La nutrition entérale par gastrostomie - L'Infirmière Libérale Magazine n° 292 du 01/05/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 292 du 01/05/2013

 

Cahier de formation

Savoir faire

Monsieur J. souffre de SLA. Au cours de vos visites, vous le pesez et constatez qu’il perd du poids. Il vous avoue qu’il mange de moins en moins. Il a entendu parler d’une méthode pour s’alimenter directement par l’estomac, mais cela l’inquiète.

Vous lui expliquez que la gastrostomie, qui ne relève en général pas de la chirurgie, permet en quelques minutes de placer une sonde dans l’estomac à travers la paroi abdominale, et que vous l’accompagnerez à domicile pour les soins associés et l’administration des poches de nutrition. Vous l’encouragez à signaler rapidement sa perte de poids au médecin.

LA GASTROSTOMIE

La gastrostomie consiste en la mise en place d’une sonde d’alimentation directement à travers la peau et la paroi de l’estomac afin de permettre au patient qui ne peut s’alimenter normalement, de recevoir l’apport énergétique nécessaire (voir le schéma p. 37). Elle est indiquée pour une nutrition entérale de plus de 4 semaines en cas de troubles de la déglutition, pneumopathies d’inhalation, dysphagies, dénutritions par carence d’apport ou hypercatabolisme. La gastrostomie permet d’éviter l’inconfort de la sonde nasogastrique au long cours. Elle est contre-indiquée en cas de troubles sévères de l’hémostase (taux de prothrombine [TP] < 60 %, plaquettes < 80 000/mm3), de pronostic vital inférieur à un mois ou de démence évoluée.

L’APPAREILLAGE

Une pompe électrique permet de délivrer le contenu des poches d’alimentation et d’hydratation par le biais de la sonde de gastrostomie. La tubulure raccordée à la poche de nutrition passe par la pompe. Elle est reliée à la sonde de gastrostomie du patient lors des séances de nutrition.

LE BOUTON DE GASTROSTOMIE

Lorsque l’orifice de gastrostomie a cicatrisé et dans le cas d’une gastrostomie au long court, la sonde de gastrostomie peut être remplacée par un bouton de gastrostomie à ballonnet plus discret (il n’y a plus de sonde à cacher sous les vêtements) et plus adapté à une vie active (voir le schéma p. 37).

Pour les séances de nutrition, il faut ouvrir le bouton de gastrostomie et y raccorder un prolongateur relié la tubulure allant jusqu’à la poche de nutrition. Le bouton de gastrostomie peut être changé systématiquement tous les 6 mois. Par mesure d’hygiène, les prolongateurs du bouton sont en revanche changés toutes les semaines.

LA NUTRITION ENTÉRALE

Principe

La gastrostomie permet au patient de recevoir l’eau et tous les nutriments nécessaires à son alimentation et à son hydratation directement dans l’estomac, sans solliciter la voie orale, au cours d’une ou plusieurs séances de nutrition quotidienne.

Les poches de nutrition

Il existe des poches normocaloriques, hypercaloriques, avec ou sans fibres, normoprotéinées ou hyperprotéinées. Certains patients conservent une alimentation per os, la nutrition entérale vient alors en complément. Le médecin et la diététicienne évaluent les poches de nutrition les plus adaptées.

DIFFICULTÉS POUR LES PATIENTS

Adapter à la vie quotidienne

La nutrition entérale représente un soulagement immédiat quand les repas sont devenus trop fatigants et qu’une alimentation insuffisante affaiblit les patients. C’est également une contrainte très difficile à vivre, surtout lors de sa mise en place. Le soignant doit aider le patient à exprimer ce qu’il ressent face à la perturbation de son image corporelle. Les séances de nutrition sont le plus possible adaptées à la vie quotidienne du patient. Elles sont uniquement nocturnes, diurnes ou les deux.

Mise en route

Des problèmes de tolérance peuvent survenir sous forme de reflux, nausées ou diarrhées. Nausées ou vomissements peuvent être liés à un débit trop important. Si la nutrition entérale est bien supportée avec une vitesse lente, celle-ci peut être augmentée afin de réduire la durée des séances. Le reflux gastro-œsophagien est évité par une position demi-assise pendant l’alimentation et 2 heures après.

SOINS INFIRMIERS

Soins quotidiens

→ Lavage quotidien à l’eau tiède et au savon doux, rinçage et séchage délicat. La douche est autorisée et conseillée dès que possible en protégeant le site d’insertion de la sonde par un film transparent.

→ Effectuer une rotation de la sonde lors de son nettoyage quotidien pour favoriser son libre mouvement. La sonde doit pouvoir être bougée librement dans la stomie.

→ Examiner la stomie après chaque alimentation : la peau doit être propre, sèche et sans suintement.

→ Vérifier que la stomie ne présente pas de rougeur, de douleur, d’irritation, de gonflement ou d’écoulement inhabituel.

→ Laisser la stomie à l’air tant qu’elle présente un état sain.

En présence d’un bourgeon charnu

Les soins de cicatrisation sont effectués selon le protocole de l’équipe médicale. Une hypergranulation (bourgeon charnu) peut apparaître au niveau de la stomie sous forme d’une prolifération de tissu conjonctif se traduisant par une excroissance de chair.

Un traitement au nitrate d’argent en crayon tous les 3 jours permet de le faire régresser. Après avoir procédé au soin de propreté de la stomie, l’infirmière veille à protéger la peau saine avec une pommade, type Aloplastyne, puis applique le crayon de nitrate d’argent sur le bourgeon charnu. Et ce, jusqu’à disparition complète. À la place du crayon de nitrate d’argent, il peut être utilisé un pansement coloplast Biatain non adhésif ou un équivalent.

