Les malades en ALD passent à la caisse - L'Infirmière Libérale Magazine n° 293 du 01/06/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 293 du 01/06/2013

 

SANTÉ PUBLIQUE

Actualité

DISPOSITIF → Avec le système “tiers payant contre génériques”, l’Assurance maladie récupère les franchises médicales impayées des patients qui bénéficiaient auparavant d’une exonération d’avance de frais. De quoi relancer la polémique sur l’abandon progressif des princeps.

Un euro, plus cinquante centimes, multipliés par 100, 200 ou 300 : la facture peut vite être salée. Surtout si ces franchises médicales s’accumulent depuis des années et sont soudain réclamées par l’Assurance maladie.

En témoigne Andrée Rekah, dont le fils souffre d’une maladie orpheline, la sclérose tubéreuse de Bourneville, qui impose des soins à domicile quotidiens et un traitement relativement onéreux. Des coûts qui, jusqu’alors, étaient entièrement pris en charge par la Sécurité sociale dans le cadre de l’affection longue durée (ALD). « Malheureusement, je ne prends que le médicament recommandé par mon docteur, vu que mon fils ne tolère pas le générique, explique cette mère de famille. Cela me coûte 200 euros par mois. La pharmacienne m’avait dit que ce serait remboursé » Mauvaise surprise : la caisse d’Assurance maladie n’a pas fait le même calcul. « Ils me réclament des retards de franchises. Ils sont remontés sur des années. Et cela concerne les passages du médecin, des infirmiers, etc », soupire Andrée Rekah. La note s’avère si lourde que cette dernière a choisi de réduire le nombre de visites du médecin « pour ne l’appeler qu’en cas d’urgence ».

Télescopage

La faute à qui ? À un télescopage entre deux dispositifs de l’Assurance maladie, en l’occurrence les franchises médicales (mises en place en 2008) et le système de tiers payant contre génériques. Tous les patients bénéficiant d’une exonération d’avance de frais peuvent un jour en subir les effets secondaires… D’autant que la franchise médicale s’applique quasiment à tous les assurés sociaux majeurs. Seules exceptions : les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et de l’Aide médicale de l’État, les femmes enceintes durant la période où elles sont couvertes par l’assurance maternité, ainsi que les titulaires d’une pension militaire d’invalidité pour les soins délivrés gratuitement par l’État et nécessités par les infirmités donnant lieu à pension. « En cas de tiers payant, le professionnel de santé ne prélève pas la franchise. Son montant sera perçu à l’occasion d’un prochain remboursement, lors d’une consultation par exemple », explique l’Assurance maladie. Ainsi, tant que le patient ne règle pas directement ses frais, l’échéance est repoussée. « Le délai de prescription de l’action en recouvrement par la caisse de la franchise médicale est de cinq ans », prévient toutefois l’Assurance maladie.

Débat sur les génériques

Dès lors que le patient refuse le générique, à moins que sa pathologie ne fasse partie des exceptions admises par la Cnam, il s’expose à cet éventuel recouvrement. Les différends entre assurés sociaux et leur caisse maladie risquent donc de se multiplier. A fortiori autour de la question des génériques qui, en février dernier, avait suscité un article dans Le Quotidien du Médecin. L’association France Lupus dénonçait alors un abus lié au dispositif tiers payant contre générique (lire également ci-contre). « Depuis cette période, nous n’avons pas reçu de nouvelle plainte, commente la présidente de l’association Marianne Rivière. Mais nous restons vigilants, car le traitement coûte 420 euros par mois ! »

Pour sa part, Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats des pharmaciens d’officines (Uspo), tente de relativiser, rappelant l’accord de mai 2012 sur la délivrance de génériques : « L’objectif est de délivrer 85 % de génériques. Les pharmaciens ont donc une marge de manœuvre », insiste-t-il, avant d’évoquer les économies engendrées par cette mesure pour la Sécurité sociale. « Cela représente huit cents millions d’économies supplémentaires qui ont permis de respecter l’Ondam (Objectif national des dépenses d’assurance maladie), assure-t-il. Ce qui a permis de soutenir l’augmentation des infirmières, des transports sanitaires ou encore des kinés. Donc soyons attentifs » Quant à s’interroger sur l’efficacité des génériques*, le président de l’Uspo se montre intangible. Selon ses souvenirs, « l’hôpital en utilisait déjà. Il n’y a que lorsque c’est devenu substituable en ville que le laboratoire concerné est monté au créneau pour expliquer à tout le monde que ce n’était pas la même chose. Cela fait partie du lobbying des laboratoires qui va jusqu’à faire croire aux malades et aux médecins que les médicaments ne sont pas de même qualité ».

Enquête sur les génériques

Quelles que soient les démarches offensives des laboratoires, les infirmières libérales doivent composer avec leurs patients. Quitte à se livrer à de véritables investigations, comme David Guillon, infirmier libéral à Nice (06). « Nous menons une enquête avec la CPAM des Alpes-Maritimes sur les génériques, confie ce dernier. Nous faisons donc remonter des infos de terrain pour vérifier les effets des médicaments utilisés par nos patients » À voir comment finira ce match entre génériques et princeps…

* Lire aussi notre Débat p.20.

3 questions à

Marianne Rivière, présidente de France Lupus

Que reprochez-vous au dispositif “tiers payant contre générique” ?

Pour le CellCept (immunosuppresseur) que nous connaissons actuellement, il existe une douzaine de génériques !

Qu’en pensent les tutelles ?

Le président de la Caisse nationale d’Assurance maladie a lui-même reconnu que, pour les patients transplantés ou atteints de lupus rénaux, les marges thérapeutiques étaient extrêmement étroites.

D’où l’exception admise par l’Assurance maladie…

À partir du moment où le médecin écrit de sa main la mention « non substituable » à côté du nom du médicament concerné, le pharmacien est tenu de délivrer le princeps.

EN SAVOIR

→ Le dispositif “tiers payant contre génériques” prévoit des exceptions, à savoir les molécules pour lesquelles l’Agence nationale de sécurité du médicament a émis une recommandation ou une mise en garde. Cela concerne la L-thyroxine, les médicaments anti-épileptiques et le mycophénolate mofétil (pour la prévention des rejets aigus d’organe chez les patients ayant bénéficié d’une allogreffe rénale, cardiaque ou hépatique).