La nutrition artificielle - L'Infirmière Libérale Magazine n° 308 du 01/11/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 308 du 01/11/2014

 

Cahier de formation

Savoir

La nutrition artificielle intervient lorsqu’une personne ne peut plus s’alimenter normalement ou en cas de dénutrition avérée. La dénutrition résulte d’une insuffisance d’apports nutritionnels par rapport aux besoins énergétiques de l’organisme. Le rôle de l’Idel est prépondérant dans sa prévention et sa prise en charge.

DÉNUTRITION

Épidémiologie et conséquences

La dénutrition concerne jusqu’à 50 % des sujets âgés après une semaine d’hospitalisation. D’incidence plus faible en ambulatoire (2 à 5 % de la population générale et 10 % des patients de plus de 80 ans), elle concernerait entre 300 000 et 600 000 personnes âgées à domicile, selon la Haute Autorité de santé (HAS). Elle est un facteur de risque indépendant de morbidité, de mortalité et d’augmentation de la durée du séjour dès lors qu’elle existe en période préopératoire. Elle impacte également certains phénomènes physiologiques (ralentissement de la cicatrisation, affaiblissement du système immunitaire…), voire perturbe les traitements médicamenteux (par exemple en limitant le choix et la dose et en augmentant les complications de certaines thérapies anticancéreuses).

Dépistage et suivi

La HAS recommande d’effectuer, pour les personnes âgées n’étant pas à risque de dénutrition, un dépistage, mensuel en institution, annuel à domicile (sur le dépistage des personnes âgées dénutries, lire notre cahier de formation n° 288, janvier 2013). La surveillance doit être renforcée lorsqu’un risque de dénutrition est présent.

La dénutrition apparaît au décours d’un déséquilibre entre les apports et les besoins nutritionnels. Il est important de détecter précocement les états de dénutrition réelle ou potentielle. Le dépistage de la dénutrition constituée repose sur des critères cliniques et/ou biologiques, mais toute perte de poids non désiré doit faire penser à un risque de dénutrition.

Critères cliniques

→ L’indice de masse corporelle (IMC) (rapport du poids, en kilogrammes, sur le carré de la taille, en mètre).

→ L’amaigrissement : baisse de 5 % en un mois ou 10 % en six mois.

→ Le périmètre musculaire brachial : périmètre du bras, mesuré au milieu du bras – épaisseur cutanée tricipitale, mesurée à l’aide d’un compas spécial.

→ La force musculaire, mesurée à l’aide d’un dynamomètre manuel, fournissant également une estimation de la masse maigre.

Seuls les deux premiers critères sont recommandés en routine par les référentiels nationaux et ouvrent droit à une prise en charge.

Critères biologiques

→ L’albuminémie. L’albumine est une protéine retrouvée dans le sang en grande proportion. Son taux reflète l’état nutritionnel des trois dernières semaines et l’hypoalbuminémie n’apparaît que progressivement. La remontée du taux à la suite de la renutrition est également très progressive. La dénutrition modérée est définie pour une albuminémie inférieure à 35 g/L. Attention, l’existence d’une hypoalbuminémie n’est pas spécifique d’une dénutrition et le taux sanguin d’albumine diminue physiologiquement avec l’âge, ou dans certaines maladies.

→ Le taux de pré-albumine, ou transthyrétine. Cette protéine est très sensible au dépistage précoce (quelques jours) des malnutritions récentes. La dénutrition modérée est définie à partir d’un taux de pré-albumine < 0,2 g/L.

Index multiparamétriques

→ Mini Nutritional Assessment (MNA) : il s’agit d’un questionnaire divisé en deux parties. Un score MNA ≥ 17/30 permet une prise en charge des produits de complémentation nutritionnelle orale pour les adultes de plus de 70 ans.

→ Performance status (OMS) : destiné à mesurer la qualité de vie du patient ayant un cancer, ce score allant de 0 à 4 est basé sur l’activité physique du patient.

MODALITÉS DE RENUTRITION

→ La renutrition peut être mise en œuvre selon trois modalités de prise en charge : le soutien nutritionnel par voie orale (basé sur le conseil diététique : enrichissement de l’alimentation et/ou prise de compléments nutritionnels oraux, en première intention sauf si contre-indiqué), la nutrition entérale (administrée au niveau du tube digestif par sonde ou stomie, en cas d’impossibilité ou d’insuffisance de la voie orale) et la nutrition parentérale (administration intraveineuse des nutriments, uniquement en cas de tube digestif non fonctionnel).

→ Seules les deux dernières sont considérées comme une nutrition artificielle (NA) et peuvent être employées seules, de manière simultanée ou successive.

→ Quelle que soit la voie d’administration concernée, la nutrition artificielle peut être dite “exclusive” ou non. Dans le cas d’une nutrition exclusive, elle n’est complétée par aucun autre apport nutritionnel et doit par conséquent être complète (c’est-à-dire fournir tous les éléments nutritionnels nécessaires).

→ La nutrition artificielle est en général initiée en milieu hospitalier et peut être poursuivie à domicile (NAD) en cas de prolongement nécessaire de l’assistance nutritionnelle. Les indications de la nutrition artificielle couvrent à la fois une prise en charge préventive (patients ayant une pathologie chronique entraînant une augmentation des besoins nutritionnels, malades dont l’alimentation orale est impossible ou insuffisante pour couvrir de manière prolongée leurs besoins nutritionnels), mais aussi curative de la dénutrition.

→ Le suivi de l’évolution de l’état nutritionnel repose sur les mêmes critères que le dépistage.

