Des verbalisations désobligeantes - L'Infirmière Libérale Magazine n° 293 du 01/06/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 293 du 01/06/2013

 

STATIONNEMENT

Votre cabinet

Pour nombre de libérales, stationner en ville reste un défi quotidien. De guerre lasse, c’est souvent la débrouille qui prévaut. La bienveillance que doivent les services de police et de gendarmerie aux professionnels de santé n’est malheureusement pas toujours de mise. Petit rappel à l’usage des conductrices…

Amende, contravention, contredanse, papillon, prune, PV… Quel que soit le non qu’on lui donne, le petit papier blanc pincé sous l’essuie-glace ne fait jamais la joie des automobilistes. En agglomération, rares sont les libérales qui, au sortir d’une visite à domicile, n’ont jamais eu la mauvaise surprise de découvrir plaqués sur leur pare-brise les deux feuillets pour stationnement gênant ou non-paiement du stationnement ou dépassement. Et, parfois, la grogne peut se manifester plusieurs fois au cours d’une même journée.

Malgré la circulaire Joxe de 1986 qui fait appel à la mansuétude de la maréchaussée à l’égard des professionnels de santé, et des dispositifs préférentiels mis en place dans plusieurs grandes villes, les amendes continuent de fleurir. Et peu importe la saison… En 2011, selon les chiffres publiés par le ministère de l’Intérieur, plus de 7 300 000 PV pour non-respect des règles de stationnement ont été dressés*.

Circulaires, y’a rien à voir…

Que dit la circulaire n° 86-122 du 17 mars 1986, publiée par le ministre de l’Intérieur, à l’époque Pierre Joxe, et adressée aux préfets de police ? En zone urbaine, elle appelle l’attention « des services de police et de gendarmerie sur certaines tolérances de stationnement à l’égard des auxiliaires médicaux, dès lors que l’infraction éventuellement commise n’est pas de nature à gêner exagérément la circulation publique, ni, a fortiori, à porter atteinte à la sécurité des autres usagers ».

Ce texte fait d’ailleurs suite à une précédente circulaire n° 69-140 datée, elle, du 27 mars 1969, et qui, prenant en compte le développement des soins à domicile, recommandait déjà la bienveillance à l’endroit des soignants libéraux. La circulaire Joxe précise néanmoins que « le bénéfice doit être compatible avec les circonstances de lieu et de temps, lorsque les infirmiers et infirmières appelés à donner des soins à domicile utilisent leur véhicule dans le cadre de leur exercice professionnel. […] Il importe que les intéressés, qu’ils interviennent à titre libéral ou en qualité de centre de soins à domicile, ne soient pas dissuadés d’utiliser leur véhicule par une stricte application des dispositions du Code de la route ou des règlements de police locaux en matière de stationnement. En effet, la mise en œuvre de l’hospitalisation à domicile, comme la pratique des soins à domicile dispensés à titre libéral, représente pour la collectivité une économie extrêmement sensible au regard du prix de journée en unité hospitalière ou des frais de transport du patient en ambulance ». Cependant, force est de constater que cette circulaire est quasi inconnue ou a été oubliée et qu’une piqûre de rappel aux agents verbalisateurs ne serait sans doute pas inutile…

Livraison, c’est non !

S’agissant des aires de livraison aucune indulgence n’est en revanche accordée aux infirmières qui se déplacent à domicile, et ce, malgré de multiples demandes de la part de syndicats infirmiers libéraux. Et bien que les politiques s’en mêlent également, rien n’y fait. Interrogé sur ce point il y a trois ans par un député, le gouvernement, via le Journal officiel du 15 juin 2010, avait d’ailleurs répondu qu’il « n’est pas envisagé actuellement de permettre l’utilisation des aires de livraison aux auxiliaires médicaux, au risque de désorganiser une gestion du stationnement déjà délicate dans certaines agglomérations ».

En mars dernier, un autre député est revenu à la charge avec la même question, arguant, en résumé, que le rôle social des médecins et des infirmiers est au moins aussi important que celui des livreurs et des déménageurs… Mais, pour l’heure, aucune réponse n’a été apportée à sa demande.

Comment contester un PV ?

