La prévention, avant tout - L'Infirmière Libérale Magazine n° 291 du 01/04/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 291 du 01/04/2013

 

Édith Chapitreau, infirmière de santé publique, présidente de l’Association française des ISP

La vie des autres

La santé publique est un domaine qui attire de plus en plus les infirmières préoccupées par la prévention. Cependant, il n’existe pas de formation spécifique. Un enjeu que défend l’Afisp.

« Les infirmières de santé publique (ISP) sont généralement des infirmières qui se sont réorientées, après avoir fait du soin, souligne Édith Chapitreau. Il est rare que les infirmières se dirigent dès la fin de leurs études vers ce domaine. » Ce qui attire les infirmières dans ce secteur est avant tout l’aspect préventif. « En santé publique, nous pouvons prendre de la hauteur vis-à-vis du quotidien, les enjeux sont plus importants car nous traitons la problématique de la santé par rapport à la population dans son ensemble, et non au cas par cas comme avec les patients. » Avant de devenir infirmière de santé publique, Édith Chapitreau a travaillé pendant douze ans dans le secteur hospitalier, puis un an en médecine du travail : « Je cherchais à m’orienter dans la prévention car je trouvais que les médecins du travail étaient encore trop dans le soin, explique-t-elle. Ils n’ont pas encore assez la possibilité, selon moi, de mettre en œuvre des actions de prévention ou des plans de santé. » Édith Chapitreau a alors eu l’opportunité d’intégrer la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass) des Hauts-de-Seine, où elle est restée neuf ans pour travailler sur la prévention du sida. « Aujourd’hui, je suis infirmière scolaire à mi-temps dans un lycée agricole et aussi infirmière coordonnatrice dans une maison de retraite en Vendée. » Et d’ajouter : « Je fais de la santé publique car j’aime avoir du recul, réfléchir à la globalité des actions, ne pas faire de la pure technicité. »

Rôle préventif

Le rôle de l’ISP est de mettre en place des actions de prévention. « Il y a essentiellement deux thématiques, relève Édith Chapitreau. La promotion de la santé et l’épidémiologie, qui consiste à faire des grandes enquêtes de santé publique ou des actions de prévention pour prévenir les pathologies. » Par exemple, en cas d’épidémies, l’infirmière a la possibilité de mener des enquêtes pour savoir comment les contenir. Les ISP peuvent travailler dans les collectivités au sein des services de santé publique ou dans les Agences régionales de santé (ARS). Elles peuvent aussi travailler en médecine du travail, à l’hôpital dans les pôles de santé publique ou encore être infirmières scolaires et monter des actions de prévention en fonction des thématiques proposées par les enseignants ou les élèves (drogues, conduites à risque). « L’éducation thérapeutique relève aussi de la santé publique car les infirmières montent des actions d’éducation avec des groupes de population au travers de la prise en charge d’une pathologie. »

Une formation adaptée ?

Malgré les fonctions spécifiques qui incombent aujourd’hui aux ISP, il n’existe pas de formation dédiée à cet exercice. Les jeunes infirmières qui sortent actuellement de l’Ifsi ont des notions de santé publique mais, pour les infirmières un peu plus anciennes, ce n’est pas le cas : « Lorsque j’ai fait mes études, il n’y avait pas d’enseignement de santé publique à l’Ifsi, se rappelle Édith Chapitreau. Aussi, un grand nombre d’infirmières sont arrivées dans ce domaine par un pur attrait pour la prévention, mais sans avoir de formation. » C’est la raison pour laquelle Édith Chapitreau a décidé de créer l’Afisp, car, « pour exercer ce nouveau métier, les infirmières, qui s’appuient sur leurs propres compétences, se retrouvent relativement isolées ». Plusieurs ISP ont donc ressenti le besoin de se former et de créer un réseau pour trouver des réponses aux questions qu’elles se posaient dans le cadre de l’exercice de leur métier. Actuellement, « seules les infirmières de santé publique dans les ARS peuvent bénéficier d’une formation d’adaptation à l’emploi à l’École des hautes études en santé publique (Ehesp) de Rennes qui dispense des modules sur les épidémies, les plans de santé ou encore l’administration de la santé. Mais cette formation n’est pas ouverte à tous. » Il existe également un diplôme universitaire à Nancy et « apparemment, il y aurait également un diplôme en cours de mise en place au niveau master, au département en sciences infirmières à l’Ehesp », fait savoir Édith Chapitreau. Les formations sur ce métier semblent donc suivre une certaine évolution. « Mais cela va doucement et, surtout, les formations sont généralistes et non pas spécifiques. La reconnaissance n’a lieu aujourd’hui que dans l’appellation d’ISP. Or une reconnaissance de la spécialité apporterait une reconnaissance financière et une obligation de formation pour celles qui œuvrent dans ce domaine. » Les ISP qui sont essentiellement des fonctionnaires ont des salaires variant entre 1 500 et 2 400 euros net. « Nous avons mené des revendications auprès de la Direction générale de santé (DGS) pour mettre en place une formation spécifique. Mais cela n’a abouti à rien. » Et de conclure : « Depuis les problèmes de santé publique avec le sida et l’amiante, on parle beaucoup de la nécessité de faire de la prévention, de développer des prises en charge sur d’autres aspects que les seules pathologies, mais les formations ne suivent pas. »

Pour en savoir plus, le site Internet de l’Afisp : http://afisp.free.fr

Elle dit de vous !

« Les infirmières de santé publique n’ont pas beaucoup de relation avec les infirmières libérales car ces dernières ont beaucoup de travail et semblent également relativement isolées. Néanmoins, elles ont une place importante à jouer dans le domaine de la santé publique. La prise en charge à domicile est importante en matière de santé publique car cela évite l’hospitalisation et permet de garder les patients chez eux. C’est de la prévention tertiaire. Des infirmières libérales sont adhérentes à l’Afisp. En général, la santé publique devient une passion pour elles et elles ont envie d’aller plus loin. Elles se rendent compte qu’il y a un problème sur le territoire et veulent jouer un rôle plus important sur le terrain, améliorer les choses. Elles sont un relais non négligeable par rapport aux autorités. »

ENTRE-AIDE

Créer son propre réseau

Les infirmières de santé publique peuvent se retrouver rapidement isolées. « C’est un réel paradoxe, souligne Édith Chapitreau. Car on ne peut pas faire des actions de prévention seule, on doit trouver des appuis extérieurs. » Les ISP peuvent donc s’adresser à l’Afisp pour obtenir des informations sur leur domaine d’intervention, connaître les lieux d’exercice ou encore les formations existantes. « En dehors de l’association, il n’existe pas réellement d’informations disponibles dans ce domaine, regrette-t-elle. Cela fait seulement quelques années que l’on voit apparaître des annonces dans les journaux concernant le recrutement d’ISP. » Sans réseau, il est difficile de travailler en santé publique, mais ce réseau, il faut le créer. La santé publique ne se limite pas à une seule profession : éducateurs, ingénieurs, médecins, anthropologues, professeurs, hommes politiques, responsables et usagers d’associations… Le secteur est très diversifié, et touche toute la société.