AET

Pour l’adulte, la règle de base est que les apports énergétiques totaux (AET) (NA + alimentation orale complémentaire) soient au moins égaux aux apports nutritionnels conseillés (ANC) selon les caractéristiques du patient concerné (âge, sexe, pathologie). Généralement, les AET des malades sont compris entre 20 et 35 kcal/kg/j (en fonction du sexe, de l’état nutritionnel et de l’agression).

L’Évaluation de la prise alimentaire (EPA) peut être estimée grâce à des outils de type échelle visuelle d’auto-évaluation de l’alimentation par le patient (lire Savoir plus p. 47).

Les nutriments peuvent être répartis selon deux grandes classes, les macronutriments et les micronutriments.

→ Les macronutriments

– Substrats énergétiques : glucides et lipides.

– Substrats azotés : les protéines constitués d’acides aminés.

→ Les micronutriments

– Minéraux : sodium, potassium, calcium, phosphate, magnésium et chlorure.

– Éléments traces : fer, zinc, cuivre, manganèse, fluor, cobalt, iode, sélénium, molybdène, chrome.

– Vitamines.

Une alimentation équilibrée correspond à une répartition des macronutriments, comme on peut le voir dans le tableau de la page précédente, selon les nouvelles recommandations de mars 2010 de l’Afssa (devenue Anses) pour l’apport en lipides.

CNO

Les compléments nutritionnels oraux (CNO), répondant au statut d’Aliments destinés à des fins médicales spéciales (ADDFMS), sont utilisés notamment lorsque l’alimentation orale ne couvre plus les besoins nutritionnels. Comme leur nom l’indique, les CNO ne sont qu’un apport complémentaire à l’alimentation orale et ne doivent pas constituer à eux seuls l’apport énergétique d’un patient. Ils se présentent sous diverses formes (liquide, crème) dont le choix est déterminé par les capacités (handicap) et envies du patient. Le fait de les placer au minimum 24 heures au réfrigérateur avant la prise et de les administrer 90 minutes avant ou après un repas, permet d’atténuer leur caractère rassasiant.

Nutrition entérale

Indications et contre-indications

→ La nutrition entérale (NE) consiste en un apport nutritif par voie digestive en court-circuitant la partie supérieure du tube digestif, lorsque le patient présente une fonctionnalité partielle ou totale du tube digestif (capacité d’absorption et motricité gastro-intestinale suffisante).

→ La nutrition entérale doit être préférée à la voie parentérale car plus physiologique (elle préserve la trophicité de la muqueuse digestive), plus simple à mettre en œuvre et à surveiller (moindre risque de complication) et largement moins coûteuse. Elle n’est instaurée qu’après avoir obtenu le consentement éclairé du patient ou de sa famille puisque son succès dépend en grande partie de son adhésion.

→ Elle est indiquée après échec, impossibilité ou contre-indication de la prise en charge nutritionnelle orale (coma, obstacle dans la partie supérieure du tube digestif), ou en première intention en cas de troubles sévères de la déglutition (dysphagie de causes variées tels le cancer ORL ou des séquelles d’accident cardiovasculaire) ou de dénutrition sévère avec apports alimentaires très faibles.

→ La NE est contre-indiquée lorsque le tube digestif n’est pas fonctionnel (occlusion intestinale, diarrhée sévère, hémorragie digestive en évolution, malabsorption sévère) ou en cas de refus du patient.

→ L’initiation de la NE a lieu au cours d’une hospitalisation de quelques jours, nécessaire à la mise en place de la sonde, l’évaluation de la tolérance et l’éducation du patient et de son entourage. La poursuite à domicile est mise en place pour les patients présentant une bonne tolérance, pour lesquels les besoins protéino-énergétiques sont atteints et dont la sonde est fonctionnelle, avec une prescription initiale de quatorze jours puis prescription de suivi pour trois mois, renouvelable.

Physiologie

Le fait d’administrer des éléments nutritifs liquides directement dans le tube digestif induit des modifications physiologiques sur le plan digestif. Ces modifications dépendent du type de mélange nutritif, du site et du débit d’administration, avec un impact potentiel sur la motricité digestive, les sécrétions, la trophicité intestinale et le système immunitaire.

Voies d’administration

Deux voies d’abord sont possibles pour la NE :

→ nutrition par sonde nasogastrique (si durée ≥ un mois), ou plus rarement nasojéjunale ;

→ nutrition par sonde ou bouton de gastrostomie ou jéjunostomie (si durée > un mois).

Sondes nasogastriques

→ Elles constituent l’abord principal de la NE, lorsque la durée prévue de la NE est courte.

→ Les sondes en PVC (telles que les sondes d’aspiration de type Levin ou Salem) n’ont pas d’indication dans la NE car elles sont responsables d’intolérance au niveau des muqueuses, au contraire des sondes en silicone ou polyuréthane de grande biocompatibilité. Il est possible de trouver certaines sondes avec un guide métallique ou encore un marquage centimétrique permettant de faciliter la pose. L’extrémité distale peut être lestée (visible à la radio). Le diamètre de la sonde peut varier de 8 à 12 French (en fonction de l’âge et de l’anatomie du patient), le plus grand diamètre facilitant l’administration de médicaments mais compromettant la tolérance de la sonde par le patient.

→ Les différents types de sondes sont définis par le site atteint (voir le schéma page précédente) : sonde nasogastrique (SNG), la plus employée car plus physiologique, nasoduodénale ou nasojéjunale. L’accès jéjunal est utilisé en cas d’impossibilité, de contre-indication ou de complication du site gastrique. Le positionnement de la sonde nasojéjunale, plus complexe, peut nécessiter l’administration de prokinétiques, voire un guidage radiologique ou endoscopique.

