de vie sans maladie chronique » est de 6,8 années pour les hommes et 8,4 années pour les femmes ;

– « l’espérance de vie sans incapacité » (sans limitation d’activité) est de 9,7 années pour les hommes et de 9,9 années pour les femmes.

La dépendance

Elle est définie comme le besoin d’aide pour accomplir certains actes essentiels de la vie quotidienne : toilette, habillage, alimentation, déplacements… La notion de dépendance associe l’état de santé de l’individu à son environnement matériel. L’enquête “Handicaps- Incapacités-Dépendance” réalisée de 1998 à 2001 à domicile a dénombré 795 000 personnes âgées dépendantes en 1999 (environ 6,4 % des 60 ans et plus). Le taux de dépendance reste faible jusqu’à 75 ans puis augmente rapidement. L’âge moyen des personnes âgées dépendantes est de 78 ans pour les hommes et 83 ans pour les femmes. Les deux tiers des personnes âgées dépendantes sont des femmes, plus nombreuses parmi les personnes âgées mais aussi plus souvent dépendantes que les hommes à partir de 80 ans. Le nombre de personnes dépendantes pourrait augmenter de 50 % entre 2000 et 2040 pour atteindre 1 230 000 personnes et représenter environ 5,4 % des 60 ans et plus(4).

Le vieillissement physiologique

Il englobe un ensemble de processus physiologiques et psychologiques qui modifient la structure et les fonctions de l’organisme. Avec l’avancée en âge, la diminutiondes réserves fonctionnelles de l’organisme entraîne une réduction de sa capacité à s’adapter aux situations d’agression (effort, stress, maladies aiguës). Cette réduction fonctionnelle n’est pas un critère homogène et certaines personnes n’en subissent que peu les effets. La population âgée est de ce point de vue très hétérogène. En fonctiondes individus, certaines modifications de l’organisme sont à prendre en compte (voir l’infographie ci-dessous).

(1) “Enquête santé et protection sociale 2012”, Les Rapports de l’Irdes, juin 2014.

(2) “Tableaux de l’économie française”, Insee, édition 2015.

(3) “Espérance de vie en bonne santé : dernières tendances”, communiqué de l’Inserm, avril 2013.

(4) “La dépendance des personnes âgées : une projection en 2040”, Données sociales – La société française, Insee, édition 2006.

Des représentations souvent péjoratives

• “Seniors”, “personnes du 3e âge” ou “du 4e âge”, “vieux”, les termes employés pour qualifier les plus âgés recouvrent des notions variées et mal définies. Les termes employés sont plus ou moins valorisants.

Ainsi, le terme “aîné” est associé aux idées d’expérience, de savoir, de sagesse, mais aussi à la capacité d’apprendre et d’agir. “Senior” évoque davantage une personne en pleine santé, dynamique, voire sportive, qui profite de sa retraite en voyageant, etc. En revanche, la plupart du temps, l’avancée dans l’âge souffre d’une représentation péjorative. Le vieillissement est alors considéré à l’opposé des valeurs d’action, de production, voire de beauté, associées à la jeunesse et exaltées dans les sociétés moderne. Les expressions “personnes du 3e âge” ou “du 4e âge” concernent aussi bien les personnes de 60 ans que celles de 80-90 ans. Elles sont associées aux représentations négatives du vieillissement telles l’inactivité, voire l’inutilité (en opposition aux “actifs productifs”), l’isolement social, la sénilité, etc.

Modifications physiologiques liées au vieillissement

Métabolismes

→ Réduction de la masse maigre (surtout diminution de la masse musculaire : sarcopénie) notamment chez le sujet sédentaire avec majoration de la masse grasse en particulier viscérale.

→ Modification du métabolisme des glucides qui entraîne un certain degré de résistance à l’insuline.

Système nerveux

→ Augmentation des temps de réaction.

→ Diminution modérée des performances mnésiques concernant notamment l’acquisition d’informations nouvelles (distincte des troubles de la mémoire pathologiques ayant un retentissement sur la vie quotidienne).

→ Réduction et déstructuration du sommeil.

→ Diminution de la sensation de soif.

→ Diminution de l’instabilité posturale : environ un tiers des plus de 75 ans se plaignent de sensations d’instabilité, surtout au lever du lit et à la marche.

Organes des sens

Yeux

→ Réduction de l’accommodation gênant la lecture de près (presbytie).

→ Opacification progressive du cristallin retentissant sur la vision (cataracte).

Oreilles

→ Perte progressive de l’audition portant principalement sur les sons aigus (presbyacousie).

Nez-bouche

→ Diminution du goût et de l’odorat.

Système cardiovasculaire

→ Débit cardiaque au repos stable et peu diminué à l’effort malgré les modifications anatomiques (augmentation de la masse cardiaque et de l’épaisseur pariétale du ventricule gauche).

→ Diminution de la compliance artérielle liée au vieillissement de la paroi artérielle, ce qui explique l’augmentation de la pression artérielle systolique.

Appareil respiratoire

→ Réduction de la capacité ventilatoire : diminution de la compliance pulmonaire et thoracique, et réduction de volume des muscles respiratoires.

→ Diminution progressive de la capacité de diffusion de l’oxygène.

Appareil digestif

→ Diminution du flux salivaire, de la sécrétion acide des cellules pariétales gastriques et de l’acide chlorhydrique de l’estomac.

→ Temps de transit instestinal ralenti par la diminution du péristaltisme.

→ Diminution des capacités hépatiques à métaboliser beaucoup de médicaments, variable d’un individu à l’autre, par diminution de la masse et du débit sanguin hépatiques.

Appareil locomoteur

→ Diminution de la densité en fibres musculaires, de la masse musculaire (sarcopénie) et de la force musculaire.

→ Réduction de la densité minérale osseuse et diminution de la résistance mécanique de l’os.

→ Amincissement du cartilage articulaire et altération de ses propriétés mécaniques à l’origine d’une fragilité.

Appareil urinaire

→ Diminution (variable) de la filtration glomérulaire et des capacité d’élimination du rein.

→ Modification de la fonction rénale principale, voie d’excrétion des produits résultant de la transformation des médicaments. Les personnes âgées présentent souvent une insuffisance rénale patente ou latente, à évaluer et à surveiller régulièrement.

→ Diminution des capacités de concentration et de dilution des urines.

Organes sexuels

→ Les effets du vieillissement sur la fonction sexuelle sont variables en fontion des individus. Ils sont influencés par le statut hormonal, des facteurs sociaux, psychologiques et culturels.

Femme : la ménopause s’accompagne de l’arrêt de la sécrétion d’œstrogènes, de la disparition des cycles mentruels, de l’involution de l’utérus et des glandes mammaires.

Homme : diminution progressive mais variable de la sécrétion de testostérone ; augmentation du volume de la prostate.

Peau et phanères

→ Altération du tissu élastique cutané, épaississement fibreux du derme. La peau prend un aspect plus pâle, marquée par des rides et des ridules.

→ Possible sècheresse cutanée (diminution des glandes sébacées et sudoripares).

→ Diminution de la vitesse de croissance des cheveux et des ongles.

→ Grisonnement des cheveux par réduction du nombre de mélanocytes.

Système immunitaire

→ Diminution des réponses immunitaires à médiation cellulaire.

→ Modification de la mise en jeu de certaines interleukines dans la coopération des cellules immunitaires.