La trachéotomie - L'Infirmière Libérale Magazine n° 299 du 01/01/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 299 du 01/01/2014

 

Ventilation invasive

Cahier de formation

LE POINT SUR

AURELIE ANGOT  

La trachéotomie est un geste chirurgical consistant à pratiquer une ouverture de la trachée à la peau par l’intermédiaire d’une incision cervicale antérieure. Au long cours à domicile, elle concerne des patients souffrant d’insuffisance respiratoire chronique grave pour qui la ventilation non invasive est impossible ou a échoué.

Qu’est-ce que la trachéotomie ?

Définition

On distingue :

→ la trachéotomie au sens strict, pour laquelle une incision est effectuée sur la face antérieure de la trachée qui va communiquer avec l’extérieur par l’intermédiaire d’une canule placée dans l’orifice en le maintenant ouvert ;

→ la trachéostomie, au cours de laquelle la trachée est sectionnée et suturée à la peau, le plus souvent au cours d’une chirurgie oncologique ORL (une canule peut aussi être insérée mais n’est pas indispensable).

Dans les deux cas, l’air arrive directement dans la trachée, court-circuitant les voies aériennes supérieures ainsi que l’humidification qui en découle.

Indications

Les indications de ventilation au long cours à domicile, parfois par trachéotomie en cas d’échec de la ventilation non invasive (VNI), sont les maladies respiratoires obstructives (regroupées sous le terme BPCO, pour broncho-pneumopathie chronique obstructive), les insuffisances respiratoires chroniques graves (IRCG) d’origine restrictive (maladies neuromusculaires, séquelles de tuberculose, obésité) et les IRCG d’origine mixte (qui associent obstruction et restriction).

Aspects techniques

Ventilation spontanée via la trachéotomie

Elle est possible 24 heures sur 24 en air ambiant ou sous oxygène administré via la canule.

Ventilation mécanique par trachéotomie

Certains patients sont ventilés 24 heures sur 24 et d’autres uniquement la nuit ; le reste du nycthémère est alors passé en ventilation en air ou sous O2, ces séances étant parfois, selon les besoins du patient, entrecoupées de séances de ventilation mécanique.

Autres contraintes techniques

Aspirations endotrachéales

Tout patient trachéotomisé nécessite un aspirateur pour assurer l’aspiration régulière des mucosités provenant des poumons et s’accumulant dans la trachée. L’appareil peut être utilisé par le patient ou ses proches, sous condition de suivre une formation préalable obligatoire. Idels et kinésithérapeutes sont souvent amenés à réaliser les aspirations endotrachéales.

Humidification

Il est indispensable d’humidifier l’air inspiré au niveau de la canule ou l’air insufflé par le respirateur. En effet, ces fonctions sont normalement assurées par les voies aériennes ici court-circuitées. Il peut être utilisé un humidificateur chauffant, branché sur le respirateur, ou un dispositif appelé “nez artificiel”, apposé directement sur la canule.

Source d’alimentation en oxygène

Associée au respirateur, la source d’O2 se présente sous trois formes : obus de gaz comprimé, cuves d’O2 liquide et concentrateurs électriques.

À noter : le modèle de l’appareil, ses paramètres d’utilisation, la fréquence et la durée d’utilisation quotidienne sont déterminés par le médecin. Les appareils sont fournis par le prestataire de santé qui en assure l’installation à domicile, les réglages et la surveillance technique.

Les soins du patient trachéotomisé

→ L’orifice de trachéotomie constitue une porte d’entrée pour les infections. Des mesures d’hygiène strictes sont indispensables. Elles incluent le soin quotidien de l’orifice de trachéotomie, régulièrement associé au changement de la canule (et au retrait pour nettoyage de la canule interne, matin et soir, si le modèle de canule en présente une).

