La maladie de Lyme - L'Infirmière Libérale Magazine n° 311 du 01/02/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 311 du 01/02/2015

 

Zoonose

Cahier de formation

LE POINT SUR

SOPHIE MAGADOUX*   Drs Thierry Médynski**   Raouf Ghozzi***  

Parfois surnommée la grande imitatrice - ses symptômes peuvent être confondus avec ceux d’autres pathologies -, la maladie de Lyme est une maladie infectieuse émergente. La sérologie et le traitement font l’objet d’une controverse.

Définition

Maladie non immunisante, la maladie de Lyme est une zoonose causée par une bactérie spirochète du genre Borrelia, transmise par une morsure de tique (Ixodes ricinus). Le réservoir biologique naturel est principalement constitué de mammifères forestiers, tels que les écureuils et les cervidés. L’homme n’est qu’un hôte accidentel. Plusieurs espèces de Borrelia peuvent être impliquées. La tique peut aussi être le vecteur d’autres agents infectieux seuls ou en association (Bartonella, Babésia, Mycoplasma, etc.), responsables d’éventuelles co-infections.

Épidémiologie

La maladie de Lyme est surtout présente dans les régions tempérées et froides de l’hémisphère Nord (Europe, Asie et Amérique du Nord). Un pic diagnostic d’érythèmes migrants, atteinte cutanée de la maladie, est rapporté en juin et juillet. En France, classée maladie infectieuse émergente (IME), non soumise à déclaration obligatoire, elle est probablement sous-estimée : incidence annuelle de 27 000 cas (ministère de la Santé), contre 80 000 cas en Allemagne.

Signes cliniques

→ Les signes cliniques peuvent apparaître trois à cinq jours, voire plusieurs semaines, après la morsure et sont classés en trois stades.

→ Le malade peut être porteur sain avant qu’une nouvelle piqûre ou un affaiblissement du système immunitaire dû à un stress (maladie, choc émotionnel…) ne le rendent symptomatique. Un point controversé.

Au premier stade

Un érythème migrant (lésion cutanée rougeâtre circulaire qui s’étend de façon progressive centrifuge autour de la morsure) peut apparaître sur la peau, ceci dans 60 à 90 % des cas (Institut de veille sanitaire), et/ou, éventuellement, provoquer un état grippal.

Au deuxième stade

Quelques semaines après la morsure, peuvent survenir des manifestations neurologiques (radiculite, paralysie faciale, méningite), des manifestations rhumatologiques avec des arthrites inflammatoires, ou plus rarement des manifestations cardiaques, ophtalmiques, cutanées (lymphocytome cutané bénin).

Au troisième stade

→ Les symptômes sont souvent multiples (cutanés, neurologiques, cognitifs ou articulaires), installés sur plusieurs années, avec une présentation différente d’un patient à un autre. Les atteintes répondent mal aux antibiotiques.

→ Les patients présentent des douleurs, qui peuvent migrer d’un endroit du corps à un autre, et l’état général varie d’un jour à l’autre : maladie de Lyme chronique ou syndrome post-Lyme, les spécialistes sont partagés (lire aussi l’encadré).

→ Le généraliste « est régulièrement confronté à des patients se plaignant de fatigue physique et intellectuelle, intense, chronique, associée à des douleurs atypiques ainsi qu’à un cortège de symptômes subjectifs », selon le groupe de travail du Haut Conseil de la santé publique, en mars 2014, qui est sorti de la polémique “post-Lyme” ou “Lyme chronique”.

Diagnostic

→ Le diagnostic prend en compte le risque d’exposition (notion de morsure de tique, taux d’infestation dans la région, saison), la symptomatologie clinique et la biologie. Nombre de personnes ne gardent aucun souvenir d’une morsure de tique - indolore.

→ Durant sept à quinze jours en moyenne, la sérologie est faussement négative, et une fois sur deux au stade d’érythème migrant.

→ Ensuite, selon les recommandations (consensus sur la borréliose, 2006), un test sanguin est préconisé afin de détecter la présence d’anticorps développés contre la bactérie Borrelia burgdorferi : Elisa puis Western-Blot si Elisa positif.

→ Cependant, les tests ne sont pas standardisés et certains spécialistes dénoncent un seuil de sensibilité trop élevé (cf. encadré, et l’article dans notre n° 310, p. 18). Quel que soit le stade d’évolution de la maladie, à l’heure actuelle, le diagnostic repose donc essentiellement sur les signes cliniques observés.

→ Lorsque les symptômes sont présents mais la sérologie négative, l’avis d’un infectiologue s’impose.

→ Pour le suivi du patient, les sérologies sont inutiles car les anticorps peuvent persister même en cas de traitement efficace.

Traitement

Antibiothérapie

→ Le traitement est d’autant plus efficace qu’il est débuté tôt, dès la constatation de l’érythème migrant. Au premier stade, sont essentiellement prescrits amoxicilline ou doxycycline pendant deux à trois semaines.

→ Aux deuxième et troisième stades, les recommandations officielles stipulent une antibiothérapie d’un mois maximum, et de trois mois en cas d’atteintes articulaires au troisième stade (à noter que des anti-inflammatoires non-stéroïdiens sont parfois utilisés pour les formes articulaires).

→ Des protocoles non officiels, comme ceux de l’International Lyme and Associated Diseases Society (lire ci-dessous), proposent une antibiothérapie, par cure de dix jours, alternant les antibiotiques qui, selon leur catégorie, agissent sur différents organes et diverses formes de la bactérie (spiralés, kystes et sur le biofilm). Le traitement peut alors durer, jusqu’à disparition des symptômes, plusieurs mois, voire plusieurs années.

→ La diminution des symptômes ou leur disparition confirment le diagnostic de Lyme, voire de maladies vectorielles à tiques, ainsi que les réactions d’aggravation d’Herxheimer (réaction inflammatoire résultat de la lyse bactérienne ; une corticothérapie courte peut être utilisée contre la réaction d’Herxheimer).

→ Parmi les effets secondaires possibles en cas de prise d’antibiotiques, figure la colite pseudo-membraneuse : prévenir le médecin en cas de diarrhée importante.

Traitement adjuvant

La phytothérapie, certains compléments alimentaires et l’hygiène de vie permettent de restaurer un bon fonctionnement digestif et de mieux gérer les éventuels effets indésirables de l’antibiothérapie, voire de mieux la tolérer. Ces thérapeutiques se choisissent en fonction des symptômes et nécessitent un avis médical.

Prévention

Elle repose sur l’information et l’éducation des professionnels de santé et du grand public : développer une signalisation dans les zones infectées, se protéger lors de balades en forêt ou dans les herbes hautes afin d’éviter le contact avec les tiques (habillement et contrôle). En cas de morsure, retirer la tique en évitant de casser le rostre grâce à un tire-tique puis surveiller cliniquement. Le risque de transmission maximal se situe entre 28 et 72 heures après la piqûre.

Controverse

Les directives de la Société américaine des maladies infectieuses, reprises au niveau européen par l’European Union Concerted Action on Lyme Borreliosis, puis en France par la Conférence de consensus sur la borréliose en 2006, reconnaissent les stades classiques de la maladie de Lyme ainsi que la problématique des co-infections. Mais elles considèrent la forme chronique active persistante comme des séquelles, un syndrome post-lyme : le traitement antibiotique prolongé n’est pas justifié. En revanche, l’International Lyme and Associated Diseases Society défend une forme chronique de la maladie. Les tests sérologiques n’étant pas fiables, elle estime que le diagnostic d’une forme chronique est avant tout clinique et donc que la durée du traitement dépend de la réponse clinique.