La leucémie lymphoïde chronique (LLC) - L'Infirmière Libérale Magazine n° 309 du 01/12/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 309 du 01/12/2014

 

Oncologie

Cahier de formation

LE POINT SUR

Nathalie Belin  

La LLC est la plus fréquente des leucémies de l’adulte. Incurable (en dehors de l’allogreffe), elle est néanmoins de progression lente pour la majorité des patients.

Définition

→ La LLC correspond à la prolifération monoclonale de lymphocytes B matures. C’est la plus fréquente des leucémies de l’adulte (environ 30 %) avec une incidence d’environ 3 300 nouveaux cas par an. L’âge moyen de la découverte de la maladie est de 70 ans chez les hommes, 72 ans chez les femmes. Dans 45 % des cas, les patients ont plus de 75 ans au moment de leur premier traitement.

→ La LLC n’est pas une maladie héréditaire. Aucun facteur favorisant n’est identifié à ce jour. C’est seulement dans de rares cas qu’une incidence familiale est retrouvée.

Physiopathologie

→ La maladie est liée à l’accumulation de lymphocytes B matures, de phénotype particulier, dans le tissu lymphoïde. Ces lymphocytes B se différencient des lymphocytes B normaux par une diminution de la densité de plusieurs récepteurs de surface, en particulier des immunoglobulines. Ils ont aussi une résistance accrue à l’apoptose (mort cellulaire programmée) : l’hyperlymphocytose est ainsi davantage liée à l’accumulation des lymphocytes par défaut de mortalité cellulaire que par une prolifération cellulaire accrue.

→ Les lymphocytes B anormaux colonisent les chaînes ganglionnaires superficielles (cervicales, axillaires, inguinales) et profondes (médiastinales, abdominales, foie, rate, amygdales) ainsi que le sang et la moelle osseuse.

Signes cliniques

→ Le début de la maladie est insidieux, sans aucun symptôme pendant plusieurs années. Sa découverte se fait souvent de façon fortuite à l’occasion d’une prise de sang. La maladie est parfois révélée par une complication infectieuse ou auto-immune.

→ Un syndrome tumoral avec adénopathie et/ou splénomégalie peut être présent au moment du diagnostic.

→ Des signes cliniques peu spécifiques apparaissent lorsque la maladie est à un stade déjà évolué. Leur présence doit alerter, notamment lorsqu’ils surviennent chez un patient de plus de 50 ans : fièvre prolongée, amaigrissement, fatigue, perte d’appétit, infections répétées.

Diagnostic

→ Toute hyperlymphocytose isolée (lymphocytes > 5 000/mm3) persistant depuis plus de trois mois doit faire évoquer une LLC. Associée au frottis sanguin (pour apprécier la morphologie des lymphocytes) et à l’immunophénotypage des lymphocytes circulants (qui recherche des marqueurs de surface), elle permet d’établir le diagnostic. En général, au début de l’évolution de la maladie, les autres lignées sanguines sont normales. Une anémie, une thrombopénie et/ou une granulopénie peuvent être présentes à des stades plus évolués.

→ Explorations biologiques complémentaires : bilan rénal, hépatique, infectieux, électrophorèse des protéines (à la recherche d’une hypogammaglobulinémie) et, si un traitement est indiqué, étude cytogénétique à la recherche de la délétion 17p (anomalie chromosomique facteur de mauvaise réponse au traitement).

→ Classification : l’hémogramme et l’examen clinique permettent de déterminer le stade d’évolution de la maladie et d’établir un pronostic (voir tableau à droite). La plupart des patients sont diagnostiqués au stade A, le moins sévère.

Évolution et complications

→ Dans la majorité des cas, la LLC a une évolution lente et chronique. Un nombre important de patients ne nécessite pas de traitement mais une simple surveillance.

→ Les complications sont de type infectieux (dues à l’hypogammaglubulinémie ou aux neutropénies induites par les traitements) ou auto-immunes (anémies ou thrombopénies auto-immunes). La LLC ne se transforme pas en leucémie aiguë mais peut en revanche se transformer en lymphome à grandes cellules ou syndrome de Richter (dans 3 à 10 % des cas), caractérisé par une croissance rapide du syndrome tumoral et dont le pronostic est sombre.

→ Les patients atteints de LLC ont aussi un risque accru de développer d’autres cancers (notamment digestifs, cutanés).

Traitement

→ La maladie évolue en phases successives et seule l’allogreffe de cellules souches hématopoïétique (réservée aux patients jeunes) peut l’éradiquer définitivement.

→ Pour les patients sans indication thérapeutique initiale, la prise en charge repose sur une surveillance, tous les six mois à un an, pour détecter une éventuelle progression de la maladie.

→ Pour les autres, l’objectif est d’obtenir la meilleure réponse possible et la plus durable possible. Tous les patients qui ont été traités sont régulièrement suivis (tous les trois à six mois) pour déceler rapidement une reprise de la maladie et permettre le cas échéant l’instauration d’une nouvelle ligne de traitement.

Stratégie thérapeutique

→ Au stade A ou B de la maladie : la mise en route d’un traitement est décidée selon des critères de progression de la maladie (perte de poids inexpliquée, fièvre persistante, fatigue importante, temps de doublement rapide des lymphocytes, adénopathie, splénomégalie ou hépatomégalie rapidement progressive…). Plus de la moitié des patients diagnostiqués au stade A n’auront jamais besoin d’un traitement.

→ Au stade C : un traitement est instauré d’emblée.

Moyens thérapeutiques

→ Les thérapies employées sont la fludarabine (Fludara), le chlorambucil (Chloraminophène), le cyclophosphamide (Endoxan), la bendamustine et/ou les anticorps monoclonaux (rituximab, alemtuzumab, ofatumumab, à l’hôpital) et les corticoïdes (en cas de forte masse tumorale ganglionnaire). En cas de résistance ou de rechutes, d’autres chimiothérapies peuvent être indiquées (anthracyclines…). La polychimiothérapie de référence associe la fludarabine, le cyclophosphamide et une immunothérapie par rituximab. Le schéma comprend habituellement six cycles mensuels. L’idélalisib (Zydelig), un nouveau traitement, présente des résultats prometteurs et devrait obtenir prochainement une AMM dans le traitement de la LLC.

→ La prévention de certaines infections justifie l’utilisation d’antiviraux (valaciclovir) et de sulfamides (cotrimoxazole) pendant et après la chimiothérapie (jusqu’à six à dix-huit mois après un traitement par fludarabine).

→ L’hypogammaglobulinémie associée à des épisodes infectieux répétitifs est prise en charge par des perfusions de gammaglobulines.

Conseils

→ Chez un patient sous chimiothérapie, tout épisode infectieux (fièvre, troubles respiratoires) doit amener à consulter rapidement un médecin. Le risque infectieux induit par les traitements peut persister pendant un à deux ans après leur arrêt.

→ Tout patient atteint d’une LLC, même non traitée, doit consulter son médecin devant des symptômes évoquant une évolution de la maladie : perte de poids non intentionnelle, épisode fébrile inexpliqué, sueurs nocturnes, fatigue importante, essoufflement, augmentation du volume des ganglions (cou, aisselle, aine), tendance aux hématomes (bleus), saignement (gingivorragies…).

→ La vaccination antigrippale est recommandée. Les vaccins vivants (fièvre jaune) sont contre-indiqués aux patients atteints d’une LLC.