→ Une mauvaise mise en place de la sonde gastrique (à la pose ou lors d’un déplacement ultérieur) peut entraîner un positionnement de l’extrémité de la sonde au niveau de l’œsophage (trop haut) ou au niveau du duodénum, voire du jéjunum (trop bas). Dans ces cas, il y a des risques respectifs de vomissements et/ou fausse route bronchique, ou de diarrhées osmotiques. Le passage nasopharyngé peut être parfois le siège de saignements. Une perforation œsophagienne ou pleurale est également possible.

→ L’autosondage nasogastrique est possible et présente l’avantage d’offrir une autonomie et une qualité de vie supérieures au patient, mais nécessite l’éducation thérapeutique de ce dernier

Stomies

→ La nutrition par sonde ou bouton de stomie est indiquée pour une NE de longue durée (> quatre semaines) car, dans ce cas, une SNG peut provoquer une intolérance (sinusites) et sa présence au niveau du visage peut être déplaisante pour le malade.

→ La stomie peut aboucher soit directement dans l’estomac (gastrostomie), soit dans l’intestin, au niveau du jéjunum (jejunostomie).

→ Si les stomies présentent l’avantage d’être plus “esthétiques” que les SNG, leur pose est plus invasive et nécessite l’emploi d’une technique percutanée (endoscopique ou radiologique) ou chirurgicale (laparotomie ou cœlioscopie) ou percutanée (endoscopique ou radiologique), réalisée en structure hospitalière.

Gastrostomie

Une sonde de gastrostomie présente les caractéristiques suivantes : matériau en silicone ou polyuréthane, extrémité intra-gastrique (dôme, collerette atraumatique ou ballonnet), dispositif de rétention externe (collerette, barre, raquette…) pour le maintien à la peau. Le diamètre de la sonde est supérieur à celui des SNG (10 à 24 French). Il existe deux techniques de pose, réalisées par un médecin :

→ technique radiologique de gastrostomie percutanée, réalisable notamment en cas d’obstacle ORL, sous anesthésie locale avec radiovidéoscopie (technique introducer uniquement) ;

→ technique endoscopique de gastrostomie percutanée sous anesthésie générale ou sédation par deux techniques possibles (pull ou introducer).

Le premier remplacement de la sonde d’origine ne peut intervenir que deux mois après la pose initiale. Le bouton de gastrostomie présente un réel intérêt en termes de qualité de vie pour les patients ambulatoires, puisqu’il s’agit d’un dispositif de dimension minimale (voir page suivante).

Jéjunostomie

La technique de pose peut être, tout comme pour la gastrostomie, chirurgicale ou percutanée. Les abords duodénal et jéjunal sont envisagés lorsque le risque d’iléus post-opératoire prolongé est élevé ou lors de gastroparésies.

Les dispositifs médicaux employés avec les sondes de NE possèdent une connectique différente du luer, employé en perfusion, ce qui permet d’éviter les confusions avec les seringues contenant des solutions destinées à la voie intraveineuse. Une norme ISO en cours de rédaction va imposer le raccord EN-fit en tant que connexion dédiée à la nutrition entérale dans les prochaines années, assurant une sécurité totale vis-à-vis des risques d’erreur de connexion.

Modes d’administration

La NE peut être administrée :

→ en continu sur 24 heures (NE à débit continu) : à éviter, cette modalité est rarement rencontrée à domicile. Elle est employée lorsque le transit du malade est insuffisant ou pour la NE d’abord jéjunal ;

→ en discontinu, souvent sur la période nocturne (NE intermittente nocturne ou cyclique). Ce mode est préféré lorsque la NE est partielle et que le patient bénéficie d’une alimentation orale pendant la journée. Il est mieux vécu par les patients désirant conserver une vie professionnelle ou sociale et leur permet de conserver un meilleur appétit. En revanche, il est contre-indiqué en cas de risque d’inhalation.

Mélanges

Les mélanges nutritifs employés en NE n’ont pas le statut de médicament, mais d’ADDFMS (arrêté du 20 septembre 2000 modifié, article L5137-1 du Code de la santé publique). Il s’agit de préparations industrielles disponibles à la demande permettant une conservation longue de formules variées mais fixées et toujours sans lactose, sans gluten. Les plus couramment employées sont les préparations polymériques. Il existe également des préparations semi- élémentaires (“prédigérées”) (avec les nutriments partiellement dégradés). Elles sont conditionnées sous forme de poches en plastique multicouches, renfermant des volumes de 500 à 1 500 mL. Les poches commercialisées sont stériles. Une fois entamés, les mélanges ne doivent pas être conservés plus de 24 heures.

Deux modalités d’administration

Par gravité

La poche contenant le mélange nutritif est percutée avec une tubulure de perfusion par gravité spécialement prévu pour la NE. Ce système comporte un raccord proximal de type EN + en forme de croix, qui est désormais le standard de connexion poche/tubulure en nutrition entérale. La tubulure possède éventuellement une chambre compte-gouttes suivie d’une roulette de réglage de débit et une extrémité distale munie d’un connecteur cranté ou sécurisé (luer inversé, EN-lock, Nutrisafe, DW, T non luer, dans l’attente du standard ISO EN-fit) destiné à s’adapter à toutes les sondes de NE. Ce mode d’administration peut être mal toléré en raison des variations de débits et peut faire l’objet d’obstruction de la sonde à cause de la sédimentation des mélanges. Dans ce cas, l’administration par pompe est alors privilégiée.

Par pompe

Cette modalité a pour avantages un débit régulier (ce qui diminue le risque de reflux gastro-œsophagien et d’inhalation) et une absence de bolus (ce qui atténue le risque de diarrhée).

Attention : certains fabricants rendant les tubulures captives des pompes, il est primordial d’être vigilant à associer la bonne tubulure à la pompe choisie.

