Enchanter la vie - L'Infirmière Libérale Magazine n° 286 du 01/11/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 286 du 01/11/2012

 

NORD (59)

Initiatives

Voilà bientôt trente ans que Geneviève Bouchart est infirmière à Dunkerque. Mais, outre sa carrière paramédicale, elle s’investit depuis de nombreuses années dans des actions caritatives dont l’une l’a conduite à mettre en chanson des poèmes qu’elle écrit depuis son enfance.

Tu es plus belle que jamais, ma chère maman souriante, ouvre un carreau pour regarder si je vois l’étoile filante. » Dans son salon, Geneviève chante les paroles de L’Étoile filante, l’un des titres du tout premier album qu’elle a sorti en 2003. Cette chanson parle d’un enfant qui va mal, mais qui reprend goût à la vie grâce au soutien qu’il reçoit.

Une histoire de rencontre

C’est l’objectif affiché de l’association caritative L’Étoile filante, créée en 2003 par Geneviève qui en assure la présidence : venir en aide aux enfants malades ou à ceux vivant dans la précarité. « J’ai créé cette association, car ces enfants n’ont rien demandé. Ce n’est pas de leur faute s’ils se trouvent dans cette situation », appuie-t-elle. Comment l’idée lui est-elle venue ? « Un matin, je pars voir une patiente, raconte l’infirmière. En arrivant chez elle, ses enfants dormaient encore. Cette maman m’explique alors ne plus avoir d’argent. Elle réveille donc ses enfants au dernier moment pour partir à l’école, espérant que le stress d’être en retard leur fasse oublier qu’ils n’ont pas pris de petit déjeuner. » Cette histoire marque profondément Geneviève, qui décide alors de fonder l’association.

Mais, quelque temps auparavant, l’infirmière fait une autre rencontre qui a eu un impact sans commune mesure dans l’histoire de L’Étoile filante. Comme chaque jour, Geneviève part faire sa tournée et se rend chez un patient, Gérard Massinond, musicien professionnel, l’ancien professeur de solfège de ses enfants. L’entendant fredonner, il l’interroge sur ses chansons et Geneviève lui apprend qu’elle en est l’auteur. Il lui propose alors de faire un disque. Proposition qu’elle refuse, dans un premier temps… L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais sa volonté de créer l’association change la donne. Elle retourne donc voir Gérard pour donner suite à sa proposition et enregistrer un disque dans le but de récolter, grâce à sa vente, des fonds pour l’association. « J’ai dit à Gérard que j’étais d’accord, à condition que tout le monde soit bénévole », rapporte Geneviève.

Sa carrière d’auteur, compositeur et interprète est lancée ! Les titres du disque reprennent les poèmes de Geneviève, qui, d’aussi loin qu’elle s’en souvienne, en a toujours écrit. Pour la composition musicale, elle ne quitte jamais sa flûte à bec qu’elle possède en plusieurs exemplaires chez elle, dans sa voiture ou dans son cabinet, car l’inspiration peut lui venir n’importe quand. « Une rencontre, un visage, un coucher de soleil, tout est source d’écriture et de musique. » Mais il n’est pas toujours évident de tout conjuguer : « Parfois, j’ai des idées de textes, mais pas de chansons, ou inversement. » Geneviève a été choriste pendant quinze ans au sein de chorales d’églises où elle a appris à faire des exercices pour sa voix, à travailler sa respiration, à chercher son souffle. « Le solfège, je l’apprendrai quand j’aurai le temps. Pour le moment, ma flûte me permet de distinguer les notes », souligne-t-elle, l’instrument à la main. L’enregistrement du disque se déroule sur plusieurs semaines, car « il faut s’adapter à l’emploi du temps de chaque bénévole ». La conception d’un album dépend de son nombre de titres, mais il faut compter environ une cinquantaine d’heures par titre, répétitions comprises, avant que Gérard ne propose des introductions musicales et des chœurs pour chacune des chansons. L’équipe a totalisé environ mille heures pour réaliser le cinquième album. Depuis 2003, Geneviève a sorti cinq albums, dont la vente de 10 euros est directement reversée à L’Étoile filante.

