Pratique simplifiée mais encadrée - L'Infirmière Libérale Magazine n° 306 du 01/09/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 306 du 01/09/2014

 

PRESCRIPTION INFIRMIÈRE

Votre cabinet

ANNE-LISE FAVIER  

Pratique répandue dans certains pays comme le Canada, la Grande-Bretagne ou les États-Unis, la prescription infirmière progresse doucement sur notre territoire depuis avril 2007. Elle obéit à certaines règles.

Infirmière libérale à Nancy (Meurthe-et-Moselle), Murielle arrive au domicile de son patient qui souffre d’ulcères veineux. Mais il lui annonce qu’il n’a plus le matériel de soins nécessaire pour une prise en charge complète et correcte. Problème, le médecin traitant ne peut pas recevoir le patient dans l’immédiat pour prescrire le matériel. Or ce patient a besoin des soins. C’est urgent. Heureusement, depuis le décret du 13 avril 2007, les infirmières sont autorisées à prescrire des dispositifs médicaux visant à effectuer leurs soins dans de bonnes conditions (« à l’exclusion du petit matériel nécessaire à la réalisation de l’acte facturé »).

Des conditions de prescription

Pas question pour autant de se substituer au médecin, la prescription ne peut se faire que sur une période couverte par la prescription médicale de soins infirmiers. Depuis l’arrêté du 20 mars 2012 (qui a abrogé l’arrêté du 13 avril 2007), la liste des dispositifs médicaux que les infirmières sont autorisées à prescrire est disponible en détail, sur le site ameli.fr (via bit.ly/1vcNj39). Il existe deux cas de figure où l’infirmière est autorisée à prescrire des dispositifs médicaux.

L’Idel agit pendant la durée d’une prescription médicale d’actes infirmiers, dans le cadre de sa compétence et s’il n’y a aucune mention contraire du médecin

Elle est dans ce cas autorisée à prescrire un ensemble de produits nécessaires à l’élaboration de pansements (pansements adhésifs stériles, compresses stériles ou non, gaze, coton, sparadraps, bandes extensibles, etc.).

Pour Pascale, infirmière à Strasbourg (Bas-Rhin), la prescription infirmière est une avancée pour sa pratique quotidienne : « J’aime l’utiliser, car elle représente un gain de temps. Par exemple, pour des pansements, s’il manque du matériel, c’est plus rapide si je prescris plutôt que le patient aille chez le médecin. Et puis ça coûte moins cher à l’Assurance maladie, puisqu’en tant qu’infirmière, nous ne facturons pas la prescription, ce qu’un médecin ferait pour un simple renouvellement de pansements. »

Outre l’activité pansements, l’infirmière peut également prescrire des cerceaux pour lit de malade, des dispositifs médicaux pour le traitement de l’incontinence et pour l’appareil uro-génital (étui pénien, sondes urinaires, poches pour stomies et dispositifs complémentaires pour la prise en charge des soins liés aux stomies…) ainsi que le nécessaire pour la réalisation de perfusion à domicile (pieds et potence à roulettes, appareil de perfusion stérile non réutilisable, panier de perfusion, perfuseur de précision, accessoires à usage unique de remplissage du perfuseur ou diffuseur portable, accessoires à usage unique pour pose de la perfusion au bas du malade). Enfin, l’infirmière peut prescrire le nécessaire pour l’utilisation d’une chambre à cathéter implantable ou d’un cathéter central tunnelisé ainsi que des accessoires stériles pour hépariner et rincer.

Il existe quelques cas spécifiques où l’infirmière a le droit de prescrire après avoir informé le médecin traitant du patient

L’infirmière, là encore, doit veiller à ce que les dispositifs médicaux soient inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR). Il s’agit notamment des matelas en mousse, surmatelas et coussins utilisés pour la prévention des escarres (en mousse, en gel). Elle doit également informer au préalable le médecin dans le cas de la prescription de tout pansement hydrocolloïde, hydrocellulaire, alginate, hydrogel, en fibres de carboxyméthylcellulose, avec charbon actif, ou à base d’acide hyaluronique ou vaselinés. Même chose pour les sondes naso- gastriques ou naso-entérales pour la prise en charge de la nutrition entérale à domicile. Enfin, elle peut renouveler, à l’identique, toute prescription d’orthèses élastiques de contention ou d’accessoires pour lecteur de glycémie (bandelettes, autopiqueurs à usage unique, aiguilles pour stylo injecteur, etc.).

