La NGAP, les Idels et les tribunaux - L'Infirmière Libérale Magazine n° 317 du 01/09/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 317 du 01/09/2015

 

COTATION

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Les Idels n’hésitent plus à contester les demandes de remboursement d’indus par la Sécurité sociale qui seraient, à leurs yeux, fondés sur une mauvaise interprétation de la NGAP. Examen de quelques jurisprudences.

La Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) est un inventaire qui décrit notamment les actes susceptibles de pouvoir être accomplis par les auxiliaires médicaux. À chaque acte décrit – et pris en charge par l’Assurance maladie – correspond une cotation. Autrement dit, les actes de soins ne peuvent donner lieu à remboursement que dans les conditions fixées à la NGAP et s’ils ont fait l’objet d’une prescription médicale écrite, qualitative et quantitative.

Examinons quelques décisions sur certains points d’achoppement entre infirmières et Sécurité sociale relatifs à l’application de la NGAP.

Durée d’un AIS 3

La durée d’un AIS 3 et le nombre de ces actes dans une journée de travail d’une Idel sont à l’origine de contentieux récurrents entre infirmiers et organismes d’Assurance maladie. Deux récentes décisions de la Cour de cassation de mars 2015 (Cass Ch Civ 2, 12 mars 2015, pourvois 14-14646 et 14-14647) viennent de faire pencher la balance en faveur de l’Assurance maladie. Comme le rappelle la haute juridiction, l’article 11 du titre XVI de la NGAP concerne les soins infirmiers à domicile. Cet article comporte la désignation de l’acte, le coefficient, la lettre clé ainsi que la mention “AP” si l’accord préalable est nécessaire. L’acte coté AIS 3 mentionné au paragraphe II de cet article est ainsi défini : « Séance de soins infirmiers, par séance d’une demi-heure, à raison de quatre au maximum par 24 heures. La séance de soins infirmiers comprend l’ensemble des actions de soins liées aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie, visant à protéger, maintenir, restaurer ou compenser les capacités d’autonomie de la personne. La cotation forfaitaire par séance inclut l’ensemble des actes relevant de la compétence de l’infirmier réalisés au cours de la séance, la tenue du dossier de soins et de la fiche de liaison éventuelle. » La NGAP n’envisage le remboursement des séances de soins infirmiers cotées AIS 3 que lorsque les soins sont effectués en respectant la définition de l’acte. Dans ces deux affaires, l’Assurance maladie réclamait à chaque infirmier le remboursement d’un indu correspondant à des séances de soins infirmiers cotées AIS 3 en soutenant que ces derniers n’avaient pas respecté la durée de trente minutes exigée par la NGAP. Pour leur défense, les infirmiers avaient soulevé les arguments suivants :

→ l’indu ne pouvait être réclamé que si les actes n’avaient pas été effectués ou s’ils n’avaient pas respecté les règles de codage par rapport à la nomenclature ou bien encore s’ils n’avaient pas respecté les règles de facturation. Or aucun de ces manquements ne pouvait être reproché aux auxiliaires médicaux ;

→ la Caisse avait approuvé le nombre d’AIS 3 proposé dans la DSI (démarche de soins infirmiers). À cet argument, la Caisse a répondu que la DSI acceptée par elle entérine la prescription d’un certain nombre de séances de soins infirmiers par jour pour un patient. Chaque DSI concerne un patient donné avec les précisions du type d’AIS et la fréquence des soins mais ne valide pas l’activité journalière du professionnel de santé.

Dans ces deux décisions, la Caisse a fixé à 17 heures l’amplitude de travail au-delà de laquelle la qualité des soins ne peut plus être garantie, « ce qui équivaut à un nombre d’actes [AIS 3] de 34 par jour, à quoi il faut ajouter les temps de déplacements au domicile des patients ». Selon « les tableaux d’anomalie » produits par la Caisse, le nombre d’actes AIS 3 variait pour un des infirmiers entre 35, soit 17,5 heures de travail, et un maximum de 50, soit 25 heures de travail, excluant le temps de trajet, et pour l’autre de 17,5 heures à 53 heures. Les montants des indus réclamés allaient respectivement d’environ 5 500 à 7 500 euros.

Majorations de nuit ou pour jours fériés

L’article 14 des dispositions générales de la NGAP prévoit que « les actes qui sont effectués la nuit ou le dimanche et jours fériés donnent lieu, en plus des honoraires normaux, et, le cas échéant, de l’indemnité de déplacement, à une majoration, étant considérés comme des actes de nuit les actes effectués entre 20 heures et 8 heures ».

Voici quelques décisions intéressantes en la matière. Les tribunaux ont donné raison à la Caisse de ses demandes de remboursement d’indu d’une facturation d’une majoration pour jour férié d’un acte réalisé le 11 novembre alors que la prescription du médecin prévoyait une prise de tension une fois par semaine. Il a été considéré que cet acte aurait pu être effectué un autre jour (CA Basse Terre, 5 décembre 2011, RG 09/01399).

La prescription doit indiquer explicitement la nécessité impérieuse d’une exécution de nuit. L’infirmière ne peut se prévaloir du manque de précision de la prescription ni d’une attestation postérieure du médecin pour justifier l’accomplissement nocturne de ses soins. La Caisse est dès lors fondée dans sa demande de répétition de l’indu versé à ce titre (CA Angers 30 novembre 2000, RG 1999/01674).

En revanche, dès lors que, s’agissant d’un patient atteint de diabète, le médecin a prescrit une injection d’insuline, deux fois par jour, à 7 heures et à 19 heures, l’auxiliaire qui devait impérativement exécuter et respecter cette prescription est en droit de facturer des majorations de nuit (Cass Ch Civ 2, 12 juillet 2012, pourvoi 11-14852).

Remboursement de frais kilométriques

Comme on le remarque, les infirmières obtiennent aussi gain de cause devant les tribunaux. Ainsi, dans une autre affaire (CA Montpellier, 7 mai 2008, RG 07/04275), des infirmières d’un même cabinet avaient facturé des indemnités kilométriques pour un certain nombre de patients sans tenir compte de l’existence de cabinets d’autres collègues plus proches du domicile de ces patients que le leur. La Caisse leur en demandait le remboursement aux motifs que la règle exposée à l’article 13-C 2° de la NGAP selon laquelle « le remboursement accordé par la Caisse pour le déplacement d’un praticien ne peut excéder le montant de l’indemnité calculée par rapport au praticien de la même discipline se trouvant dans la même situation à l’égard de la convention dont le domicile professionnel est le plus proche de la résidence du malade » ne souffrait aucune exception, sauf cas de force majeure. Elle précisait que si des dérogations avaient été accordées, de façon très exceptionnelle, dans des cas de rupture ou de défaut d’accès aux soins pour des situations médicales lourdes, c’était seulement à la suite d’une demande préalable en ce sens et d’une enquête de la Caisse. De leur côté, les infirmières faisaient valoir qu’ayant une formation en chimiothérapie et en dialyse péritonéale, elles avaient été amenées à assurer des soins extrêmement lourds que d’autres cabinets avaient refusé de prendre en charge. La Cour leur donne raison. Elle relève que, dans le plus grand nombre des dossiers, il était établi que les infirmières les plus proches géographiquement avaient opposé un refus de prise en charge, et que, dès lors, le cabinet des infirmières poursuivies était le plus proche du domicile des patients et que, par ailleurs, la Caisse ne justifiait pas de l’obligation de former une demande d’entente préalable dans ces cas-là.