La bientraitance se tourne vers le domicile - L'Infirmière Libérale Magazine n° 296 du 01/10/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 296 du 01/10/2013

 

SANTÉ PUBLIQUE

Actualité

RÉFLEXION → Les mesures déployées depuis 2007 pour promouvoir la bientraitance ont surtout concerné les maisons de retraite et les hôpitaux. Aujourd’hui, les regards se portent sur le domicile. Comment identifier et éviter la maltraitance, et promouvoir la bientraitance ?

« Il est important de mieux repérer la maltraitance au domicile », insiste Dominique Terrasson, chef de projet “maltraitance” au ministère de la Santé, en préambule du colloque qui s’est tenu à Évry le 17 septembre(1). La maltraitance peut être insidieuse et apparaître en l’absence de toute intention malveillante. Ainsi, une rupture dans la chaîne de soins déclenche-t-elle parfois un déséquilibre chez le patient, déséquilibre qui tourne à la maltraitance. « Il faut clarifier la position de l’Hospitalisation à domicile (HAD) et des infirmières libérales, savoir à quel moment l’Idel passe la main à l’HAD parce qu’elle n’y arrive plus, et dans quelles conditions ce transfert s’opère », selon Marie-Dominique Lussier, chargée du médico-social à l’Anap(2).

« Les infirmières libérales ne doivent surtout pas être chassées par une nouvelle structure comme l’HAD, estime pour sa part le Dr Marie-France Maugourd, gériatre au sein du Pasi (Pôle autonomie santé et information), un groupement de coopération médico-social en Essonne. Au Pasi, lorsqu’une HAD doit être mise en place pour un patient, l’Idel qui le suit est toujours intégrée à la prise en charge. »

Signaler les cas de maltraitance

Que faire face à un acte de maltraitance ? Destiné aux personnes handicapées et/ou âgées, le numéro national d’écoute maltraitance, 3977, est une réponse possible. Les victimes, mais aussi les témoins, y compris professionnels, peuvent appeler. Reste que ce type de signalement est difficile, pour les proches, et encore plus pour les professionnels : peur de jouer les délateurs, de subir des représailles… « Un professionnel hésite à témoigner contre d’autres professionnels, ou contre une famille qui l’emploie… », admet Robert Moulias, président d’Alma France, qui co-gère le 3977. La plupart des appels reçus par le 3977 concernent des cas de maltraitance vécus au domicile (lire ci-dessous). Des chiffres qui restent à pondérer du fait que la grande majorité (90 %) des personnes âgées vivent chez elles…

Le nerf de la guerre

Qu’en est-il de la promotion de la bientraitance ? Pour Pascal Champvert, président de l’AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées), le nerf de la guerre reste le manque de moyens. Et ce, en établissement comme à domicile. Un avis que ne partage pas Jérôme Pellissier, écrivain et chercheur en gérontologie : « Ce n’est pas qu’une question de moyens ; la culture du “prendre soin” reste importante. » Pour Geneviève Ruault, déléguée générale à la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG), « tous les acteurs du domicile devraient être formés au repérage des facteurs de fragilité tels que la dénutrition ». En juillet dernier, la SFGG a présenté un dispositif de sensibilisation à la dépression et au suicide – lequel concerne un quart des personnes âgées. Les Idels peuvent se procurer ces outils sur le site www.mobiqual.fr.

(1) Colloque “Bientraitance : de la réflexion à l’action”, organisé par le conseil général de l’Essonne.

(2) Anap : Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux.

3 questions à

Bernard Duportet, président d’Habeo, co-opérateur du 3977

Avez-vous des données sur la maltraitance au domicile ?

Près de 80 % des appels passés au 3 977 évoquent des suspicions de maltraitance au domicile sur des personnes âgées ou handicapées ; 60 % de ces appels proviennent de professionnels. À domicile, les maltraitances sont le plus souvent psychologiques, financières et physiques.

Quelle suite est donnée aux appels ?

Si l’appelant est d’accord, un dossier est ouvert par notre correspondant départemental, qui va contacter les autorités compétentes. Mais certaines institutions tardent à nous répondre… Nous souhaitons créer des cellules d’écoute départementales, avec le Parquet, le conseil général et les associations, afin d’accélérer le traitement des dossiers.