Chirurgie et radiothérapie, traitements locorégionaux - L'Infirmière Libérale Magazine n° 301 du 01/03/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 301 du 01/03/2014

 

Cahier de formation

Savoir faire

En reprenant avec le patient les diverses étapes des traitements spécifiques du cancer, l’infirmière libérale peut l’aider à mieux comprendre leur mode d’action, leurs objectifs et modalités d’application. Elle est directement concernée par la chimiothérapie à domicile.

L’oncologue a proposé à Monsieur C. de traiter sa tumeur au rectum par chirurgie après quelques séances de radiothérapie. Votre patient est pessimiste et vous demande s’il est vraiment nécessaire d’engager de tels traitements qui sont certainement douloureux.

Vous lui rappelez que la chirurgie demeure le traitement de référence du cancer du rectum. Dans son cas, étant donné le stade de son cancer, la radiothérapie pratiquée avant l’opération a pour objectif de réduire la taille de la tumeur pour faciliter son retrait. Elle vise aussi à diminuer le risque de récidive locale.

CHIRURGIE

La chirurgie est encore souvent la première thérapeutique proposée au patient. Elle conserve un rôle fondamental dans le traitement des tumeurs solides, qui représentent plus de 90 % de tous les cancers (surtout des carcinomes). L’expression “ tumeur solide” désigne un cancer formé d’une tumeur principale individualisée, accompagnée ou non de métastases, par opposition aux cancers atteignant les cellules sanguines (leucémies, myélome multiple, etc.).

La chirurgie à visée curative

Cette chirurgie est basée sur l’exérèse large de la tumeur primitive.

La marge de sécurité

L’exérèse large de la tumeur primitive comprend une marge de tissu sain périphérique qui entoure la tumeur dont l’ampleur varie selon le type de cancer, l’emplacement de la tumeur, le stade tumoral. Cette marge de sécurité est une zone “supposée” saine en raison des limites imprécises des tumeurs, de l’existence possible d’envahissements microscopiques péritumoraux ou de lésions néoplasiques débutantes périphériques. L’exérèse de cette marge de sécurité a pour but d’éviter les récidives et sera ensuite analysée pour confirmer l’absence ou la présence de cellules cancéreuses.

Radicale ou conservatrice

La chirurgie à visée curative est dite “radicale” lorsqu’elle nécessite l’exérèse complète de l’organe où s’est développée la tumeur. Elle est “conservatrice” lorsqu’il est possible de conserver la fonction de l’organe et/ou l’image corporelle du patient. Le dépistage et le diagnostic précoce permettent de révéler des tumeurs plus petites et de limiter l’étendue de l’exérèse chirurgicale.

La chirurgie de rattrapage

Lorsqu’il y a une rechute du cancer sur le site de la première intervention, une reprise chirurgicale plus large peut apporter des chances de guérison mais impose souvent l’exérèse complète de l’organe atteint.

La chirurgie d’exérèse ganglionnaire

L’objectif est d’enlever les ganglions lymphatiques situés sur la circulation lymphatique qui draine l’organe atteint par la tumeur. Il s’agit du curage ganglionnaire ou de la lymphadénectomie.

De nécessité ou de principe

La chirurgie est dite “de nécessité” quand il s’agit de ganglions dont l’aspect est suspect, notamment à cause de leur hypertrophie (adénopathies). Elle est dite “de principe” quand elle concerne des ganglions non pathologiques.

La technique du “ganglion sentinelle”

C’est une chirurgie ganglionnaire pour certains cancers du sein (de petite taille) qui permet notamment de diminuer fortement le risque de lymphœdème (gros bras et limitation de mouvement de l’épaule), par rapport à la lymphadénectomie “large” d’emblée. Les ganglions prélevés sont analysés pendant l’intervention chirurgicale. S’ils sont atteints par des cellules cancéreuses, le chirurgien procède à l’ablation d’autres ganglions de la même chaîne ganglionnaire. La technique, aujourd’hui utilisée pour les mélanomes, est en cours d’évaluation pour d’autres cancers.

La chirurgie de réduction tumorale

Elle vise à réduire au maximum le volume tumoral pour rendre le résidu tumoral mieux accessible au traitement adjuvant. Elle s’adresse principalement aux tumeurs solides sensibles à la chimiothérapie ou à la radiothérapie (cancer du testicule par exemple).

La chirurgie des métastases

Elle est réservée aux cas de métastases uniques ou en nombre limité. En dépit de son implication au stade ultime de la maladie (cancer métastatique) et de la lourdeur de l’acte thérapeutique, la chirurgie de métastase (s) hépatique (s), pulmonaire (s) ou cérébrale (s) est pratiquée si l’intervention apporte un gain significatif en termes de survie ou si elle a une visée curative, et si l’état général de santé du patient le permet.