Les pompes doivent comporter des systèmes d’alarmes auditives et visuelles signalant une éventuelle anomalie de fonctionnement. Elles fonctionnent grâce à une alimentation par batterie rechargeable ou par branchement sur secteur.

Les pompes sont classées selon la nature du débit :

→ pompes à débit constant, ce dernier dépendant du diamètre de la tubulure et de la viscosité du mélange ;

→ pompes à débits variables.

Elles sont généralement calibrées par les fabricants avec de l’eau distillée, il est donc important de contrôler le débit réel.

L’administration à l’aide d’une pompe est obligatoire dans certaines indications précisées dans l’arrêté du 9 novembre 2009, notamment en cas de NE nocturne, pour les patients à haut risque d’inhalation, d’âges extrêmes ou pour les sondes nasojéjunales.

Une modulation du débit de perfusion est possible en fonction de la mesure du résidu gastrique, reflet de la tolérance digestive. Cette pratique est recommandée lors de l’introduction de la nutrition.

Un prestataire de service spécialisé, dont le choix est laissé au patient ou à son entourage, est responsable de l’installation et de la maintenance de la pompe.

Complications

Syndrome de renutrition inappropriée (ou refeeding syndrome)

Ce phénomène, observé principalement en milieu hospitalier lors de l’initiation de la nutrition artificielle, apparaît chez les patients fortement dénutris ou ayant subi un jeûne prolongé. L’apport massif d’éléments nutritifs par la nutrition induit une diminution anormale de la concentration plasmatique en phosphore (hypophosphorémie) entraînant une insuffisance cardiaque, mais également une hypokaliémie et hypomagnésémie. Ce phénomène est généralement prévenu en instaurant une renutrition prudente et progressive ainsi qu’une supplémentation systématique en phosphore.

Complications pulmonaires

Les pneumopathies d’inhalation sont une complication grave de la NE, mais rare à domicile. Outre le problème physiologique, c’est surtout le risque infectieux qui prévaut. En effet, la NE provoque des modifications de pH entraînant la colonisation du liquide gastrique par des germes commensaux de l’intestin. Les signes cliniques comprennent une toux, une dyspnée et de la fièvre. Leur prise en charge en milieu hospitalier doit être rapide.

Certaines mesures de prévention peuvent être mises en œuvre :

→ vérifier le positionnement de la sonde avant et pendant l’administration de la NE ;

→ maintenir le patient en position semi-assise pendant l’administration de la NE et au moins une heure après son arrêt ;

→ ne pas manipuler le patient pendant la NE et dans les 30 minutes après son arrêt ;

→ adapter le débit de la NE selon la tolérance de chaque patient.

Troubles digestifs

→ Diarrhée (lire l’encadré p. 36).

→ Constipation : elle peut être prévenue par une hydratation suffisante et une mobilité du malade. Le recours aux mélanges enrichis en fibres est parfois nécessaire.

Complications liées à la sonde

Outre un mauvais positionnement, citons :

→ œsophagite : elle se manifeste par un hoquet persistant et peut être prévenue par une position semi-assise du patient ;

→ arrachement ou déplacement secondaire inopiné de la sonde : une méthode permettant la détection de ces imprévus consiste à tracer un trait à l’aide d’un marqueur à la limite nasale de sortie de la sonde ;

→ lésions des muqueuses ORL (notamment nasale), pouvant être prévenues par des soins quotidiens et une fixation optimale de la sonde. Une sinusite ou une otite peuvent également survenir ;

→ occlusion de la sonde : très fréquente, elle est le plus souvent due au mélange nutritionnel, à des rinçages insuffisants ou à un broyage incomplet de comprimés ou de gélules lors de l’administration de médicaments dans la sonde. La mesure de prévention la plus efficace recommandée est le rinçage pulsé de la sonde avant et après le passage de la NE et entre chaque médicament.

Complications métaboliques

Ce sont essentiellement des anomalies de la glycémie (hyperglycémie nécessitant l’instauration d’une insulinothérapie, ou hypoglycémie) ou des anomalies du ionogramme.

Modalités de prise en charge

Les conditions de prise en charge de la nutrition entérale par la Sécurité sociale sont définies par les arrêtés du 9 novembre 2009 et du 19?février 2010. La nutrition entérale à domicile est entièrement prise en charge par la Sécurité sociale sous réserve que :

→ la prescription initiale soit faite en milieu hospitalier dans un service spécialisé dans la prise en charge nutritionnelle ;

→ la NED (nutrition entérale à domicile) soit assurée par un prestataire de service.

Le choix du prestataire est laissé au patient. Une liste des différents prestataires, dont les caractéristiques et les procédures internes répondent au cahier des charges de la LPPR (liste des produits et prestations remboursables), doit être fournie au patient et à son entourage par le service à l’origine de la prescription initiale.

Le retour à domicile des patients sous nutrition entérale doit être organisé pour assurer un suivi et permettre au patient de faire facilement appel à un soignant en cas de besoin. Il peut se réaliser :

→ soit dans le cadre d’une hospitalisation à domicile, si le patient nécessite des soins et une surveillance autres que ceux de la nutrition entérale ;

→ soit directement par une société prestataire de service.

Une fiche de liaison hôpital-domicile est mise en place ainsi qu’une collaboration entre diététicien, infirmier et prestataire de service.

Rôle du prestataire de service

C’est un organisme spécialiste des services et du matériel de santé à domicile.

