Aider au suivi du diabète gestationnel - L'Infirmière Libérale Magazine n° 300 du 01/02/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 300 du 01/02/2014

 

Cahier de formation

Savoir faire

Madame R., enceinte de sept mois, souffre de diabète gestationnel. Suivie par un diabétologue, elle fait appel à vous pour apprendre à tester sa glycémie à domicile. Elle fait un test juste après le déjeuner et panique devant son résultat supérieur à 1,20 g/l. Si les règles alimentaires ne suffisent pas, elle a peur de passer à l’insuline…

Vous lui expliquez que la surveillance glycémique doit se faire à des moments précis : à jeun puis deux heures après les repas. L’objectif limite de 1,20 g/l est celui à atteindre deux heures après le repas, rien ne sert de faire le test avant et il est normal que la valeur soit plus élevée juste après le repas.

LE DÉPISTAGE

Selon les dernières recommandations du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) et de la Société francophone du diabète (SFD) parues en 2010*, le dépistage du diabète gestationnel en France n’est pas systématique mais ciblé en cas de facteurs de risque.

→ Au premier trimestre, on réalise une glycémie à jeun chez les patientes qui présentent au moins l’un des facteurs de risque suivant : âge supérieur à 35 ans, IMC supérieur ou égal à 25 kg/m2, antécédent personnel de diabète gestationnel, de macrosomie ou familial de diabète. Si le résultat est compris entre 0,92 g/l et 1,26 g/l, le diagnostic de diabète gestationnel est posé. Un résultat supérieur à 1,26 g/l signe un diabète de type 2.

→ Entre 24 et 28 SA, période au cours de laquelle la tolérance au glucose se détériore, le dépistage par une hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) est recommandé chez les patientes pour qui la glycémie était normale ou non mesurée au premier trimestre. La glycémie est mesurée à jeun, une heure et deux heures après l’ingestion de 75 g de glucose. Le diagnostic de diabète gestationnel est posé si l’une des valeurs est anormale : glycémie à jeun supérieure ou égale à 0,92 g/l ; à une heure supérieure ou égale à 1,8 g/l ; à deux heures supérieure ou égale à 1,53 g/l. Si l’examen est normal, il n’y a pas lieu de pratiquer d’autres examens par la suite.

→ Au troisième trimestre, une glycémie à jeun est recommandée chez les femmes ayant un facteur de risque de diabète gestationnel non encore dépisté et en cas de suspicion de macrosomie fœtale à l’échographie du troisième trimestre.

LA PRISE EN CHARGE

Surveillance

Médicale

La découverte d’un diabète gestationnel implique généralement la prise en charge par une équipe de diabétologie. Une consultation tous les huit à quinze jours est alors recommandée.

À domicile

L’autosurveillance glycémique par le biais du lecteur de glycémie capillaire est recommandée entre quatre à six fois par jour (au moins une fois à jeun et deux heures après les repas).

L’objectif est d’obtenir une glycémie :

→ inférieure à 0,95 g/l, à jeun.

→ inférieure à 1,20 g/l, deux heures après le repas.

L’autosurveillance glycémique est renforcée par des glycémies veineuses à jeun et après le repas tous les quinze jours. Une surveillance quotidienne de la cétonurie est également conseillée.

Conseils hygiéno-diététiques

Pierre angulaire du traitement, la prise en charge hygiéno-diététique est individualisée selon l’IMC préconceptionnel, la prise de poids et la glycémie. Dans la majorité des cas, elle suffit à restaurer puis à maintenir l’euglycémie maternelle.

Alimentation

L’apport recommandé est de 25 à 35 kcal/kg par jour. Une restriction calorique n’est indiquée qu’en cas d’obésité (IMC >30 kg/m2) ou lorsque la prise de poids dépasse 1,8 kg par mois. Elle ne doit pas être inférieure à 1 600 kcal par jour.

L’enquête alimentaire par une diététicienne est recommandée pour ajuster individuellement les consignes. Certains conseils élémentaires peuvent toutefois être donnés :

→ fractionner les apports en trois repas (petit-déjeuner, déjeuner, dîner) et trois collations (à 10, 16 et 21 heures) ;

→ limiter le sucre et les produits sucrés de l’alimentation (chocolat, pâtisseries, glaces, jus de fruits…) ;

→ consommer à chaque repas du pain et des féculents : pommes de terre, riz, semoule, blé, lentilles, pain ;

→ restreindre les apports en lipides : beurre, fromages, crème… ;

→ privilégier les aliments sources de fibres (qui ralentissent l’absorption des glucides) comme les fruits et légumes verts, et ceux riches en calcium (yaourt, fromage blanc) ;

→ en cas d’hypoglycémie, consommer trois sucres accompagnés de pain et de produits laitiers.

