La vie pied au plancher - L'Infirmière Libérale Magazine n° 296 du 01/10/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 296 du 01/10/2013

 

ISÈRE (38)

Initiatives

Touche-à-tout, Fabienne Ferrari a décidé de se lancer un nouveau défi. Le 10 octobre, elle embarque pour le Trophée Roses des sables au volant de sa Land Rover. Une vie menée tambour battant pour mieux briser la routine et se jouer de la mort.

Au volant de son 4x4, Fabienne Ferrari tente un créneau devant son cabinet du Touvet, commune de l’Isère à mi-chemin de Grenoble et Chambéry. La place n’est pas bien grande. Elle doit s’y reprendre : « Trop de direction assistée ! », s’amuse l’infirmière, habituée des bolides. Elle aurait tout aussi bien pu venir à moto, le cadeau qu’elle s’est offert pour ses 44 ans, sauf qu’en ce mois d’août, il fait trop chaud pour supporter pantalon, blouson et casque de motarde. N’empêche que la climatisation reste éteinte dans son Skoda Yeti. Point trop de confort non plus, car Fabienne sera bientôt aux manettes de son Land Rover Defender de plus de 6 mètres de long, en plein désert marocain, sous des températures torrides, avec pour seuls guides une carte, une boussole à visée et un road-book. Autant se mettre en condition ! Avec sa co-pilote de l’Île-de-Ré, Catherine André, aide-soignante toute fraîche retraitée, elle participe à la 3e édition du Trophée Roses des sables, un raid aventure uniquement ouvert aux femmes. Le coup d’envoi des réjouissances est fixé au 10 octobre : les équipages ont rendez-vous ce jour-là à Ciboure dans les Pyrénées-Atlantiques pour se soumettre aux vérifications techniques et administratives des organisateurs. Puis direction l’Espagne et le Maroc. Le but du jeu : boucler les huit étapes du raid en huit jours, en affichant le moins de kilomètres possible au compteur.

« Pas trop Club Med »

Le Trophée, c’est une première pour Fabienne Ferrari. En revanche, les raids en famille et avec les amis, elle connaît. Des kilomètres de rocailles et de dunes de sables, elle en a avalés : depuis plus de dix ans, elle part en vacances en 4x4 à la découverte de la Tunisie, du Maroc, de l’Espagne, du Portugal… « Nous ne sommes pas trop Club Med », précise la baroudeuse. On s’en doutait un peu ! La vue sur le massif de Belledonne depuis sa petite piscine hors-sol de Saint-Vincent-de-Mercuze, à deux pas du Touvet, a beau vous scotcher sur place, Fabienne s’affaire. Elle empile les casquettes les unes sur les autres : infirmière libérale à mi-temps en association avec deux collègues ; infirmière remplaçante six jours par mois en salle de réveil à la clinique Belledonne à Saint-Martin-d’Hères ; conseillère municipale ; initiateur en escalade ; co-organisatrice avec son mari Laurent – médecin anesthésiste-réanimateur et batteur du groupe Restful – du Metalgresifest, un festival de hard rock et heavy métal qui se déroule depuis trois éditions à Saint-Vincent ; maman de trois enfants de 19, 15 et 13 ans ; jardinière qui cultive son petit potager…

Fin août 2012, de retour d’un raid en Espagne, elle a eu envie de se lancer un défi supplémentaire, histoire de casser un peu plus le train-train quotidien. « Nous ne sommes pas routiniers, confirme Fabienne en rigolant. Même dans le lit, nous n’avons pas de place attitrée ! »

Les préparatifs

Elle a dû retrousser ses manches pour réussir à réunir, avec sa co-pilote Catherine, environ 10 000 euros –  l’inscription à 7 100 euros, la location de la balise embarquée qui permet au PC course de toujours vous localiser, l’assurance rapatriement, etc. –, qui représentent le budget de la course sans location de voiture. Concrètement, Fabienne et Catherine se sont chacune chargées de collecter 5 000 euros. Fabienne a démarché les entreprises locales et les amis chefs d’entreprise. Pas une mince affaire, la recherche des sponsors : « Quinze coups de téléphone sont nécessaires pour avoir deux touches positives. » Elle a quand même réussi à convaincre un marchand de pneus, une entreprise de maçonnerie du Touvet, un vendeur de fenêtres qu’elle connaissait, etc. « J’ai davantage visé les petites et moyennes entreprises », explique Fabienne. Elle a aussi décroché le soutien d’une entreprise qui vend des pièces détachées pour 4x4 près de Biarritz, euro4X4parts.com.

Chaque équipage doit aussi descendre 50 kilos de dons en nature qui seront remis à la population locale : matériel paramédical, produits d’hygiène, jouets, vêtements, livres, fournitures scolaires, lait maternisé… Cette fois, elle a pu compter sur la générosité de son pharmacien qui lui a remis brosses à dents, savon et sérum physiologique. Elle a aussi récupéré des invendus de la bourse de la petite enfance de Saint-Vincent-de-Mercuze et organisé une soirée moules-frites dans la salle des fêtes à côté de chez elle. À l’entrée, les participants déposaient jouets, vêtements, etc.

