Pour une enfance pleine d’espérance - L'Infirmière Libérale Magazine n° 291 du 01/04/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 291 du 01/04/2013

 

MAINE-ET-LOIRE (49)

Initiatives

Un jour, Hélène Durand, infirmière libérale en campagne angevine, a posé les pieds en Afrique. Au Togo plus précisément. Et depuis près de trois décennies, elle apporte une aide précieuse aux habitants, notamment aux enfants d’une région éloignée de tout.

Feneu, petit village situé à dix kilomètres d’Angers, est encore endormi. Il y a bien la boulangerie qui a ouvert ses portes. Et une superette. À deux pas de là, un autre bâtiment vient également de s’éclairer : la maison médicale. Il est 7 heures quand Hélène Durand, infirmière libérale, y pénètre. Elle y exerce depuis huit ans. Avant de commencer les visites, elle reçoit quelques patients puis part pour la campagne angevine et une tournée dans quatre villages des environs.

Le travail en équipe

Avant de s’installer à Feneu, Hélène a d’abord exercé en tant qu’aide-soignante pendant deux ans, puis elle a passé le concours d’entrée à l’école d’infirmière avec un contrat professionnel de l’hôpital. Elle passera 25 ans au CHU d’Angers. Dont quinze en service de nuit, en médecine et principalement en cancérologie. « Avant de quitter l’établissement, j’ai obtenu un diplôme universitaire en soins palliatifs. Un projet plutôt personnel que professionnel, reconnaît l’infirmière, les objectifs de la formation ne correspondaient plus à ce que je vivais dans mon service. » Et elle avait surtout du mal à supporter la séparation entre le travail de nuit et celui de l’équipe de jour. L’esprit d’équipe lui faisait cruellement défaut. Elle a donc décidé de se lancer dans l’aventure libérale : « Et cela, au sein de cette équipe pluridisciplinaire, tout en travaillant seule ! Ici, nous avons un médecin, un dentiste, un kiné. Une autre infirmière exerce aussi ici, mais nous ne travaillons jamais ensemble. Une secrétaire est chargée d’organiser les rendez-vous pour chacun d’entre nous. » Sans compter le pharmacien et le laboratoire d’analyses médicales installés dans le village. Sur les routes d’Anjou, Hélène se rend de foyer en foyer, s’occupant d’une population rurale, vieillissante. « Le travail a changé depuis mon installation. Les personnes âgées restent plus longtemps chez elles. Je m’occupe de la gestion et la préparation des médicaments. Et les patients atteints de cancer ne séjournent plus autant à l’hôpital. Tout est en ambulatoire et les chimios se font aussi à domicile. Mon DU en soins palliatifs m’aide vraiment dans la prise en charge de la douleur. »

Un sens à sa vie

Pendant ses études d’infirmière, Hélène a découvert l’Afrique pour la première fois. « Nous devions, en troisième année, faire un stage optionnel, se rappelle-t-elle. Une co-étudiante, devenue mon amie depuis, voulait partir au Togo dans un hôpital créé par les Augustines hospitalières, une congrégation de Saint-Amand-les-Eaux. Mais elle ne se sentait pas d’y aller seule ! » Pendant cinq semaines, les deux stagiaires s’investiront dans leur mission au sein de l’hôpital pour enfants de Dapaong, au nord du Togo. « Je me suis sentie dans mon élément dès que j’ai posé le pied sur le sol africain », avoue Hélène. Au retour de cette expérience, celle qui rêvait de travailler dans l’humanitaire entre dans la vie professionnelle, se marie et fonde une famille.