Activité physique

Une activité physique modérée (marche, natation, etc.) peut améliorer l’insulinosensibilité. En absence de contre-indication obstétricale, un effort physique de trente minutes, deux à cinq fois par semaine, est recommandé.

Traitement

→ Si les objectifs glycémiques ne sont pas atteints après sept à dix jours de règles hygiéno-diététiques, un traitement médicamenteux doit être envisagé.

→ Les antidiabétiques oraux n’ayant pas d’AMM pendant la grossesse, on a recours à l’insuline, généralement une insuline d’action rapide, voire intermédiaire. Le schéma thérapeutique est individualisé selon les profils glycémiques, obtenu par paliers de 2 UI jusqu’à obtention d’un équilibre. Le CNGOF recommande une injection d’insuline rapide avant chaque repas, si les glycémies post-prandiales sont élevées, et une injection d’insuline d’action intermédiaire au dîner ou au coucher, si la glycémie au réveil est élevée.

→ L’injection se fait à l’aide de stylos injectables, en sous-cutané.

Suivi

D’après les recommandations de la HAS, les femmes qui souffrent de diabète gestationnel peuvent être suivies par une sage-femme ou un médecin généraliste. Cependant, l’avis d’un gynécologue obstétricien est nécessaire, et éventuellement l’avis complémentaire d’un diabétologue. En cas de diabète gestationnel équilibré et en l’absence d’autre facteur de risque, le suivi clinique ne diffère pas des autres grossesses.

Un programme d’éducation thérapeutique devrait être systématiquement proposé. Les objectifs sont notamment de :

→ connaître les mécanismes du diabète et ses conséquences pour la future mère et l’enfant ;

→ savoir adapter son mode de vie ;

→ pratiquer une autosurveillance adéquate et savoir réagir en conséquence (consignes en cas d’hyper ou d’hypoglycémie…) ;

→ savoir doser et pratiquer des injections sous-cutanées d’insuline.

Post-partum

Le risque de récidive du diabète gestationnel varie de 30 à 84 % selon les études, le risque ultérieur de diabète de type 2 est multiplié par sept, celui de pathologies cardiovasculaires par 1,7 environ… Un dépistage du diabète de type 2 par HGPO ou glycémie à jeun est recommandé lors de la consultation postnatale, avant une nouvelle grossesse, puis tous les un à trois ans pendant au moins vingt-cinq ans.

* Recommandations pour la pratique clinique, Le diabète gestationnel, élaborées par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français et par la Société francophone du diabète.

Diététique

→ Un exemple de repas

– crudités

– 100 g de viande ou poisson

– 150 g de féculent

– des légumes verts cuits

– un produit laitier

– un fruit

– 40 g de pain

→ Un exemple de collation

20 g de pain

Un laitage

Point de vue…

« Nous sommes plus exigeants sur les objectifs »

Micheline Quesnel-Deshayes, infirmière libérale remplaçante, référente du Réseau Diabète ? 35 et de la Maison du diabète et de la nutrition en pays de Fougères (Ille-et-Vilaine)

« En cas de diabète gestationnel, il faut savoir que les recommandations sont très exigeantes quant aux objectifs glycémiques : les taux doivent être inférieurs à 0,95 à jeun et inférieurs à 1,20 deux heures après le repas. Mais les futures mères sont généralement très motivées, car elles savent que la santé de leur enfant est en jeu et que, la plupart du temps, leur diabète sera passager. Une adaptation du mode de vie suffit souvent : c’est le cas pour les femmes prises en charge dans notre réseau. Toutes les infirmières libérales peuvent jouer un rôle d’éducation en apprenant aux patientes à faire les tests ou à s’injecter de l’insuline. Elles peuvent aussi donner des conseils de base sur la diététique ou le mode de vie, à condition d’en avoir les compétences et qu’ils rejoignent ceux donnés par l’équipe spécialisée. Dans tous les cas, le rôle des libérales est d’accompagner temporairement, et d’orienter, si ce n’est pas déjà le cas, vers un réseau spécialisé ou une diététicienne. »