Un forfait de première installation, couvrant quatorze jours, comprend l’organisation du retour du patient à son domicile, la visite d’installation (le jour du retour au domicile), un appel téléphonique après 48-72 heures en vue de s’assurer du bon déroulement des débuts de la NED et une visite de fin de prestation à l’issue des quatorze jours. La visite d’installation permet de compléter la formation reçue à l’hôpital pour le patient et son entourage et de leur remettre un carnet de nutrition entérale à domicile (contenant des informations pratiques, la conduite à tenir selon le problème rencontré) ainsi qu’un carnet de suivi (facilitant le lien avec l’hôpital).

Les forfaits hebdomadaires (avec ou sans pompe) fixés dans le même arrêté encadrent la fourniture et la livraison à domicile des dispositifs médicaux et accessoires nécessaires à la NED.

Aux codes LPPR de ces forfaits s’ajoutent :

→ les codes des mélanges nutritifs pris en charge dans le cadre de la nutrition entérale à domicile ;

→ les codes des dispositifs médicaux : SNG ou naso-entérales, des boutons de gastrostomies, des sondes de gastrostomie ou de jéjunostomie ;

→ le code du pied à sérum à roulettes.

Les prestataires sont tenus d’assurer une permanence téléphonique continue (au tarif appel local), la maintenance régulière du matériel mais aussi la surveillance de la bonne utilisation des mélanges nutritifs (dates de péremption, conditions de stockage au domicile…). Néanmoins, cela ne doit pas empêcher la vérification au moment du branchement de la NE par l’Idel de la concordance des produits et dispositifs médicaux à la prescription ainsi que des dates limites d’utilisation. Le prestataire est également tenu de procéder à un suivi écrit périodique au minimum trimestriel répertoriant les interventions pratiquées au domicile et l’évolution du patient. Ce suivi doit être transmis au médecin prescripteur. Les différentes visites du prestataire sont faites par un IDE du prestataire ou un diététicien possédant des compétences suffisantes dans le domaine de la NED. Ces visites ont pour objectif principal d’effectuer le suivi du patient (poids, données anthropométriques, tolérance de la NE) et de répondre à ses questions. Elles ont lieu à une fréquence trimestrielle au cours de la première année puis tous les six mois. C’est pour cela que le suivi des patients par l’Idel est primordial.

Prescriptions à domicile

Une prescription initiale (d’un médecin hospitalier) est assurée pour une période de quatorze jours pour un patient adulte. Le premier renouvellement (à J14) est réalisé par le service à l’origine de la prescription initiale pour une période maximale de trois mois. À la fin du premier trimestre, le service à l’origine de la prescription initiale effectue une réévaluation. Par la suite, les renouvellements ont lieu tous les trois mois durant la première année et peuvent être effectués par le médecin traitant. Après la première année, les renouvellements sont effectués soit par le service à l’origine de la prescription initiale, soit par un autre service du même établissement de soins, soit par un médecin d’un autre établissement de soins.

La prescription de la nutrition entérale à domicile se fait généralement sur des formulaires types comportant tous les éléments nécessaires à la continuité de la prise en charge. L’hydratation doit donc être incluse dans la prescription médicale de la nutrition entérale à domicile.

NUTRITION PARENTÉRALE

Indications et contre-indications

La nutrition parentérale (NP) consiste en l’administration de nutriments par voie intraveineuse. Elle n’est indiquée que lorsque l’intestin n’est pas fonctionnel et dans les trois situations suivantes :

→ insuffisance intestinale chronique d’origine anatomique (grêle court < 150 cm) ou fonctionnelle (entéropathie sévère) ;

→ occlusion intestinale chronique bénigne ou néoplasique ;

→ échec d’une nutrition entérale correctement menée.

Son instauration est mise en œuvre en dernière intention, essentiellement en raison des risques et des complications associées (infections, thromboses, complications métaboliques, etc.) qui peuvent être diminués par l’application stricte de protocoles de prévention mais restent latents.

Mélanges

Contrairement aux préparations destinées à la NE, les mélanges pour NP ont le statut de médicament. Leur administration par voie intraveineuse implique qu’ils soient stériles et apyrogènes (qui ne donnent pas de fièvre).

En cas d’administration de mélanges industriels, il est nécessaire d’ajouter en plus systématiquement des vitamines (Cernevit ou Soluvit + Vitalipide Adulte) et éléments traces (Decan ou Tracutil) juste avant l’administration.

Voies d’administration

Le choix du type de NP est fonction des besoins nutritionnels du patient. Cela conditionne en partie la voie d’abord veineux.

Afin de couvrir des besoins satisfaisants, la NP totale, et/ou à domicile à long terme, est obligatoirement administrée par l’intermédiaire d’une voie veineuse centrale.

Dans ce cas, trois types de dispositifs sont employés :

→ le cathéter central standard à émergence cutanée,

→ le cathéter central à chambre implantable (CCI),

→ le cathéter central à insertion périphérique (Picc line).

Quel que soit le dispositif mis en place, son extrémité endovasculaire doit être positionnée à la jonction entre la veine cave supérieure et l’oreillette droite.

→ Les cathéters à émergence cutanée sont préférentiellement tunnellisés. Cela signifie que le point d’effraction veineuse est éloigné du point de pénétration cutanée du cathéter, permettant ainsi de diminuer les risques d’infection. Ils doivent être adaptés à la NP. Leur fixation consiste en une suture au niveau de la peau.

→ Les cathéters à chambre implantable peuvent être utilisés pour l’administration de NP. Ce système est constitué d’une chambre (de taille variable) surmontée d’un septum (capable de supporter jusqu’à 1 000 piqûres/cm2) et connectée à un cathéter. Ils sont utilisés avec une aiguille de Huber dont le biseau tangentiel permet d’éviter le carottage du septum. Celles adaptées à la NP, comme celles du modèle gripper, disposent d’un prolongateur, un clamp et un plateau mousse non adhésif (voir le schéma ci-dessous).

