Le bon usage des médicaments - L'Infirmière Libérale Magazine n° 290 du 01/03/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 290 du 01/03/2013

 

VIGILANCE

L’exercice au quotidien

Nadine Hessnart est infirmière libérale à Saint-André-de-l’Eure. Depuis quelques mois, elle prend en charge un patient psychiatrique qui multiplie le nombre de professionnels soignants consultés.

« Depuis le mois de mai, notre cabinet prend en charge un patient soigné en psychiatrie, déclaré apte à rentrer chez lui : il s’agit d’un ancien alcoolique grave, bénéficiant d’un traitement lourd et qui se méfie des professionnels de santé. Auparavant, son amie d’enfance s’occupait de son traitement. Mais l’accumulation des ordonnances a rendu cette gestion trop compliquée. Elle a donc souhaité que nous prenions le relais. Depuis, il a vu deux généralistes et trois psychiatres. Il a donc autant d’ordonnances que de professionnels de santé, et il se rend dans les pharmacies de Saint-André-de-l’Eure pour récupérer tous les traitements prescrits. Ce patient lourd est peu fiable, car il ment aux professionnels de santé et aux pharmaciens : il change d’ordonnances en fonction des pharmacies dans lesquelles il se rend pour obtenir son traitement. Avoir tout son stock de médicaments chez lui le sécurise, car son obsession est de manquer. Il lui est également arrivé de faire des mélanges de médicaments, mais il ne se rend pas vraiment compte du danger. Lorsque nous l’avons pris en charge, nous avons commencé par vider son placard à médicaments et à faire le tri. Désormais, nous lui gardons son traitement et nous avons prévenu les pharmaciens de Saint-André-de-l’Eure de ne rien lui délivrer sans notre accord. Au début, nous allions le voir quatre fois par jour pour lui délivrer son traitement ; maintenant, nous n’y allons plus que le matin et le soir, car, le reste de la journée, il est en hôpital de jour. Dans ce cas précis, le Dossier médical personnel (DMP) serait utile, car ce patient accumule les traitements en allant consulter divers professionnels qui ne savent pas ce que leurs confrères lui ont prescrit. Le patient est en danger, mal suivi, et cela entraîne un surcoût pour l’Assurance maladie. La solution est de rétablir un rapport de confiance entre lui et les professionnels de santé : nous devons lui faire comprendre que nous sommes là pour l’aider. S’il a perdu pied, c’est peut-être parce qu’il suivait mal son traitement. Il est nécessaire de le resocialiser. Cela requiert du temps et nous le prenons. Car la gestion des patients, c’est notre quotidien. »

Avis de l’expert
Philippe Denry, président de la commission relations sociales et de la formation professionnelle à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France

Une communication indispensable

« Souvent, les patients atteints de maladies chroniques disposent d’une pharmacie attitrée et, avec le dossier pharmaceutique, le pharmacien a accès à l’historique ainsi qu’aux traitements délivrés dans d’autres pharmacies. Son rôle de vigilance et de contrôle est donc facilité. Mais, avec un patient qui ne donne pas sa carte Vitale, le pharmacien peut se faire abuser. Il joue un rôle majeur par rapport à la dispensation médicamenteuse et la lutte contre la iatrogénie. La communication entre pharmacien et infirmière est fondamentale afin d’être tenu informé du bon usage des médicaments ou non par un patient. »