L’épistaxis - L'Infirmière Libérale Magazine n° 304 du 01/06/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 304 du 01/06/2014

 

Premiers secours

Cahier de formation

LE POINT SUR

ANNE-GAËLLE HARLAUT  

Fréquente mais souvent bénigne, l’epistaxis (ou « saignement de nez ») impose avant tout de rétablir l’hémostase. Certains signes de gravité doivent cependant conduire à pousser les investigations.

Une hémorragie fréquente

Une épistaxis est une hémorragie des fosses nasales, des sinus ou du cavum (partie supérieure du pharynx), secondaire à une lésion vasculaire de la muqueuse locale, qui s’extériorise par les narines (épistaxis antérieure) ou par le pharynx (épistaxis postérieure). Le plus souvent, le saignement se localise au niveau de la « tâche vasculaire » ou plexus de Kiesselbach, zone la plus irriguée située dans la partie antéro-inférieure de la cloison nasale (voir schéma). Très fréquente chez l’enfant de deux à dix ans, elle est généralement bénigne et toucherait au moins une fois 60 % de la population.

Plusieurs origines possibles

L’épistaxis peut être :

→ essentielle : idiopathique, due à des ectasies (dilatation anormale) de la tâche vasculaire, qui peuvent être favorisées par le froid, l’air trop sec ou les expositions solaires ;

→ liée à une cause locale : traumatisme (choc facial, lésions de grattages digitaux), inflammation ou infection (rhinite, sinusite, corps étranger…), médicaments (décongestionnants locaux, etc.), tumeur, fibrome ;

→ liée à une affection générale dont elle est un épiphénomène parfois révélateur : trouble hémorragique (thrombopathies, traitements anticoagulants non équilibrés…), hypertension artérielle, cardiopathies…

Les signes de gravité

L’épistaxis bénigne se présente généralement comme un saignement en goutte à goutte d’origine antérieure, au début unilatéral. Certains signes sont en faveur d’une affection plus grave : saignement abondant, bilatéral et/ou postérieur, qui ne cesse pas et/ou se répète, altération de l’état général (pâleur, sueur, soif, tachycardie, hypertension, agitation), cardiopathies sous-jacentes, troubles de la coagulation et prise de médicaments anticoagulants.

Les examens

→ L’importance du saignement, son retentissement, sa périodicité, les signes de gravité et les antécédents sont appréciés en premier lieu par l’interrogatoire du patient et/ou de son entourage et un examen clinique général (pouls, pression artérielle, état général).

→ En cas de signes de gravité et/ou de saignements répétés, un examen ORL des cavités nasales par rhinoscopie (à l’aide d’un spéculum et d’un miroir) ou rhinofibroscopie (à l’aide d’une fibre optique) peut être pratiqué après évacuation des caillots par mouchage ou aspiration. Il permet de préciser le siège, l’étendue de l’épistaxis afin d’adapter le traitement en conséquence.

→ Selon les facteurs de gravité décelés, des bilans sanguins peuvent être pratiqués.

Les traitements

L’hémostase locale

C’est le premier traitement, obtenu par diverses manœuvres selon sa localisation et son importance :

→ la compression digitale est généralement suffisante pour les épistaxis bénignes, antérieures et localisées : après mouchage doux et application éventuelle d’une ouate imbibée de xylocaïne et de naphazoline (décongestionnant), comprimer les ailes du nez pendant dix à quinze minutes en position assise, tête penchée en avant (et non pas en arrière, position qui expose au risque d’avaler du sang responsable de nausées) ;

→ un hémostatique local peut être laissé en place, type tampon d’alginate de calcium (Coalgan, à laisser minimum trente minutes mais maximum vingt-quatre heures en raison d’un risque possible d’infection), de gélatine (Bloxang, à laisser en place une heure) ou pommade sur mèche ou via canule nasale (pommade HEC, Bloxang topic) ;

→ une cautérisation électrique ou laser peut être pratiquée, généralement sous anesthésie locale, si le vaisseau responsable est facilement individualisé (notamment en cas de saignements récidivants) ;

→ le tamponnement antérieur et/ou postérieur peut être pratiqué par un ORL ou un urgentiste lorsque le saignement est important ou diffus. À l’aide d’une pince à bout mousse, une mèche grasse ou résorbable est tassée d’arrière en avant dans la cavité nasale puis laissée en place quarante-huit heures sous antibiothérapie. Si c’est insuffisant, des sondes à ballonnets gonflables peuvent être mises en place sous anesthésie locale, vingt-quatre heures au plus pour éviter le risque de nécrose.

L’hémostase régionale

Elle est proposée en cas d’échec des manœuvres précédentes :

→ l’embolisation sélective et temporaire des artères faciales et maxillaires par microparticules résorbables est pratiquée sous anesthésie, via un cathéter introduit par l’artère fémorale ;

→ la ligature ou la coagulation des artères sphéno-palatines ou ethmoïdales peuvent être pratiquées sous endoscopie par voie endonasale ou canthale (via la commissure des paupières).

Des traitements complémentaires

Ils peuvent être nécessaires : anti-hypertenseur adapté, activateurs de l’hémostase, vitamine K (si surdosage en anti-vitamine K), exceptionnellement une transfusion sanguine.

Pour votre pratique

• L’épistaxis bénigne (la plus fréquente) cède généralement par compression digitale pendant dix minutes, tête penchée en avant.

• Il est indispensable de consulter le médecin en cas d’hypertension artérielle, de cardiopathies, de traitement anticoagulant, de traumatisme violent, de saignement abondant, bilatéral ou répété et d’altération de l’état général.

• Les saignements essentiels peuvent être prévenus en maintenant une atmosphère humide et non surchauffée (notamment la nuit) et en évitant les mouchages et lavages de nez trop énergiques ainsi que le grattage des cavités nasales (il est indispensable de penser à couper court les ongles des enfants).

Épistaxis antérieure

La muqueuse nasale, qui réchauffe et humidifie l’air inspiré, est richement vascularisée à la fois par des ramifications de l’artère carotide externe (artère maxillaire puis palatine) et de l’artère carotide interne (artères ethmoïdes qui sont des branches de l’artère ophtalmique). Ces deux réseaux se rejoignent au niveau de la « tâche vasculaire » ou plexus de Kiesselbach, zone la plus irriguée et la plus sensible située dans la partie antéro-inférieure de la cloison nasale.