Attention, la longueur de l’aiguille doit être adaptée à la profondeur de la chambre et à la corpulence du patient. Cette précaution limite le risque d’extravasation inhérent à l’utilisation des CCI. Le retrait de l’aiguille doit toujours être fait en exerçant une pression positive.

Pour information, l’emploi d’aiguilles sécurisées (lors du retrait de l’aiguille, celle-ci se “rétracte” dans le compartiment central) devient obligatoire en 2016.

→ Les cathéters veineux centraux à insertion périphérique (Picc lines) ont l’avantage de présenter une pose plus sécurisée que les autres (notamment en cas de troubles de la coagulation), mais ont un risque de thrombose plus élevé en raison de leur diamètre plus faible. Cela implique l’utilisation conjointe d’héparine de rinçage. Ils sont insérés dans une veine périphérique du bras et doivent être fixés au plus près de l’orifice d’insertion à l’aide d’un système spécifique.

Modes d’administration

L’administration selon un mode continu est principalement rencontrée en période post-opératoire (par conséquent, en milieu hospitalier). À domicile, l’administration suit généralement un mode discontinu cyclique nocturne ou diurne (sur des périodes allant de 8 à 14 heures).

Pompes

Il existe deux sortes de montages pour l’administration de la NP : la perfusion par gravité (qui est réservée à l’adulte en milieu hospitalier) ou la perfusion par pompe péristaltique (qui assure un débit programmable et constant). L’utilisation de telles pompes est une condition sine qua non à la prise en charge de la nutrition parentérale à domicile (NPAD).

La pompe de nutrition parentérale doit permettre l’administration avec augmentation progressive du débit, le maintien d’un débit constant et la baisse progressive du débit en fin de perfusion, lorsque la poche est quasiment vide.

Par ailleurs, la pompe peut disposer d’options intéressantes à domicile :

→ le maintien de la veine ouverte (KVO, pour keep vein open), c’est-à-dire le maintien d’un débit extrêmement lent pour éviter une stase dans le cathéter ;

→ des alarmes (visuelles et/ou sonores) en cas d’occlusion de la ligne, grâce à un détecteur de surpression dans la tubulure.

Sur le marché, certaines pompes (graseby par exemple) utilisables à domicile sont peu ergonomiques et lourdes (à fixer sur une potence) ; elles peuvent être utilisées en secours. Il existe des pompes portables, légères, de la dimension d’une petite tablette numérique. Actuellement sur le marché, plusieurs modèles sont disponibles.

Ces pompes peuvent également être employées dans d’autres domaines de la perfusion intraveineuse (PCA, chimiothérapies…).

Complications

Liées au matériel

→ Les complications les plus graves sont inhérentes au risque infectieux résultant de la mise en place prolongée d’un accès veineux périphérique ou central. Elles peuvent être plus ou moins étendues (de la simple colonisation sur cathéter jusqu’à la septicémie) et nécessitent une prise en charge médicale variable.

→ Tunellite : complication concernant les cathéters tunnellisés, la peau est rouge et douloureuse sur le trajet du cathéter. Un abcès peut exister. Le retrait du cathéter par le centre prescripteur ainsi qu’une antibiothérapie sont nécessaires.

→ Infection de l’émergence cutanée du cathéter : le point d’émergence est rouge et douloureux. Procéder à un prélèvement pour analyse bactériologique et y associer des soins quotidiens du site concerné pendant le délai de rendu du résultat.

→ Infections liées au cathéter : potentiellement grave, cette complication doit être systématiquement recherchée en cas de fièvre, frissons, maux de tête ou signes digestifs. Une septicémie peut être provoquée par une erreur d’asepsie au cours de la préparation cutanée, lors des manipulations de ligne de perfusion ou à la suite d’une colonisation bactérienne du manchon de fibrine formé à l’extrémité du cathéter. Le moindre doute doit motiver l’adressage du patient au centre prescripteur en vue d’une prise en charge plus approfondie. En cas de survenue d’une fièvre au cours de la perfusion, il faut impérativement interrompre la perfusion, faire des hémocultures (par la voie centrale et une voie périphérique) et rincer le cathéter. Attention, une hypoglycémie est possible lors d’un arrêt brutal de la perfusion de NP, il est donc conseillé de réduire le débit sur au moins 30 minutes avant l’arrêt complet de la perfusion. À l’heure actuelle, l’une des solutions proposées pour limiter les infections sur cathéter est l’emploi d’un “verrou antiseptique”, le TauroLock (taurolidine), non pris en charge mais parfois fourni par le prestataire.

La prévention des complications infectieuses repose sur la rigueur des soins infirmiers basés sur des protocoles de soins. Leur fréquence dépend directement du nombre de manipulations de la ligne nutritive (ce qui renforce l’intérêt des mélanges ternaires).

→ Thromboses : il en existe des “vraies” et des “fausses”. Ces dernières seront détaillées dans le paragraphe consacré aux obstructions de cathéters, puisqu’il s’agit de thromboses de la lumière du cathéter. Les vraies thromboses, quant à elles, sont qualifiées de “murales” et se forment entre la paroi veineuse et le manchon du cathéter, jusqu’à obstruer intégralement la veine. Leur fréquence de survenue est diminuée par l’emploi d’une voie d’administration dédiée à la NP. Elles sont plus souvent rencontrées en cas de mauvais positionnement du cathéter ou en cas d’infection de ce dernier. Elles peuvent concerner la veine cave (en cas de cathéter veineux central) ou une veine périphérique (cas du Picc line). Leur prise en charge repose sur la confirmation en milieu hospitalier (par echo doppler) suivie de l’instauration d’un traitement anticoagulant.

