Mobilisations tous azimuts - L'Infirmière Libérale Magazine n° 310 du 01/01/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 310 du 01/01/2015

 

LOIS DE SANTÉ ET MACRON

Actualité

LAURE MARTIN  

DÉBATS > L’examen du projet de loi de santé au Parlement, initialement prévu fin janvier, a été reporté au mois d’avril. Est-ce pour le gouvernement le moyen d’éviter de s’attirer les foudres, d’autant que le texte sur les professions réglementées sera bel et bien examiné en janvier ? Retour sur les deux projets de loi qui fâchent les professionnels de santé.

Infirmiers, médecins généralistes, spécialistes, urgentistes, pharmaciens, aussi bien libéraux que salariés, beaucoup fustigent le projet de loi de santé de la ministre Marisol Touraine et celui sur les professions réglementées du ministre de l’Économie, Emmanuel Macron. Des appels à la grève fleurissent de tout bord.

« Loi “déclin” »

« Ce n’est pas une loi “croissance”, c’est une loi “déclin”, a soutenu Michel Chassang, président de l’Union nationale des professions libérales, en évoquant le projet de loi Macron. Les mesures sont dévastatrices et visent à détruire nos professions. Un désastre économique se profile. » Conséquence : un appel à la grève des professions libérales le 22 janvier.

Du côté du ministère de la Santé, certaines concessions sont prêtes à être accordées, avec notamment l’autorisation des dépassements d’honoraires des cliniques remplissant une mission de service public hospitalier ou la modification de « la lecture jacobine et planificatrice qui a été faite » du service territorial de santé au public, qui mécontente les médecins libéraux. Mais cela ne semble pas suffisant aux yeux des professionnels.

Pour un droit de vaccination des infirmiers

Premiers contestataires de la loi de santé, les infirmiers libéraux, dont les représentants crient au scandale puisque le texte prévoit dans son article 32 la possibilité d’offrir aux pharmaciens le droit de vacciner. Et le rapport du député PS Richard Ferrand, “Pour une nouvelle jeunesse”, portant sur le projet de loi sur les professions réglementées, en rajoute une couche en préconisant de « permettre aux pharmaciens de pratiquer, sur prescription médicale, les vaccinations dont la liste serait arrêtée par le ministre chargé de la Santé ».

Pour l’Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux (Onsil), Marisol Touraine « déshabille les infirmières pour rhabiller les pharmaciens ».

La Fédération nationale des infirmiers a quant à elle lancé une pétition afin d’amender le projet de loi pour y introduire une disposition visant à élargir le droit des infirmières à vacciner. Le syndicat a également adressé un courrier à la ministre pour lui faire part de l’indignation et de la colère de l’ensemble de la profession.

Le Syndicat national des infirmiers et infirmières libérales (Sniil) tient le même discours et a demandé au ministère de la Santé d’ajuster le Code de la santé publique afin d’élargir le droit infirmier à vacciner. Un point positif pour le Sniil toutefois : le rapport Ferrand « encourage toute délégation d’acte en faveur des pharmaciens et d’autres professions paramédicales, chaque fois que les exigences de santé publique sont respectées et que la formation des professionnels le permet ». Les pharmaciens sont, sans surprise, satisfaits des nouvelles missions qu’il est prévu de leur confier. Néanmoins, l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine refuse l’assouplissement des modalités d’organisation de la vente en ligne de médicaments prévu au sein du rapport Ferrand « qui aboutirait à la création de plateformes logistiques chargées d’expédier des médicaments. Cette disposition serait une atteinte directe au monopole des pharmacies ».

« Sauver la médecine générale »

Les médecins libéraux ne sont pas en reste. Unis dans la grève annoncée pour la période des fêtes de Noël, leur contestation va mettre à mal la permanence des soins. Tous s’interrogent sur les intentions des pouvoirs publics à leur égard. Plus que tout, les libéraux réclament une revalorisation de leurs honoraires et la suppression de l’obligation du tiers payant prévu dans le projet de loi de santé (lire aussi pp.20-21). Pour calmer les esprits, la ministre propose de réunir dès janvier les professionnels au sein d’un groupe de travail sur le tiers payant, afin de définir les garanties à apporter qui pourront être inscrites dans la loi. La chute de leur démographie, le manque de moyens accordés aux formations continues et initiales, et les missions confiées à d’autres professions par les futures lois constituent également les raisons de la colère. Pour MG France, la grève vise à « sauver la médecine générale » et à permettre « l’accès à un médecin généraliste traitant pour tous », comme le rappelle son président le Dr Claude Leicher. Il précise que, même si le projet de loi de santé est retiré, la médecine générale n’en sera pas pour autant sauvegardée.

De son côté, la Confédération des syndicats médicaux français se félicite du report du projet de loi de santé, mais en appelle toujours à la fermeture des cabinets. Il plaide, entre autres, pour la suppression du tiers payant, la préservation du volontariat de la permanence des soins et de la liberté d’installation, la sauvegarde du système conventionnel national sans intrusion des Agences régionales de santé et une revalorisation des actes de deux euros sur les consultations de base, pour commencer.

Du côté des salariés

Les professionnels de santé salariés aussi se mobilisent. L’alliance Association des médecins urgentistes de France (AMUF) et CGT a rencontré le cabinet de Marisol Touraine et souhaite une ouverture immédiate des discussions sur leur temps de travail et la revalorisation de leurs gardes, sans quoi la grève illimitée à partir du 22 décembre serait maintenue.

Quant à la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), elle demande « le retrait pur et simple d’un projet de loi qui érige l’inégalité de traitement public/privé en dogme de gouvernement », fait savoir Lamine Gharbi, son offensif président. La FHP dénonce le renforcement des pouvoirs des Agences régionales de santé. Demain, elles « pourront retirer à l’un de nos établissements une autorisation d’activités de soins ou fermer un de nos services d’urgence parce que l’hôpital public voisin, qui ne va pas bien, a besoin d’un afflux de patients, dénonce Lamine Gharbi. Nous refusons d’être la variable d’ajustement d’un secteur public structurellement déficitaire ».