Des infirmières et des tablettes - L'Infirmière Libérale Magazine n° 305 du 01/07/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 305 du 01/07/2014

 

PLAIES ET CICATRISATION

Actualité

OLIVIER BLANCHARD  

E-SANTÉ → Lors de la 4e Journée Aquitaine de cicatrisation à Bordeaux, organisée par l’Espic Bagatelle en partenariat avec le réseau de soins bordelais Resiladom, une conférence s’est tenue sur l’approche médico-économique des plaies chroniques.

Pour l’Union nationale des caisses d’Assurance maladie (Uncam), les pansements représentent un coût annuel total de plus de vingt millions d’euros. Or certaines prescriptions sont inadaptées dans le choix du pansement ou dans le rythme du renouvellement et, au final, 25 % des patients consomment 69 % des volumes délivrés. Pour réduire ce coût, la Haute Autorité de santé préconise trois types de mesure : prescrire le médicament par classe et non par nom de marque pour laisser au pharmacien la possibilité de substituer ; réévaluer régulièrement la prescription en suivant précisément le traitement “séquentiel” des plaies qui suit les phases de cicatrisation ; déléguer aux infirmières libérales les prescriptions des pansements car elles sont quotidiennement auprès des patients.

La “mal-traitance”

Le docteur Toussaint, dermatologue, a un regard différent. D’après la Caisse nationale de l’Assurance maladie, en 2011, dans le coût d’une plaie chronique, les soins infirmiers représentent 42,4 %, le matériel à pansement 33 %, et la recherche d’étiologie à peine 0,6 %. Or « faire l’économie de la recherche étiologique d’une plaie, c’est faire de la “mal-traitance” ». L’étiologie, selon lui, relève « d’une démarche de diagnostic qui est donc nécessairement médicale ». Il faut ainsi réduire les délais de consultations spécialisée : « Une plaie doit être considérée comme chronique passé le délai de six semaines et même parfois avant ! »

25 000 euros le chariot de télémédecine

Réconciliant les contraires, le Pr Nathalie Salles, gériatre, propose son expérience : un centre de télémédecine ouvert au CHU de Bordeaux en lien avec six établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) représentant 600 lits de gériatrie, équipés d’un chariot de télémédecine. Au final, 95?consultations à distance sur 106 ont porté sur des escarres et le problème a été réglé en deux téléconsultations en moyenne. Cela a permis de réduire la durée moyenne de séjour et le rythme de renouvellement des pansements tout en économisant des déplacements compliqués.

À terme, la gériatre envisage des centres sur d’autres sujets tels que la fin de vie, la psycho-gériatrie, l’odontologie, etc. Et pour d’autres publics, par exemple en transformant les Ehpad équipés pour la télémédecine en “centre de ressources” avec des téléconsultations ouvertes aux soignants de ville. D’ailleurs, en Languedoc, l’association Cicat-LR propose déjà aux infirmières libérales d’organiser des consultations à domicile sur les plaies grâce à des tablettes*.

Réconciliant l’expertise scientifique ponctuelle des médecins avec la connaissance pratique quotidienne des infirmiers tout en gommant les contraintes territoriales, la télémédecine semble donc être une solution pour la maîtrise des dépenses dans les soins des plaies chroniques. Cependant, un chariot de télémédecine comme celui de Bordeaux coûte 25 000 euros et n’a pas trouvé à ce jour de financement définitif. Trop chères, les économies

* Voir son site Internet (bit.ly/1sx7qeP). Lire aussi la seconde brève sur la télémédecine, p. 12.