Vous pouvez contester une contravention pour stationnement gênant, non paiement ou dépassement d’horaire dressée dans le cadre de votre exercice professionnel. Pour cela, il faut respecter quelques règles.

→ Adressez un courrier en lettre recommandée avec accusé de réception à l’attention de l’Officier du ministère public (OMP), à l’adresse mentionnée sur le PV, auquel vous joindrez l’original de l’avis de contravention. N’oubliez pas de remplir le verso de la carte de paiement. Idem, pour les PV électroniques, mais, dans ce cas, il faut attendre le “courrier-amende” de la Préfecture.

→ Dans votre courrier d’accompagnement, vous devez clairement faire référence à la circulaire Joxe et donner à l’OMP les renseignements précis sur les conditions de la verbalisation : heure d’arrivée et de départ, motif de votre arrêt… Si cela est possible, joignez une photo pour montrer votre bonne foi et attester que votre stationnement était conforme à l’esprit de la circulaire : en clair, qu’il n’était pas réglementaire mais ne gênait pas la circulation des autres véhicules et les piétons.

Ensuite, attendez… Si vous n’avez pas de réponse, c’est que vous avez été entendu. Qui ne dit mot consent !

Attention, vous avez 45 ? jours à la date de l’infraction ou de la réception du courrier-amende pour contester le papillon. Au-delà, vous n’aurez plus aucun recours.

Les villes s’adaptent

Toulouse, Avignon, Marseille, Montpellier, Tours… Conscientes des difficultés, de plus en plus de villes proposent des dispositifs gratuits ou à prix modérés pour aider les professionnels de santé à stationner. À Montpellier, les infirmières peuvent se procurer un horodateur embarqué qui offre 45 minutes de stationnement gratuit à chaque fois qu’il est remis à zéro. Le boîtier coûte 25 euros et l’abonnement annuel 25 euros également. La première fois, il doit être rechargé avec 15 euros. « Bien géré, précise le gestionnaire, ce dispositif permet de ne pas débourser un centime d’euro. » À Avignon, la municipalité a opté depuis décembre dernier pour le “disque santé”. Intra-muros, le stationnement sur les zones matérialisées ou non est gratuit pendant 1 heure. À Tours, la ville a mis en place un tarif préférentiel, 20 centimes d’euro pour une heure de stationnement, grâce à une carte magnétique de 20 euros. Au-delà, il en coûte 70 cents les 30 minutes mais le ticket reste valable pour une autre rue. À Toulouse, dispositif quasi identique, sauf que les premières 30 minutes sont gratuites. Tous ces frais sont déductibles des charges professionnelles, ce qui n’est pas le cas des PV…

Malgré ces avancées, il n’en demeure par moins qu’un dispositif national serait sans doute plus efficace. Pourquoi ne pas imaginer, par exemple, suggère une infirmière de Marseille, « que, sur présentation du caducée et de justificatifs professionnels, les préfectures puissent délivrer une vignette de gratuité ? » Pourquoi pas, en effet !

* Hors police municipale et tout public confondu.

TÉMOIGNAGES Le vélo et la moto

« Cela fait douze ans que j’ai abandonné la voiture et opté pour le vélo électrique. Les arrondissements du centre de la capitale sont les pires. Désormais, il est quasiment impossible d’y stationner. La seule tolérance accordée est de pouvoir se garer sur les places de livraison à ligne discontinue, mais elles sont peu nombreuses et jamais libres », explique Isabelle Beraud-Chaulet, Idel dans le IXe à Paris.

À Amiens, après s’être battu comme un chiffonnier jusque devant le tribunal (lire L’ILM n° 243, décembre 2008) et réglé près de 1 000 euros d’amendes collectionnées en trois mois (PV + majoration), Wilfrid Cratère a baissé les bras. Depuis deux ans, c’est à moto qu’il travaille. Un choix qu’il ne regrette pas. « J’ai gagné en moyenne 1h30 par jour sur ma tournée. Le plus hallucinant est qu’avant j’avais un PV pour le moindre stationnement considéré comme gênant et, aujourd’hui, j’arpente à moto les zones piétonnes sans aucun souci ! » Cherchez l’erreur…