→ Déplacement secondaire ou mauvais positionnement initial de l’aiguille de Huber : pour les patients possédant une CCI, un déplacement secondaire fait suite à une traction sur la tubulure se produisant en cours de perfusion. Il arrive parfois que l’aiguille soit mal positionnée dès le départ si le repérage de la chambre n’a pas été fait convenablement. L’extrémité de l’aiguille se positionne alors dans le tissu sous-cutané et l’accumulation du mélange nutritionnel à cet endroit provoque un gonflement et une douleur. En cas de survenue d’une extravasation, il faut adresser le patient au centre de référence.

→ Obstruction du cathéter ou de la chambre implantable : elle peut survenir sur tout type de matériel et généralement thrombotique avec formation d’un caillot intracathéter. En aucun cas il ne faut tenter de désobstruer le cathéter en lui imposant une pression, au risque de provoquer la désunion du cathéter et de la chambre ou la rupture du manchon du cathéter.

→ Rupture du cathéter : assez rare, ce phénomène concerne les cathéters tunnellisés et les CCI. Il se produit à l’occasion d’un rinçage avec une seringue de volume inférieur à 10 mL, cette pratique imprimant une pression trop importante pouvant dégrader le cathéter.

→ Déconnexion entre le cathéter et la chambre, cette complication a la même cause que la précédente (surpression lors du rinçage) et se produit sur les CCI qui ne sont pas d’un seul bloc. Un serrage insuffisant de la bague lors du raccordement du cathéter à la chambre peut également être à l’origine de cette complication entraînant une embolie de cathéter. Ce dernier se positionne alors dans le ventricule droit ou dans le poumon, entraînant le décès du patient dans 10 % des cas. La prise en charge de ce type de complication doit se faire en milieu hospitalier par une intervention sous repérage radiologique.

→ Altération de l’extrémité externe du cathéter à émergence cutanée : il faut adresser le patient au centre prescripteur en vue d’une réparation ou d’un remplacement.

Métaboliques

→ Perturbations glycémiques.

→ Perturbations liées aux lipides : majoritairement représentées par les syndromes de surcharge (suivi par des dosages réguliers des taux plasmatiques de triglycérides). Par ailleurs, les lipides sont susceptibles de provoquer une atteinte hépatique progressive, pouvant être gravissime en l’absence de prise en charge (ictère, hépatosplénomégalie, troubles de la coagulation, cirrhose), et se réduisant en administrant les lipides cinq jours sur sept, ou par la modification de la source de lipide (omega 3).

→ Syndrome de renutrition : comme évoqué en NE.

→ Carences : en cas de non-supplémentation par vitamines et éléments traces.

Modalités de priseen charge de la nutrition parentérale

L’instauration est obligatoirement faite en milieu hospitalier et la poursuite de la NP à domicile n’est possible que si elle est bien tolérée par le patient. Les modalités de mise en œuvre à domicile ont été récemment définies dans le cadre de l’arrêté du 16?juin 2014, applicable depuis le 1er septembre, avec des aspects proches de la NE (rôle du prestataire, modalités de prescription) (lire aussi notre numéro 305 de juillet-août, p. 8). Le patient a le libre choix du prestataire, de l’Idel…

La prise en charge à domicile est prévue à la suite d’une prescription initiale hospitalière d’une durée minimale de quatorze jours lorsque la NP est bien tolérée.

Les points imposés pour le domicile sont :

→ une voie veineuse centrale,

→ une administration à débit fixé par une pompe programmable avec alarme.

La nutrition parentérale à domicile (NPAD) doit être de préférence encadrée par un centre agréé de NPAD (obligatoirement pour les enfants de moins de 16 ans).

Dès lors que la durée de prescription est supérieure à douze semaines, la prise en charge se fait obligatoirement par un centre agréé, présentant l’intérêt de proposer un encadrement par une équipe multiprofessionnelle (médecins, pharmaciens, infirmiers et diététiciens).

L’entretien infirmier

L’Idel peut apporter une valeur ajoutée à l’évaluation nutritionnelle et à son suivi en enrichissant les critères cliniques d’un interrogatoire comportant notamment des questions ciblées sur la fatigabilité, l’état psychique et des observations sur l’évolution des ongles, des cheveux, de la peau et des muqueuses des patients. Elle renseigne ces informations dans un carnet de suivi, ce qui permet d’analyser la progression avec le patient et d’ajouter une motivation quant à la prise en charge de l’éventuelle dénutrition.

Question de patient

Je suis obèse, d’après mon IMC. Je ne suis donc pas dénutri ?

Contrairement aux idées reçues, même un patient obèse peut souffrir de dénutrition, puisqu’il présente un risque de carence en minéraux et micronutriments plus important. Ceci est flagranten ce qui concerne les sujets souffrant d’obésité sarcopénique, par exemple. Ces patients présentent un IMC supérieur à 30 (obésité) ; pourtant, on peut observer un œdème et on remarque une perte de masse et de force musculaire mais également une diminution des performances physiques (sarcopénie). Ainsi, l’IMC ne peut être interprété seul.

Question de patient

Lorsque ma sonde nasogastrique a été posée à l’hopital, j’ai dû passer une radio pour vérifier qu’elle était bien mise. Suis-je obligé de revenir à l’hôpital toutes les semaines pour la faire changer ?

Le contrôle radiologique du bon positionnement de la sonde est recommandé par la Société française d’anesthésie et de réanimation. Il est en général pratiqué à l’hôpital par commodité et en raison des possibilités de la structure hospitalière de proposer des appareils de radiologie. Il existe des moyens simples à mettre en œuvre pour vérifier le bon positionnement de la sonde nasogastrique, ce qui permet les changements à domicile par l’Idel ou le patient lui-même.