Après plusieurs mois de préparatifs, Fabienne est aujourd’hui prête à passer derrière le volant de son mastodonte. Elle part avec le numéro d’équipage 190. Le duo qu’elle forme avec Catherine l’aide-soignante a pris le nom de Team Nurse Thunder, TNT en raccourci (comme le montre la photo 1). Vous aurez bien sûr traduit “équipe infirmière tonnerre”. Quant aux initiés, ils auront reconnu le titre légendaire d’ACDC, T.N.T., dans l’album éponyme de 1975.

Le soin, une vocation

D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, Fabienne Ferrari, originaire d’Athis-Mons en région parisienne, a toujours voulu être infirmière : « Ne me demandez pas pourquoi, c’était ancré en moi », devance la soignante. À bien y réfléchir, « cela vient peut-être du fait que, gamine, j’allais souvent traîner mes guêtres chez les médecins et dans les hôpitaux ». En effet, la fillette souffrait de méchantes pneumopathies à répétition. Après avoir exercé à l’hôpital de Sallanches, en Haute-Savoie, pendant quelques années, elle s’est finalement installée en libéral en 2008. « Depuis que mon fils est entré en 6e il y a deux ans, je retourne faire des remplacements à la clinique Belledonne », complète Fabienne, qui ne se lasse pas de son métier et de ses patients : « Le matin, cela ne me pose pas du tout de problème d’aller travailler. »

Périple au Sénégal en 2014

Un voyage chassant l’autre, Fabienne doit à nouveau partir en Afrique en mai 2014, coiffée de sa casquette d’infirmière cette fois. Si le projet porté par une camarade de raid se concrétise, elle accompagnera des personnes souffrant de fibromyalgie au long de marches quotidiennes de 8 à 12 kilomètres. « Le but est de leur prouver que, même s’ils sont fibromyalgiques, ils peuvent faire des choses », s’enthousiasme Fabienne. Ce n’est donc pas encore le printemps prochain que Fabienne va se livrer au farniente au bord de sa piscine. Au fond, elle est portée par une devise simple : “On ne vit qu’une fois”. Alors autant en profiter pour mieux éloigner la mort qui plane toujours au-dessus des soignants. « La mort fait partie de notre boulot, c’est notre quotidien », s’assombrit Fabienne. Un souvenir particulièrement douloureux reste imprimé en elle : « Je me rappelle de cette fille morte du sida toute seule comme un chien quand j’étais au service des maladies infectieuses, à l’hôpital de Sallanches. Elle avait 35 ans. J’ai appelé sa mère, elle m’a dit “ah bon” et elle a raccroché. C’est moi qui l’aie descendue à la morgue. »

Nomade dans l’âme

Pour vivre plusieurs vies en une, Fabienne s’imagine parfois devenir voyagiste avec son mari passionné de mécanique : ils organiseraient des expéditions en 4x4 pour faire découvrir à d’autres ces terres désertiques qui les attirent tant. « C’est magique, le désert, il n’y a jamais le même paysage et la luminosité change d’une heure à l’autre. » Elle aimerait aussi exercer à l’étranger, pourquoi pas au Canada. Fabienne a vraiment la bougeotte. C’est peut-être de famille : son papa a eu une carrière évolutive dans les transports aériens, de mécanicien sur les pistes à superviseur général d’escale à Orly Sud. Elle en a vu défiler des avions dans les cieux ! Dans quelques jours, ce ne seront plus les avions, mais les étoiles qu’elle verra filer au-dessus de sa tête la nuit tombée.

Les Pink Sister’s en lice pour 2014

Une autre Idel se prépare à affronter le désert marocain, mais en 2014. Peggy Fargeot, installée à Saint-Laurent-sur-Manoire (Dordogne), se prépare pour le Trophée Roses des sables avec sa sœur, Émilie Petitprez, assistante sociale en Charente. Une grande première pour ces deux frangines qui voulaient partager une expérience mémorable. Elles se sont inscrites en juin, emballées à l’idée d’allier « aventure sportive, dépassement de soi et action humanitaire ». Le Trophée est associé à Enfants du désert, qui aide à la scolarisation d’enfants marocains et leur fournit jouets, vêtements, chaussures, produits d’hygiène… Peggy, libérale depuis un an après dix ans dans le service diabétologie-endocrinologie de l’hôpital de Périgueux, et Émilie ont du pain sur la planche : rechercher des sponsors, rassembler leurs 50 kilos de dons en nature, participer aux stages de conduite de 4x4, etc. Elles démarchent tous azimuts pour collecter des fonds : entreprises locales, laboratoires, etc. Elles ont aussi ouvert un compte sur lepotcommun.fr, où chacun peut remplir leur tirelire en cliquant sur l’onglet “Pots publics” et en recherchant le Trophée Roses des sables.

Visitez aussi la page Facebook des Pink Sister’s et le site du Trophée www.trophee-roses-des-sables.net.