Soupçons de compérage - L'Infirmière Libérale Magazine n° 310 du 01/01/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 310 du 01/01/2015

 

ORGANISATION DES SOINS

Actualité

SANDRA MIGNOT  

TENSIONS > L’Ordre infirmier du Loiret se fâche contre un cabinet de Saran, suspecté d’une entente avec un pôle de santé privé.

Depuis l’hiver 2013, les Idels de la Maison du pansement à Saran, à proximité d’Orléans, sont sur la sellette. L’Ordre et certains de leur confrères leur reprochent un détournement de patientèle et des faits de compérage depuis qu’elles ont ouvert leur cabinet en août 2013. « Ce sont deux infirmières de la Polyclinique des Longues Allées qui ont décidé de s’installer en libéral lorsque leur établissement s’est rapproché de trois autres cliniques pour devenir le pôle Oréliance, résume Me Gaëtane Moulet, avocate des deux Idels. Elles possédaient une grande expérience des soins de la main au bloc, et elles ont voulu proposer un service de qualité, axé sur le pansement, en mettant en avant un service spécialisé. »

Pourtant, dès novembre 2013, un infirmier dépose plainte auprès du conseil départemental de l’Ordre des infirmiers (CDOI). Une conciliation est organisée. « Là, nous sommes tombés des nues, se souvient Guy Gonzalez, membre du conseil de l’Ordre du Loiret. Publicité pour leur concept de pansement auprès des médecins de la région, réception des chirurgiens dans leurs locaux pour voir les pansements, cartes de visite agrafées sur les ordonnances post-op des médecins, etc. Elles n’avaient aucune notion de comment fonctionne le système libéral. »

Pour l’Ordre, leur exercice viole au moins deux des articles du Code de la santé publique : R4312-21 (interdiction du compérage) et R4312-37 (interdiction de toute publicité). À l’issue de la conciliation, il s’associe donc à la plainte de l’infirmier, qui devait être traitée en chambre disciplinaire en novembre 2014. L’absence du juge – pour raisons personnelles – a finalement retardé la procédure, qui pourrait prochainement être réinitialisée, les Ordres voisins du Loiret et de l’Eure-et-Loir ayant depuis fusionné. L’Ordre envisageait de demander une suspension de quatre mois pour les deux professionnelles.

Plainte contre des chirurgiens

Les infirmières, elles, se défendent de toute publicité. « Il n’y a aucune preuve que ces cartes ont été données, affirme leur avocate. Et si c’était le cas, ce ne sont pas mes clientes qui les ont distribuées. » Dans son dossier, la juriste disposerait même de témoignages en provenance d’une dizaine de clients indiquant qu’ils ont consulté les Idels pour la qualité reconnue de leurs services. « Il n’y a pas de compliance, poursuit l’avocate qui préfère cette notion juridique à celle de compérage précisée dans le Code de santé publique. Si les chirurgiens les ont recommandées, c’était dans l’intérêt du patient et sans contrepartie. »

Le CDOI a d’ailleurs également porté plainte contre les chirurgiens. Lors d’une conciliation organisée en janvier 2014 au conseil départemental de l’Ordre des médecins, ils auraient d’ailleurs reconnu envoyer leurs patients auprès des Idels de la Maison du pansement et distribuer leur carte de visite. « Ils ont confirmé ces faits et se sont engagés à ne plus le faire, même si nous avons connaissance d’au moins deux exemples depuis dans lesquels ils n’ont pas respecté cet engagement », résume Guy Gonzalez.

Depuis, les infirmières ont cessé leurs pratiques suspectées d’être litigieuses, perdant au passage leur troisième associée. Elles ont repris un exercice plus généraliste et interviennent à domicile pour tout type de soin. « Résultat : les clients vont faire des soins dans des cabinets non spécialisés ou retournent à la clinique en post-opératoire, explique Gaëtane Moulet. Et l’activité du cabinet est très difficile à remonter, les deux infirmières ont beaucoup de mal à en vivre et leur enthousiasme s’essouffle. C’est désolant. »