La diarrhée, fréquente en NE

La survenue d’une diarrhée représente 10 % des effets indésirables en nutrition entérale. L’incidence de la diarrhée sous NE varie de 5 % (plus de six selles liquides par jour) à 10 % (plus de trois selles liquides par jour). Sa définition repose sur une émission de selles trop nombreuses (plus de par jour deux) et/ou de consistance liquide ou molle et/ou de poids supérieur à 300 g. Il est nécessaire d’identifier une origine infectieuse, nutritionnelle ou iatrogène. Attention, la diarrhée à elle seule ne justifie pas l’arrêt de la NE mais sa présence augmente le risque d’escarres du sacrum, d’où l’importance d’une prévention et d’une prise en charge précoce. Cette prévention est essentiellement basée sur le respect des règles d’initiation et d’utilisation de la NE : administrer les mélanges de NE à température ambiante, sans jamais dépasser 24 heures et en prenant soin de changer le système d’administration (tubulure) quotidiennement ; initier la NE à faible volume et débit, et augmenter progressivement sans toutefois dépasser 3 kcal/min chez l’adulte ; utiliser une pompe électrique imposant un débit régulier ; employer des mélanges nutritifs contenant des fibres solubles ; s’assurer des conditions d’hygiène lors des branchements et débranchements. La prise en charge de la diarrhée avérée sous NE est médicale.

La compatibilité des antiseptiques

Tous les antiseptiques ne sont pas compatibles avec tous les systèmes d’administration. Il convient de s’assurer en consultant la notice d’utilisation ou directement auprès du fournisseur de la compatibilité des antiseptiques avec les matériaux composant le dispositif médical d’administration.

Point de vue
« Délicate gestion des stocks »

Isabelle Sanselme, Idel à Sénas (Bouches-du-Rhône), IDE de consultation et gérontologue, diplômée d’un master en sciences cliniques infirmières

« L’hôpital me signale le retour à domicile de monsieur X, avec une nutrition parentérale et un protocole de perfusion. À domicile, je suis surprise de l’envahissement par les cartons de livraisons. À l’image des prescriptions de sortie, les livraisons ont été faites pour un mois ! Mais le patient décède dans la nuit… Cet exemple hors norme montre un manque de coordination entre ville et hôpital. De même, l’Idel et le prestataire de service n’ont eu aucun contact. La livraison se fait pour une longue durée car le domicile est éloigné des grandes villes, rendant coûteuses des livraisons à la semaine. Pourtant, pour ce type de patient fragile, les protocoles de nutrition risquent de se modifier en fonction de sa tolérance aux produits ou de son état. Depuis, une entente a été passée avec les pharmaciens pour livrer à la semaine. Les Idels ne jouent pas forcément le jeu non plus : une plus grande coordination et une limitation des livraisons leur imposent de gérer précisément les stocks, de faire une commande par semaine et de la transmettre au prestataire, exercice chronophage rémunéré aujourd’hui avec la MCI pour les patients en soins palliatifs. Parmi les points positifs, le travail avec les prestataires a permis aux Idels de reprendre l’habitude de la traçabilité quotidienne de leur activité. »

Question de patient

À quoi sont dus les risques en nutrition parentérale ?

Aux techniques employées. Ils peuvent être d’ordre infectieux (surveiller la survenue de fièvre, frissons, signes digestifs, maux de tête), inflammatoire (rougeur, gonflement, démangeaison) ou thrombotique (lourdeur du membre, œdème de la main, du visage ou du cou, gêne respiratoire, maux de tête pendant la perfusion,un réseau veineux beaucoup plus apparent au niveau thoracique). Un respect scrupuleux des bonnes pratiques doit prévenir ces risques.

Je cote à la nomenclature

Les principales cotations à retenir…

Chapitre 1 – article 4 – Pose de sonde et alimentation

→ Pose de sonde gastrique : AMI 3.

→ Alimentation entérale par gavage ou en déclive ou par nutripompe, y compris la surveillance, par séance : AMI 3.

→ Alimentation entérale par voie jéjunale avec sondage de la stomie, y compris le pansement et la surveillance, par séance : AMI 4.

Chapitre 2 – article 3 Perfusions et article 4 (extrait) Actes du traitement à domicile d’un patient immuno-déprimé ou cancéreux

(Pour les perfusions de nutrition parentérale)

→ Forfait pour séance de perfusion d’une durée supérieure à une heure avec organisation d’une surveillance : AMI 15 (patient immunodéprimé ou cancéreux – article 4) ; AMI 14 (dans les autres cas, article 3).

→ Forfait pour l’organisation de la surveillance d’une perfusion, de la planification des soins, y compris la coordination avec les autres professionnels de santé, les prestataires et les services sociaux, à l’exclusion du jour de la pose et de celui du retrait, par jour (ne peuvent être notés, à l’occasion de cet acte, des frais de déplacements ou des majorations de nuit ou de dimanche) : AMI 4 (idem article 3 et 4).

→ Forfait pour arrêt et retrait du dispositif d’une perfusion, y compris le pansement, la tenue du dossier de soins, éventuellement la transmission d’informations nécessaires au médecin prescripteur ; ce forfait ne se cumule pas avec un forfait de perfusion sous surveillance continue : AMI 5 (idem article 3 et 4).

→ Changement de flacon (s) ou branchement en Y sur dispositif en place ou intervention pour débranchement ou déplacement du dispositif ou contrôle du débit, pour une perfusion sans surveillance continue, en dehors de la séance de pose AMI 4,1 (idem article 3 et 4).