L’infirmière peut effectuer le renouvellement de la pilule contraceptive sous certaines conditions

Cette disposition plus récente a vu le jour à la suite de la loi Hôpital, patients, santé et territoires. Dans un premier texte, il était prévu que les infirmières soient autorisées à prescrire le renouvellement de certaines pilules selon une liste pré-établie de contraceptifs. Le législateur a ensuite revu sa copie (loi n° 2011-525 du 17 mai 2011) en proposant que les IDE soient autorisées à renouveler tous les contraceptifs oraux sauf s’ils figuraient sur une liste fixée par arrêté du ministère de la Santé, sur proposition de l’Agence du médicament : une liste négative présentant, selon lui, moins de risque d’erreurs ou d’oublis.

Une pratique simplifiée, des compétences reconnues

En pratique, ces dispositions permettent un gain de temps non négligeable pour la prise en charge du patient, comme l’explique Nicole, infirmière à Lille (Nord) : « Il n’était pas rare, lorsque nous n’avions pas cette possibilité de prescription, de recevoir un appel du médecin pour connaître nos besoins en matière de soins. Parfois, le médecin prescrivait du matériel qui ne convenait pas, il fallait alors que le patient y retourne. » Pour Pascale, la prescription infirmière est une reconnaissance de ses compétences. Prudence tout de même, tempère Nicole : « Il ne faut pas prendre la place du médecin, nous n’en avons pas les compétences et nous ne sommes pas rétribuées pour déterminer, par exemple, de quel type de plaie il s’agit, de quels soins le patient a besoin, même si, avec la pratique, en consultation infirmière, nous pourrions le faire. »

Pour autant, ces dispositions réglementaires, si elles sont largement utilisées par les Idels, pourraient faire l’objet de modifications dans la nouvelle loi de santé publique, annoncée au Parlement au premier semestre 2015. L’infirmière pourrait ainsi prescrire des substituts nicotiniques. Le 24 juillet, à l’approche de la présentation du projet de loi, l’Ordre national des infirmiers (ONI) a formulé des propositions. Il souhaite notamment un élargissement de la prescription infirmière dans le cadre de nouvelles compétences que pourrait acquérir l’Idel. Si, comme l’envisage l’avant-projet de loi, un statut d’infirmier en pratiques avancées était mis en place, l’Idel pourrait voir ses compétences élargies. Par exemple, dans la prise en charge de patients diabétiques, l’ONI estime que la prescription d’examens biologiques comme l’hémoglobine glyquée pourrait être faite par les infirmières. En ce qui concerne la réalisation de pansements, l’ONI appelle de ses vœux un élargissement de la prescription aux antiseptiques indispensables à la désinfection lors de la pose et de la dépose des dispositifs médicaux que les Idels sont déjà autorisées à prescrire. Un éventail de prescriptions auxquelles, selon l’ONI, pourraient se rajouter certains antalgiques, suite logique de la prise en charge globale du patient et de la politique de lutte contre la douleur.

EN SAVOIR +

• En décembre, comme chaque année, notre numéro mensuel sera accompagné du Mémento de la prescription infirmière, 8e du nom, qui recense les dispositifs médicaux que l’IDE peut prescrire.

MODE D’EMPLOI

• La prescription doit être établie sur une ordonnance en double exemplaire, l’un pour le dossier du patient, l’autre pour l’Assurance maladie. Manuscrite ou informatisée, peu importe, à partir du moment où celle-ci porte certaines mentions obligatoires : le nom de l’infirmière, sa qualification et son numéro d’identification professionnelle.

• Parmi les autres mentions incontournables figurent la date de la prescription, la dénomination du dispositif médical et sa quantité. La mention de patient en affection longue durée (ALD), de maladie professionnelle (MP), d’accident du travail (AT) ou de grossesse (à partir du 6e mois) doit également figurer sur l’ordonnance, de même que la mention non remboursable (NR) le cas échéant.

• Enfin, l’ordonnance se termine par la signature de l’infirmière. Certaines infirmières utilisent des ordonnanciers fournis par les laboratoires, d’autres ont un modèle informatique facile à imprimer ou utilisent un tampon reprenant leurs informations professionnelles pour l’en-tête de leurs prescriptions.