Faire valoir ses droits en cas de contrôle - L'Infirmière Libérale Magazine n° 310 du 01/01/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 310 du 01/01/2015

 

ASSURANCE MALADIE

Votre cabinet

ME GENEVIÈVE BELTRAN*   VÉRONIQUE VEILLON**  

Que ce soit en matière civile, conventionnelle ou pénale, les poursuites diligentées par les caisses semblent récemment se multiplier auprès des professionnels de santé. Si les tribunaux condamnent ces derniers, il leur arrive aussi de débouter les caisses. Apprenez à vous défendre !

Types de contentieux

Commencez par savoir distinguer les différents types de contentieux. Chacun a ses propres fondements, ses propres règles de procédure, avec des juridictions propres en cas de contestation.

→ Tout d’abord, le contentieux des actions en répétition des indus ou des sommes à payer. Il est basé sur les articles L 133-4 et L 161-1-5 du Code de la Sécurité sociale et 1235 et 1376 du Code civil. Il s’agit pour l’Assurance maladie de demander le remboursement de sommes qu’elle a dans un premier temps payées mais dont elle estime par la suite que les règles de facturation et de tarification n’ont pas été respectées.

→ Autre contentieux qui peut se révéler particulièrement douloureux : celui des pénalités financières pour tous les griefs qui sont listés aux articles R 147-6 et R 147-12 du Code de la Sécurité sociale, notamment ceux constitutifs d’une fraude au préjudice de l’Assurance maladie. Le montant de la pénalité financière est fonction de la gravité des faits. Il ne peut être inférieur à la moitié du plafond mensuel de la Sécurité sociale et peut aller jusqu’à la moitié des sommes concernées. Les tribunaux sont toutefois là pour apprécier l’adéquation de la sanction financière à l’importance de l’infraction commise. La contestation de ces deux procédures a été confiée par le législateur au tribunal des affaires de Sécurité sociale.

→ Évoquons maintenant le contentieux ordinal : toutes les fraudes, tous les abus ou tous les faits intéressant l’exercice de la profession à l’occasion des soins dispensés aux assurés sociaux peuvent faire l’objet d’un examen par la section des assurances sociales du Conseil régional de l’Ordre, d’un appel devant le Conseil national de l’Ordre et d’un pourvoi devant le Conseil d’État.

→ Quant au non-respect des dispositions conventionnelles, il peut être sanctionné selon l’article 7.4.1 de la convention nationale, notamment par la suspension d’exercer dans le cadre conventionnel de manière temporaire ou définitive pour la durée de la convention et une suspension de la participation des caisses au financement des cotisations sociales. Cela relève de la CPAM.

→ Enfin, parlons du contentieux le plus médiatique, le pénal, pour des faits constitutifs d’une infraction pénale au sens du Code pénal, avec bien entendu dédommagement du préjudice financier subi par les caisses d’Assurance maladie.

Annonce de la procédure

Tout commence, le plus souvent, par la réception, un beau matin, d’une lettre recommandée avec avis de réception de la caisse du lieu d’implantation de votre cabinet professionnel qui va agir pour l’ensemble des caisses (celle du régime de la Mutualité sociale agricole et celle du Régime social des indépendants). Ce courrier reprend l’ensemble des faits qui vous sont reprochés. Il peut s’agir d’une demande de remboursement de coquettes sommes. Bien entendu, il est fait référence à de nombreux articles de loi obscurs et inconnus de la majorité des praticiennes.

Origine de la procédure

Pourquoi vous ? Plusieurs hypothèses. Le repérage informatique : une télétransmission irrégulière, illustrée par certains nostalgiques de la fiche de paie de l’hôpital qui ne télétransmettent qu’une fois par mois sans se douter que l’importance des montants facturés déclenche ainsi des alertes informatiques. Des validations trop précipitées de traitements informatiques de logiciel de cabinet qui font demander le paiement des soins pour des patients hospitalisés ou… décédés. Quelques collègues ou autres professionnels de santé bien intentionnés qui signalent à la caisse tel ou tel comportement, conventionnellement, civilement ou pénalement répréhensible. La famille d’un patient âgé mécontent qui se retourne vers l’Assurance maladie.

Communiquer avec la caisse

Bien entendu, vous pouvez ou devez vous justifier, mais toujours par écrit. La caisse s’adresse à vous par écrit, ne lui répondez pas oralement. Il est parfois tentant de vouloir appeler pour avoir plus d’informations ou pour se justifier. Certes, vous avez le droit de demander à être entendue par la Caisse, ou par la commission paritaire départementale (lire p. 55). Mais les professionnelles se montrent souvent maladroites dans les propos qu’elles tiennent. Certaines sortent avec l’impression d’avoir été écoutées, alors qu’elles n’ont souvent pas été entendues. Or leurs propos, interprétés le plus souvent comme reconnaissant ce qu’on leur reproche, sont consignés dans des procès-verbaux qui pourront un jour être utilisés contre elles. D’autres, au contraire, vont faire le “mort”. Mais il ne faut jamais sous-estimer l’Assurance maladie et ses inspecteurs assermentés. Ils n’hésiteront pas à interroger vos patients à leur domicile. De votre côté, après avoir tenté de les rassurer, insistez pour qu’ils réclament une copie de leur déclaration. On a vu des procès-verbaux signés par des aveugles !

Des questions vous seront posées sur des soins intervenus des mois, voire des années, plus tôt. Il est vrai que celles qui notent tout dans leurs dossiers patients seront les plus armées pour répondre.

N’affrontez jamais seule ni les caisses, ni les officiers de police lors de la garde à vue faisant suite à un dépôt de plainte de la Sécurité sociale. Faites-vous assister par des avocats spécialisés ou par des syndicalistes au fait des procédures.

Quand des Idels gagnent

Voici deux exemples de procédures gagnées pour des infirmiers.

→ Dans une affaire, l’Assurance maladie avait déposé plainte pour escroquerie à l’encontre d’une infirmière à qui elle reprochait d’avoir facturé un nombre d’actes anormalement élevé. Elle considérait qu’à chaque acte correspondait un temps d’exécution fixé par la NGAP et que l’addition des actes facturés aboutissait à des journées de travail supérieures à 17 heures. Dès lors, il convenait de déclarer que les actes facturés au-delà de cette limite étaient des actes fictifs dont le paiement constituait un préjudice subi par la caisse. Dans un premier temps, la caisse a été suivie dans son raisonnement par le tribunal correctionnel. En appel, la cour a estimé que la caisse se fondait sur « une étude statistique non corroborée par le constat de faits matériels » et qui se révélait donc insuffisante pour permettre la condamnation de l’infirmière (CA Aix-en-Provence, 16 septembre 2014).

→ Dans une autre affaire, une caisse avait déconventionné un infirmier pour une durée de douze mois ferme au motif qu’il avait été constaté « des écarts importants entre la date des soins réalisés et la date de transmission à la Caisse primaire d’Assurance maladie des demandes de rembousement ». Devant le tribunal admistratif saisi de l’affaire par l’infirmier, des arguments de fond et de forme ont été soulevés. Parmi ces derniers, était relevé le défaut de mention du nom du signataire de la caisse de la Mutualité sociale agricole. Ce non-respect de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 a entraîné l’annulation de la décision de déconventionnement des Caisses (TA Melun, 25 février 2014).