Vérification du ballonnet

En exerçant une légère traction sur la sonde, si un déplacement exagéré est constaté, il convient de vider le ballonnet avec une seringue à extrémité Luer connectée à la valve de gonflage du ballonnet. Si le volume recueilli est inférieur au volume préconisé par la notice, regonfler le ballonnet avec un volume d’eau du robinet correct. Attendre 10 à 20 minutes et refaire la vérification. Si le volume a de nouveau diminué, le ballonnet est probablement endommagé et la sonde doit être changée.

Gonfler et dégonfler trop souvent le ballonnet peut entraîner une fragilisation de la paroi et la rupture du ballonnet. Contrôler une fois par mois et ne jamais gonfler le ballonnet avec de l’air.

Éducation thérapeutique

Pour davantage d’autonomie, les patients et/ou leurs proches peuvent être formés à l’utilisation de la pompe de nutrition entérale par l’infirmière ou le prestataire de santé à domicile. Ils seront alors capables de brancher et débrancher les poches d’alimentation et d’hydratation en son absence.

ADMINISTRATION DES MÉDICAMENTS

Choix de la forme galénique

Il est indispensable de rechercher avec le médecin et le pharmacien les formes galéniques les plus appropriées au site d’instillation de la nutrition et au site d’absorption du médicament. Les sirops, les gouttes, les comprimés effervescents et la forme injectable de certains médicaments pourront être utilisés en première intention.

Le broyage des comprimés

Avant l’administration, il convient de vérifier si les comprimés peuvent être broyés*. Dans le cas contraire, la forme galénique devra être, si possible, modifiée. La prescription médicale devrait préciser les modalités de préparation des médicaments (écrasement ou non, mise en solution dans de l’eau ou dans un autre solvant approprié). L’administration per os doit être préférée autant que possible. Le broyage des médicaments, s’il est possible, doit être réalisé juste avant l’administration. Le broyage de certains médicaments (anticancéreux, certains antibiotiques et antiviraux) peut comporter des risques et nécessite des précautions particulières pour les infirmières (port de masque, de gants, voire de lunettes).

Le broyage de certaines formes galéniques (forme dispersible ou à libération prolongée) peut modifier l’action du médicament, il faut se renseigner au cas par cas, auprès du pharmacien.

Rinçage de la sonde

Les médicaments broyés sont dilués et administrés séparément pour éviter des interactions médicamenteuses susceptibles de modifier l’action des médicaments et d’obstruer la sonde de nutrition. La sonde devra être rincée avec une quantité comprise entre 5 et 10 ml en tenant compte de la charrière et de la longueur de la sonde :

→ avant l’administration des médicaments (surtout si l’alimentation est interrompue pour cet acte) afin d’éviter l’interaction médicaments-nutrition susceptible de modifier l’action du médicament et/ou l’obstruction de la sonde ;

→ entre chaque médicament ;

→ après administration des médicaments.

* En 1996, la pharmacie du CHU de Nîmes a listé des formes solides orales disponibles et leurs possibilités d’administration dans les sondes. La liste date, mais s’avère pratique pour les médicaments encore sur le marché. En annexe de “Soins et surveillance des abords digestifs pour l’alimentation entérale chez l’adulte en hospitalisation et à domicile”, Anaes, avril 2000, à consulter sur www.has-sante.fr.

Quelle technique pour quel patient ?

Trois techniques de pose sont possibles pour la gastrostomie : la voie endoscopique sous anesthésie générale ou sous sédation (contre-indiquée en cas d’insuffisance respiratoire sévère), la voie radiologique (sous contrôle fluoroscopique et anesthésie locale) et la voie chirurgicale.

Les voies endoscopique et radiologique sont privilégiées. En cas de contre-indication anesthésique (patient avec SLA, insuffisance respiratoire…), la voie radiologique est préférée. Lorsqu’une gastroscopie est nécessaire, la technique endoscopique permet de poser le diagnostic, traiter éventuellement la dysphagie et mettre en place la gastrostomie durant le même geste.

D’après, “La gastrostomie : quelle technique pour quel patient”, N. Flori, V. Gilles, C. Bouteloup, P. Senesse, sur www.sfnep.org.

Question de patient

Est-ce que la nutrition entérale est remboursée ?

La nutrition entérale est un dispositif entièrement pris en charge par l’Assurance maladie, qu’il s’agisse de la pose de gastrostomie, de la location de l’appareillage, des achats des poches d’alimentation et d’hydratation, et du suivi par des professionnels de santé (infirmières, prestataires de santé).

Point de vue…

« Remplacer rapidement une sonde de gastrostomie qui tombe »

Agnès Gonzalez, Didier Accariès, infirmiers à la clinique du motoneurone, CHRU de Montpellier (34)

« Le décret professionnel de 2004 autorise les infirmières à procéder au changement d’une sonde de gastrostomie à ballonnet. Il est capital de remplacer au plus vite une sonde qui est tombée car la stomie se referme en 4 à 6 heures. Le patient risque alors de devoir subir une nouvelle intervention. Si l’infirmière le souhaite, elle peut diriger le patient aux urgences pour vérification du bon placement de la sonde. La sonde risque de tomber quand le ballonnet est dégonflé, d’où la nécessité de le vérifier régulièrement. »