La chirurgie prophylactique

Pratiquée à titre préventif, elle consiste à intervenir sur un organe en cas de pathologies qui augmentent fortement le risque de développer un cancer :

→ risque génétique comme la polypose adénomateuse familiale qui prédispose à un cancer du côlon, ou des familles de cancer de l’ovaire ;

→ diagnostic génétique prédictif comme la mutation des gènes 1 et 2 du cancer du sein (BRCA1 et BRCA2) qui prédispose aux cancers du sein et de l’ovaire ;

→ état précancéreux qui évolue en cancer en l’absence de traitement, comme l’hyperplasie adénomateuse endométriale.

La chirurgie réparatrice et reconstructrice

Elle peut être contemporaine de la chirurgie radicale (reconstruction immédiate) ou à distance de celle-ci (reconstruction différée) et permet :

→ de remédier aux séquelles de certains traitements du cancer (notamment la chirurgie) et d’améliorer la qualité de la vie ;

→ des exérèses plus larges et plus facilement acceptées du fait d’une réparation de bonne qualité.

La chirurgie palliative

Parfois pratiquée en urgence, elle a pour objectifs :

→ soit d’améliorer le confort de vie du patient (dans le cas de fistule urinaire ou digestive) ;

→ soit de préserver une fonction vitale menacée (trachéotomie pour obstruction aiguë des voies aériennes) ;

→ soit de prévenir les complications : la chirurgie de certaines métastases osseuses permet de limiter leur risque fracturaire et agit secondairement sur les douleurs.

RADIOTHÉRAPIE

De nombreuses indications

La radiothérapie est indiquée dans le traitement de très nombreux cancers. Chaque année, sur 365 000 nouveaux patients pris en charge pour un cancer, environ 175 000 sont traités par irradiation. Elle est préconisée chez les patients âgés lorsque la chimiothérapie et la chirurgie sont contre-indiquées (diabète, dépendance, etc.). Sa tolérance est peu affectée par l’âge.

Le mode d’action

Les rayonnements ionisants (rayons X pour l’essentiel) détruisent les cellules cancéreuses en endommageant leur ADN. Celles-ci ne sont plus en mesure de se diviser et finissent par mourir. Les cellules saines de voisinage peuvent également être touchées par les irradiations, mais elles ont des capacités de réparation supérieures à celles des cellules cancéreuses.

Les objectifs thérapeutiques

→ Soit guérir un cancer en visant à détruire la totalité des cellules cancéreuses : radiothérapie curative.

→ Soit freiner l’évolution d’une tumeur (sans espoir de guérison) et en traiter les symptômes : radiothérapie palliative ou symptomatique.

Plusieurs modalités

→ Radiothérapie seule pour détruire l’organe atteint par la tumeur qui ne sera pas opérée. C’est un traitement curatif (cancer de prostate, tumeurs cérébrales…).

→ Radiothérapie néoadjuvante, pré-opératoire, visant à diminuer la taille de la tumeur qui sera opérée pour permettre une exérèse la plus satisfaisante possible (cancer du rectum, etc.).

→ Radiothérapie per-opératoire avec l’objectif d’irradier directement la tumeur ou sa zone d’implantation après ablation de celle-ci au cours de l’intervention chirurgicale. Elle est intéressante dans les tumeurs profondes, abdominales ou thoraciques, car elle permet une bonne accessibilité à la tumeur sans interposition des tissus sains.

→ Radiothérapie adjuvante, post-opératoire, pour prévenir le risque de récidive du cancer. Elle complète l’intervention en détruisant les cellules qui auraient échappé à l’acte chirurgical. C’est un traitement préventif (cancer du sein…).

→ Chimiothérapie concomitante de la radiothérapie, ou chimiothérapie “radio-potentialisatrice”, pour augmenter l’efficacité de la radiothérapie (cancer de l’œsophage…).

La radiothérapie externe

Les faisceaux de rayons sont dirigés vers la tumeur afin d’éliminer les cellules cancéreuses. La radiothérapie conformationnelle 3D (trois dimensions) est la technique la plus utilisée. De nouvelles techniques sont en développement dans le but de focaliser les rayons le plus précisément possible sur la tumeur et d’épargner au maximum les tissus sains.

Le traitement proprement dit

Il nécessite plusieurs séances, généralement une séance par jour, sur une durée de quatre à cinq jours, pendant plusieurs semaines. Les séances courtes et étalées permettent aux tissus sains irradiés de se réparer entre deux séances. Le temps d’irradiation est de l’ordre de quelques minutes. L’irradiation n’est pas douloureuse.

