Voir autrement le cancer - L'Infirmière Libérale Magazine n° 287 du 01/12/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 287 du 01/12/2012

 

Pascale Vialard, infirmière initiatrice des Kiosques infos cancer en Midi-Pyrénées

La vie des autres

Révoltée par l’injustice du cancer, Pascale Vialard longtemps épaulé les malades et leurs proches au sein des premiers Kiosques infos cancer. Pour elle, un seul mot d’ordre : la prévention.

« Je n’avais pas 10 ans quand j’ai entendu parler de cas de cancer autour de moi et je me souviens de la peur de la mort qui l’accompagnait. À l’adolescence est née mon incompréhension. Cette injustice d’une mort aléatoire – le VIH était transmissible, le diabète était lié à l’alimentation, etc. –, je ne la comprenais pas et je ne pouvais pas l’accepter ! », témoigne Pascale Vialard, devenue infirmière en 1995, à l’âge de 29 ans, suite à un passage quasi obligé par le commerce familial. Depuis lors, la thématique du cancer constitue le fil conducteur de toute son activité professionnelle.

Attirée par la santé publique, en 1996, elle intègre le Registre des cancers du Tarn. « Pendant près de dix ans, j’ai effectué des enquêtes de terrain chez les gens. J’ai réalisé des diagnostics infirmiers, rempli des questionnaires d’anatomopathologie… J’ai aussi participé, pour le Pr Marcel Goldberg, aux enquêtes sur l’amiante auprès des entreprises. Aux côtés des médecins épidémiologistes, pour faire mes preuves, j’ai beaucoup étudié. » Finalement, usée par la difficulté de ce travail prenant, elle quitte la structure tout en conservant le désir de combattre le cancer.

Faciliter l’accès aux informations

« À l’époque, l’accès à l’information était compliqué, pour tout un chacun comme pour les patients et leurs proches en particulier », se souvient Pascale Vialard. De ce constat, elle va élaborer son propre projet, un dispositif d’information sur le cancer. « En tant qu’infirmière, ma légitimité n’était pas acquise, malgré mes compétences et mon expérience en la matière, s’agace-t-elle encore. Finalement Françoise Marchall, chargée de mission à l’Institut national du cancer pour la création de structures de soutien aux patients et aux proches dans le cadre du Plan cancer, m’a accordé une enveloppe. Ce qui m’a permis de lancer mon projet en 2005, sous la dénomination nationale “Kiosque info cancer” (KIC). Dans l’ouest du département du Tarn (81), un secteur où peu de services existaient autour du sujet, la mairie de Saint-Sulpice a fourni un local et j’ai démarré. Dès le premier jour, j’avais neuf personnes devant la porte. »

Un espace pour tous

Dès lors, de la suspicion de la maladie à sa rémission, les patients ou leurs proches viennent au KIC 81 chercher soutien, informations ou simplement témoigner. Sans qu’aucun frais ne leur soit demandé. Une équipe de sept à huit professionnels de santé – infirmier, psychologue, diététicienne, sophrologue, fasciathérapeute… – répond à leurs inquiétudes. « Le cancer modifie totalement la relation du patient à son corps et à son quotidien. Il se trouve confronté à une question essentielle : que veut dire être en bonne santé ? Au-delà du suivi scrupuleux du protocole médical, il doit apprendre à développer des ressources nouvelles, faire preuve d’introspection et de créativité – le centre Ressource récemment ouvert en région Paca, en est une belle illustration ? », remarque Pascale Vialard (voir encadré ci-contre). Au besoin, l’équipe propose une consultation infirmière : « J’avais instauré un questionnaire de qualité de vie subjectif, une démarche quasi inexistante en France, déclinant une variété de thèmes – entretien, changement de regard, alimentation, activités, nausées… », relate la praticienne. La consultation définit les besoins d’accompagnement et les meilleurs moyens à mettre en œuvre : soutien psychologique, aide des proches, traitements complémentaires, éducation à la santé… Le KIC 81 anime notamment un groupe de parole hebdomadaire.

La rançon du succès

Le bouche-à-oreille fonctionne tant et si bien que Pascale Vialard se voit sollicitée pour ouvrir un KIC à Toulouse. « Dans le Tarn, le problème récurrent de la recherche de fonds nous volait beaucoup de temps et d’énergie, mais le patient restait au cœur de notre fonctionnement. À Toulouse, sous couvert de financements, la politique s’est mêlée de la santé publique. De plus, les réunions ont eu tendance à dominer l’activité. En 2011, j’ai remis en question ma fonction de directrice de ce Kiosque », se souvient Pascale, qui en a terminé du salariat au sein de l’association.

À l’heure d’Internet, elle pense en effet qu’un outil comme le KIC est beaucoup moins pertinent. Elle ne quitte pas totalement l’aventure, publiant même un livre en 2009, Le cancer plus simplement*. Tout en continuant de répondre bénévolement aux malades, elle présente le contenu de son ouvrage dans des conférences : impact social et affectif de la maladie, pistes de prévention, etc.

Dans les mois à venir, Pascale Vialard espère d’ailleurs monter un projet innovant au niveau de la prévention : « Le xviiie siècle abordait la santé par le régime alimentaire. Depuis le xixe, on traite le problème par facteur individuel – l’eau, l’air, le tabac… Il serait temps à présent de considérer l’individu dans sa globalité et de l’intégrer à son écosystème. Cela signifie agir au niveau d’un territoire cohérent, repenser par exemple nos villes et nos modes de vie. »

* Pour commander son livre : www.pascale-vialard.com

Elle dit de vous !

« Par rapport à la prise en charge multidisciplinaire en institution, à domicile, la tâche des Idels est énorme. En général, elles sont au top au niveau chiomiothérapie, mais elles doivent être préparées à la souffrance psychologique du patient, son isolement, ses questions. Elles sont également confrontées à des familles bouleversées. Le risque est de se murer dans l’indifférence ou se laisser déborder par l’émotion. L’éthique et la déontologie peuvent alors disparaître et laisser place à la subjectivité, l’exaspération face au désespoir ambiant. La bienveillance leur sera indispensable, car l’acte technique ne suffit pas. Le savoir-être est primordial. Les réseaux ont leur rôle à jouer. Mais, en marge du généraliste et du cancérologue, l’infirmière libérale pourrait avoir une place de choix en termes de proximologie, en apportant de l’information, par exemple sur la nutrition, la place du stress dans la maladie. »

SON COUP DE Cœur EN RÉGION PACA

Le centre Ressource

L’oncologue Jean-Loup Mouysset a ouvert le centre Ressource à Aix-en-Provence en novembre dernier (www.centreressource.org) en s’inspirant d’études scientifiques américaines pour bâtir son projet d’accompagnement des patients et de leurs proches : le mieux-être prolonge la survie du malade, et réduit le nombre de cas de récidives du cancer. Activités physiques adaptées, nutrition, groupes de paroles, etc. 900 m2 sont dédiés au bien-être physique et moral. Le centre n’étant adossé à aucun établissement de santé, son budget annuel de 800 000 euros repose sur les financements de laboratoires et de fondations américaines, une aide du conseil général des Bouches-du-Rhône et de dons de particuliers. L’idée est de suivre la personne durant une année avec un tarif abordable, soit 50 euros d’adhésion annuelle et, selon les revenus, 5 à 80 euros par mois pour l’accompagnement thérapeutique.