→ Avant chaque soin, il convient de procéder à un lavage des mains au savon ou à l’aide d’une solution hydro-alcoolique. Pour le nettoyage du pourtour de l’orifice, on utilisera des compresses stériles et du sérum physiologique en dosette à usage unique ou un antiseptique type Biseptine. Pour le changement de canule, l’utilisation d’un lubrifiant est possible. Il est prudent d’insérer un guide dans la canule et la trachée avant de retirer la canule (exemple : sonde d’aspiration endotrachéale). Pour réinsérer la canule propre, on pourra utiliser si besoin un dilatateur de Laborde (pince à 3 branches). On applique en fin de pansement des compresses stériles fendues en Y entre la peau et le pourtour de la canule.

À noter : la fréquence du changement de canule, en général une à deux fois par semaine, est prescrite par le médecin. Il faut aussi effectuer un changement de canule si celle-ci est mouillée lors de la douche (protection indispensable) ou si elle est souillée. Les modèles de canules sont variables et prescrits par le médecin (longueur, diamètre, avec ou sans chemise interne, avec ou sans ballonnet, avec ou sans fenêtre et clapet permettant la phonation, etc.). Si le patient fait part de difficultés relatives à sa canule, on en référera au médecin, qui pourra lui en faire essayer d’autres modèles.

→ L’aspiration endotrachéale est indispensable plusieurs fois par jour pour éviter l’obstruction de la trachée par les sécrétions bronchiques. La sonde endotrachéale, raccordée au tuyau de l’aspirateur, est insérée doucement dans la canule. L’aspiration se fait en remontant doucement la sonde, une fois en tournant la tête du patient à gauche, puis une fois en la tournant à droite (rincer la sonde à l’eau stérile entre les deux). Les aspirations peuvent être fréquentes mais doivent être courtes (quelques secondes) pour éviter d’irriter la trachée. Une nouvelle sonde est utilisée pour chaque aspiration.

Les complications possibles

→ Une inflammation de la peau autour de la canule peut se produire : préférer des compresses intissées et appliquer, sur prescription médicale, une pommade cicatrisante.

→ Des infections pulmonaires peuvent survenir. Il faut donc surveiller les sécrétions. Si elles sont malodorantes avec une coloration jaune-vert, un prélèvement à visée bactériologique est nécessaire.

→ Des granulomes peuvent se former autour de l’orifice ou dans la trachée. Le patient a du mal à respirer et/ou le changement de canule est difficile. Si on ne les traite pas, ces granulomes peuvent donner lieu à l’apparition d’une sténose (rétrécissement de la trachée). S’ils sont situés sur le pourtour de l’orifice, ils pourront être traités avec un crayon au nitrate d’argent. S’ils sont à l’intérieur de la trachée, une intervention endoscopique (laser, thermocoagulation) sera nécessaire.

→ Si la canule est mal entretenue et/ou si des infections ont lieu, un affaissement des parois de la trachée peut survenir (trachéomalacie). Le malade est alors dyspnéique. La trachée s’aplatit à l’expiration. Le médecin doit réétudier le type de canule utilisée.

À noter : un ballonnet de canule trop gonflé peut entraîner une nécrose de la trachée. Aussi faut-il le gonfler a minima pour éviter les fausses routes, en utilisant des canules à ballonnet basse pression.

En savoir plus

• Le site de l’Antadir (Association nationale pour les traitements à domicile, les innovations et la recherche) : www.antadir.com. Un Guide du trachéotomisé 2008, sur le thème “Une trachéotomie est un moment difficile à vivre, comment gérer le retour à domicile ?” y est disponible en téléchargement gratuit (en suivant le lien raccourci bit.ly/J6YQPr).

• L’article “Place de la trachéotomie au long cours dans l’insuffisance respiratoire chronique sévère à l’ère de la ventilation non invasive”, dans la Revue des maladies respiratoires vol. 29, issue 8, octobre 2012 (lire l’article en suivant le lien raccourci bit.ly/1cw8Dc3).