Les effets secondaires

Ils sont liés au risque d’altération de cellules saines situées à proximité de la zone traitée. Ils diffèrent largement selon la localisation et le volume irradié, la dose délivrée, la radiosensibilité individuelle du patient et son état général. Ils peuvent être immédiats, aigus ou précoces, dans les semaines qui suivent le traitement. Ils sont appelés effets tardifs, complications ou séquelles lorsqu’ils apparaissent plusieurs mois après la fin du traitement.

La curiethérapie

La curiethérapie s’adresse à des tumeurs accessibles et de petit volume. La curiethérapie est administrée en continu et sa durée est brève. Elle est pratiquée seule ou en complément d’une chirurgie, d’une radiothérapie externe, ou associée à ces deux traitements.

Le mode d’action

Les sources radioactives sont placées de façon temporaire ou permanente au contact ou au sein des tissus à traiter. Les éléments radioactifs le plus souvent utilisés sont l’iridium, le césium ou l’iode, sous forme de grains, de fils ou de micro-sources. Les tissus sains environnants sont peu affectés. Les effets secondaires sont le plus souvent modérés et limités dans le temps.

Plusieurs types d’implantation

→ Dans les tissus : curiethérapie interstitielle ou endocuriethérapie (peau, sein, prostate…).

→ Dans des cavités naturelles : curiethérapie endocavitaire ou plésiocuriethérapie (vagin, utérus…).

→ Curiethérapie endoluminale si la cavité est un conduit de petit diamètre (œsophage, bronche…).

→ Curiethérapie métabolique, qui consiste à administrer une substance radioactive par voie orale (boisson ou capsule) ou par injection intraveineuse (iode 131 pour certains cancers de la thyroïde…).

→ Association curiethérapie et radiothérapie externe, qui permet de cibler précisément la tumeur et de délivrer la dose de rayonnements optimale (cancer du col de l’utérus, par exemple).

Quelle prise en charge des cancers en 2020 ?

Étude réalisée par Unicancer*, de février à juin 2013, auprès d’experts en cancérologie en France (CHU, cliniques privées) et à l’étranger (Pays-Bas, États-Unis, Royaume-Uni).

→ Le nombre de séjours de chirurgie ambulatoire devrait plus que doubler dans les six prochaines années. La chirurgie ambulatoire représenterait ainsi 50 % de la chirurgie du cancer du sein en 2020 (12 % en 2012, moyenne nationale), 15 % de la chirurgie des cancers de l’ovaire (3 % en 2012) et 15 % de la chirurgie des cancers de la thyroïde (1 % en 2012).

→ Un nombre de séances de radiothérapie réduit grâce à des techniques plus performantes. Le développement de la radiothérapie hypofractionnée consistant à intensifier la dose délivrée lors de chaque séance afin de réduire le nombre de séances concernerait les cancers du sein, de la prostate, du foie, du poumon et de tumeurs intracrâniennes. Ainsi, l’hypofractionnement concernerait 50 % des traitements du cancer du poumon avec un passage de trente à cinq séances en moyenne.

→ Le développement de la radiologie interventionnelle. Des techniques peu invasives permettent d’accéder à une tumeur en profondeur en utilisant les voies naturelles, le réseau vasculaire ou en choisissant un chemin court et sans risque au travers d’un organe. Il est ainsi possible, par le seul point d’entrée d’une aiguille, de détruire de petites tumeurs du foie ou des métastases du poumon, par un courant électrique (radiofréquence), par le froid (cryoablation) ou en les brûlant par des micro-ondes (thermoablation). La radiologie interventionnelle pourrait permettre de traiter 30 % des métastases hépatiques et pulmonaires et 50 % des métastases osseuses en 2020.

* Groupe hospitalier dédié à la lutte contre le cancer, Unicancer réunit les vingt centres de lutte contre le cancer présents dans seize régions françaises.

Point de vue…

Les patients ont besoin d’explications

Laurence Villalonga, infirmière libérale à Marcq-en-Barœul (Nord)

« Au début de leur maladie, les patients comme leur famille reçoivent beaucoup d’informations, dont la plupart avec un caractère de gravité. Au fil du temps, les questions reviennent, et c’est souvent à l’infirmière libérale qu’elles sont adressées. En effet, celle-ci connaît bien l’histoire du patient et son environnement. Il m’est arrivé d’appeler l’hospitalisation à domicile pour signaler un antécédent dans le vécu du patient qui devrait être pris en compte pour une prise en charge “plus souple”. »