Les ravages du sida

Néanmoins, le lien avec l’Afrique résiste. Elle garde le contact avec l’hôpital togolais et envoie régulièrement des dons. Il lui faudra patienter une quinzaine d’années avant de retrouver les savanes togolaises : « Mes amies voulaient organiser une fête pour mes 40 ans. Mais je n’avais pas la tête à cela, encore sous le coup de la perte d’un proche. Je leur ai proposé de faire plutôt quelque chose pour les enfants de l’hôpital de Dapaong. » Et, en guise de cadeau, Hélène reçoit une coquette somme de la part de ses amis. Elle contacte alors la directrice de l’établissement togolais pour savoir ce dont ils ont besoin. « Il se trouve qu’il leur fallait des poches de transfert de sang, précise-t-elle. J’ai trouvé les fournitures. » Son mari lui suggère alors de les emmener elle-même sur place, et Hélène retrouve le Togo et l’hôpital où elle avait été stagiaire. Mais découvre aussi les ravages provoqués par le sida. Elle rencontre une religieuse infirmière, Sœur Marie-Stella, qui avait étudié en Belgique et écrit un mémoire sur les soins palliatifs : la religieuse s’est s’engagée dans l’accompagnement des personnes en fin de vie et a créé, en marge de l’hôpital pédiatrique, l’association “Vivre dans l’espérance”. « Il y avait un aussi un grand nombre d’orphelins. Et d’enfants abandonnés. On m’a présenté une petite fille, Anne-Marie, elle-même malade du sida. Je l’ai parrainée et j’ai décidé d’en parler autour de moi à mon retour, poussée en cela par ce que je voyais, mais aussi parce que la Sœur m’avait convaincu que les parrainages étaient indispensables si ont voulait aider ces enfants. » Hélène a su faire passer le message à son retour : une vingtaine d’enfants ont trouvé des parrains dans son entourage, ses amis. Grâce à des petites actions ponctuelles, et seule, elle récolte également un peu d’argent pour envoyer sur place. Puis, en 2008, « ma sœur, ma fille de 15 ans, ma belle-sœur et moi sommes reparties au Togo. Nous avons rencontré l’institutrice de l’école du village de Bagogou. Et un jumelage a été créé avec une école angevine où ma sœur enseigne. Une correspondance s’est nouée entre les élèves des deux classes ». C’est aussi au cours de ce séjour que la décision de créer une association se concrétise : elle s’appellera Yendouboame, du nom d’un petit garçon aveugle rencontré dans le service PMI de l’hôpital. « Ma belle-sœur a pris en charge les soins du petit gamin et, aujourd’hui, il poursuit un apprentissage du braille dans une école spécialisée. »

Diverses actions pour Yendouboame

L’association angevine tente de mener des actions sous diverses formes. Pour l’hôpital, il s’agit toujours de trouver des fournisseurs ou de récupérer du matériel. « Nous envoyons aussi du lait maternisé offerts par des pharmacies. Quant à notre aide apportée à “Vivre dans l’espérance”, elle est destinée aux enfants orphelins ou malades et rejetés par leurs familles. Il y a deux orphelinats à faire fonctionner et de nombreuses familles d’accueil à soutenir. » Et Yendouboame s’occupe aussi d’un autre projet : le fonctionnement d’une école de brousse. L’association, modeste, est plutôt familiale et amicale. « Un petit réseau qui nous soutient, exclusivement local. Nous organisons quelques manifestations pour vendre de l’artisanat acheté au Togo » et réalisé au sein de “Vivre dans l’espérance”.

En 2012, elle est retournée au Togo avec sept infirmières de sa promotion, celle de 1984 : « Je sais que, sur place, le personnel a besoin de formation. » Elles en donc ont profité pour partager leurs connaissances sur les soins palliatifs et sur la mort.

Hélène pense souvent à sa filleule, Anne-Marie, qui a aujourd’hui 16 ans. « Elle vit des périodes difficiles en ce moment. Elle a des envies de suicide car elle trouve qu’il est trop difficile de mener une vie d’adulte en ayant le sida. »

Par principe, Hélène ne mélange jamais son travail d’infirmière et ses actions “africaines”. « Je ne souhaite pas forcément qu’il y ait un lien, avoue-t-elle. Quand je suis avec les patients, c’est leur histoire qui m’intéresse, ce n’est pas moi qui doit intéresser les patients. »

Pour Hélène et la centaine d’adhérents de l’association Yendouboame, cet engagement permet de donner un sens à leur vie. Des petits gestes, une action pleine de générosité qu’il faut pérenniser et faire vivre. Les projets ne manquent pas : sont ainsi prévus pour 2013 le lancement d’une cantine pour les enfants qui ne mangent pas avant de venir à l’école et des pupitres pour deux nouvelles classes. « Nous avons aussi envoyé 500 kilos de livres, scolaires, enfants, BD, romans… » Sans oublier un projet d’énergie et de fours solaires pour soulager les comptes de l’école. Et le financement de 25 kilos de poudre d’œufs destinée à enrichir les repas des enfants malades du sida. « Dans le fond, si je fais cela, c’est par souci de justice, pour offrir des chances de vie meilleure à quelques enfants. Et dans ma vie de tous les jours, c’est un équilibre : j’ai besoin de travail pour aider ailleurs. Et le fait d’aider ailleurs m’aide dans mon travail quotidien. »