Reprendre ou céder un cabinet - L'Infirmière Libérale Magazine n° 304 du 01/06/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 304 du 01/06/2014

 

INSTALLATION

Votre cabinet

ME GENEVIÈVE BELTRAN*   VÉRONIQUE SOKOLOFF**  

Que vous soyez tentée de reprendre une clientèle lors de votre installation ou au contraire que vous ayez envie de céder la vôtre lors de l’arrêt de votre activité, il n’est pas inutile de rappeler les différents points importants d’une telle cession.

Comment estimer la valeur de la patientèle ?

Il s’agit là souvent de la première question que l’on se pose. C’est une question délicate car aucun texte juridique ne peut être invoqué pour ce calcul. Seuls des usages utilisés par la profession permettent d’harmoniser les prix de cession des clientèles. Ils suggèrent de retenir 30 à 40 % de la moyenne des honoraires bruts des trois dernières années d’exercice. En zone rurale, il est préconisé d’exclure de la base des honoraires considérés les indemnités kilométriques : elles peuvent en effet représenter jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires. Or ces indemnités ne sont versées que si l’infirmière choisie par le patient est celle dont le cabinet est le plus proche de son domicile. L’installation d’une nouvelle infirmière sur le secteur d’intervention de la cédante priverait le successeur de ces indemnités. Or cet aléa ne doit pas être supporté par l’acquéreur.

D’autres paramètres à prendre en compte pour le prix de cession sont liés à la composition de la patientèle elle-même : la diversité des pathologies et des soins exécutés, l’âge moyen des patients, leur lieu de résidence (les maisons de retraite ne font pratiquement plus appel aux infirmières libérales). Les relevés individuels d’activité annuels délivrés par les Caisses primaire d’Assurance maladie sont de bons indicateurs de l’activité conventionnée par la mention du nombre et du type d’actes effectués (AIS, AMI).

Autres critères à examiner : la concurrence d’autres professionnels sur le secteur, l’existence de services de soins infirmiers à domicile, d’hospitalisations à domicile, de centre de soins…, le nombre et le type de prescripteurs, les perspectives de développement (constructions de nouvelles résidences). La possibilité ou non de reprendre les locaux du cabinet est aussi un élément important. La personnalité du cédant aussi compte, de même que sa notoriété et son ancienneté éventuelles dans le secteur.

Reste l’un des éléments les plus importants peut-être : celui de l’offre et de la demande. Il y a quelques années, les seuils d’efficience (autrement dénommés “quotas”) avaient eu des répercussions sur le montant des cessions des clientèles. La création de zones surdotées et intermédiaires dans le cas des mesures de rééquilibrage de l’offre de soins infirmiers sur le territoire prévue aux avenants 1 et 3 de la convention des infirmières ne manquera pas d’impacter les transactions.

Comment évaluer le mobilier et le matériel du cabinet ?

Le prix de cession tiendra compte de leur état général, de leur valeur marchande et de leur date d’acquisition s’ils sont totalement amortis, et de leur valeur résiduelle comptable s’ils sont toujours en cours d’amortissement. Si le vendeur est associé d’une société civile de moyens, la transaction s’accompagnera de la cession des parts de la société civile de moyens détenues par le cédant.

Quid des contrats en cours ?

→ Si le cédant est le propriétaire des murs du cabinet, l’hypothèse du rachat des murs par le cessionnaire pourra être évoquée. Il pourra également préférer rester propriétaire des murs et opter pour la location. Bien entendu, il conviendra alors de prévoir la conclusion d’un bail professionnel.

→ Si le cédant est locataire du cabinet, le contrat de location peut prévoir une cession libre du bail, mais le plus souvent sa transmission ne peut se faire qu’avec l’accord du propriétaire.

→ Si le bail est cessible mais que l’échéance de la location est relativement proche, il ne faudra pas oublier de demander au propriétaire ses intentions à l’issue du bail. Parfois, il est préférable de repartir sur un nouveau bail et donc une nouvelle durée.

→ Si une autorisation a été donnée par la mairie au cessionnaire pour exercer dans le local, il conviendra de redemander un accord car ces autorisations sont personnelles et non cessibles.

Quelles obligations incombent au vendeur ?

→ Le cédant doit s’engager à présenter son successeur à tous ses patients, à leur demander de reporter sur lui la confiance qu’ils lui ont jusque-là accordée, ainsi qu’aux autres professionnels de santé qu’il côtoie habituellement (médecins, pharmaciens, autres infirmières…). Il transmettra le fichier à jour de ses patients. Quelques tournées en commun faciliteront la transmission. Le cédant peut s’engager à faire paraître dans la presse locale une ou deux insertions rendant publics son départ et l’arrivée de son successeur. La ligne téléphonique du cabinet devra être reprise par l’acheteur.

→ La cession doit faire l’objet d’un contrat écrit qui reprendra les différents engagements du cédant et du cessionnaire et auquel sera annexée la liste de l’éventuel mobilier et matériel cédés. Bien entendu, il devra être rappelé que le patient garde le libre choix de s’adresser au successeur ou bien à toute autre infirmière. Dans la pratique, seuls 10 à 20 % des patients s’adresseraient à une autre professionnelle que le cessionnaire.

→ Par ailleurs, le cédant doit s’engager à ne plus exercer pendant une période qui ne saurait être raisonnablement inférieure à cinq ans sur le même territoire que celui où il exécutait ses soins. À défaut de mention d’un tel engagement dans un écrit, il sera difficile de poursuivre le cédant dans le cas où ce dernier continuerait malgré la vente à effectuer des soins sur le secteur.

Quelles impositions en cas de cession ?

→ La cession doit être déclarée à la recette des impôts dans les trente jours de la signature de l’acte. Cette formalité donne lieu au versement par l’acheteur de droits d’enregistrement dont le montant est de 3 % du prix de vente pour la partie entre 23 000 et 200 000 euros, et 5 % pour la partie au-delà de 200 000 euros. Les cessions inférieures à 23 000 euros sont exonérées.

→ Par ailleurs, toute cession de clientèle peut entraîner pour le vendeur la taxation de la plus-value générée lors de la transaction. Si la cession a lieu dans les deux ans de l’achat ou de la création, elle sera qualifiée de plus-value à court terme et son montant sera réintégré aux recettes de l’année de la cession et imposable au taux de droit commun. Elle sera dénommée à long terme dans le cas d’une détention supérieure à deux ans. Le taux actuel d’imposition des plus-values à long terme est de 16 % auquel il convient d’ajouter les contributions sociales (CSG, CRDS etc.) de 15,50 %, soit un total général de taxation de 31,50 %. Toutefois, le cédant qui a exercé son activité pendant au moins cinq ans peut être exonéré de plus-value si la moyenne de ses recettes sur les deux dernières années est inférieure à 90 000 euros (exonération au titre de l’article 151 septies du Code général des impôts) ou s’il cède la totalité de sa clientèle pour un prix inférieur à 300 000 euros (exonération de l’article 238 quindecies du Code général des impôts).