Une aide aux enfants et aux adolescents

En huit ans d’existence, L’Étoile filante a parrainé environ 6 000 enfants. « Pour les enfants en difficulté sociale, ce sont les présidents d’associations humanitaires ou sociales, de clubs sportifs ou des directeurs d’école qui nous contactent pour bénéficier de nos services, explique Geneviève. Ils nous demandent par exemple de participer au financement du voyage d’un enfant en classe de neige. » L’association permet ainsi aux familles en difficulté d’inscrire leurs enfants dans des clubs sportifs ou culturels, ou de leur payer l’équipement. La structure finance également des projets pédiatriques de l’hôpital de Dunkerque : équipements informatiques pour les enfants hospitalisés, talkie-walkie, jouets stérilisables qui correspondent aux normes pour les enfants en isolement. Si L’Étoile filante vient en aide aux enfants jusqu’à leur entrée dans le secondaire, elle s’occupe parfois des adolescents jusqu’à leur majorité, notamment parce que l’hôpital de Dunkerque a créé un nouveau pôle pour les enfants ayant subi de grandes souffrances : perte d’un parent, inceste… « Nous avons donné de l’argent à ce service pour l’achat de livres, d’équipement informatique et de matériel esthétique pour les jeunes filles. » Pour récolter des fonds, l’association, qui a une moyenne de 300 adhérents et 28 bénévoles, organise des concerts, des soirées de bienfaisance, des lotos ou encore des brocantes. Les bénévoles effectuent aussi des animations comme la préparation d’arbres de Noël ou des sorties au cirque, pour les enfants. « Nous avons rarement un rapport direct avec les familles, révèle Geneviève. Souvent, les enfants ignorent qu’ils sont aidés. Nous préférons agir dans l’ombre. » Et d’ajouter : « Avec L’Étoile filante, nous permettons à ces enfants d’avoir une activité avec leurs copains. Cela leur apprend la discipline, la rigueur et l’esprit d’équipe. Ils appréhendent également les compétitions et apprennent à gérer le stress et les examens. Quand j’arrive à procurer du bonheur, cela me rend heureuse. »

La coordination dans l’âme

Mais pourquoi avoir choisi ce métier d’infirmière ? « À 10 ans, j’ai été opéré de l’appendicite. J’ai beaucoup souffert, car j’ai presque fait une péritonite. L’infirmière qui s’est occupée de moi a tellement été compatissante qu’elle m’a donné envie de faire son métier. Et cette envie ne m’a plus jamais quittée. J’aime l’idée de soulager les personnes qui souffrent et trouver des solutions pour les aider. »

C’est pour pouvoir se consacrer à ses multiples activités associatives tout en gérant librement son emploi du temps que Geneviève a fait le choix de s’installer en libéral en 1996. L’infirmière, qui a fait ses études à l’Ifsi de Maubeuge dont elle est sortie diplômée en 1981, est venue s’installer à Dunkerque en raison de l’activité professionnelle de son mari qui travaille dans la sidérurgie. Après avoir été infirmière dans une polyclinique, surveillante-chef de plusieurs cliniques et surveillante générale pendant trois ans, Geneviève décide, à 34 ans, de suivre des études de cadre pour valider le niveau de sa fonction, à l’Institut d’administration des entreprises de Dunkerque.

Pendant ses études, elle a l’opportunité de prendre l’intérim d’une infirmière coordonnatrice d’un service de soins à domicile et devient, dans le même temps, surveillante dans un service de soins palliatifs. Elle se spécialise dans ce domaine et intègre l’Association Flandre maritime pour l’accompagnement et les soins palliatifs (AFMASP) ou Aujourd’hui la vie, dont elle est la trésorière. Cette structure offre un accompagnement qualifié aux grands malades et aux personnes âgées ou en deuil, en établissement ou dans leur lieu de vie. Elle assure la formation initiale et continue des accompagnants bénévoles non soignants, pour assurer une présence régulière et une écoute à ces patients. Aujourd’hui la vie assure aussi un suivi des accompagnants bénévoles par le biais d’une participation mensuelle obligatoire à un groupe de parole. « Il s’est avéré que, régulièrement, au cours des groupes de paroles, les bénévoles, parfois anciens soignants, déploraient l’idée d’assumer cet accompagnement et de voir que, la semaine avant leur décès, les patients étaient hospitalisés malgré leur volonté de finir leur vie à domicile », raconte Geneviève. Ce désarroi des professionnels et des familles a aussi mené à la création d’Amavi en 2003, dont Geneviève est depuis peu la secrétaire générale. Il s’agit d’un réseau de coordination d’acteurs de soins, qui travaille en collaboration avec les libéraux, les structures environnantes, les services de soins, les hôpitaux et les cliniques. « Aujourd’hui plateforme de santé, le réseau Amavi prend financièrement en charge 90 % du coût de tout ce que les caisses ne remboursent pas ou plus, y compris pour le petit matériel de soins et l’hygiène », indique Geneviève. D’ailleurs, ce matin, pendant sa tournée, elle a permis à l’une de ses patientes de bénéficier des services d’Amavi : ayant chuté dans la clinique où se trouve hospitalisé son mari, cette patiente ne pourra pas s’occuper de lui lors de son retour à domicile, mais bénéficiera de l’aide du réseau.

* Pour soutenir L’Étoile filante : 06 08 64 67 31 ou genevieve.bouchart@cegetel.net.