Les ados français, plus gros consommateurs de drogues - L'Infirmière Libérale Magazine n° 283 du 01/07/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 283 du 01/07/2012

 

POLITIQUE DE SANTÉ

Actualité

TOXICOMANIE → Les résultats d’une enquête européenne sur les consommations d’alcool, tabac et autres drogues chez les 15-16 ans relancent le débat sur la dépénalisation du cannabis.

La France est championne d’Europe. Les résultats de l’enquête Espad (European School Project on Alcohol and other Drugs), réalisée en 2011 auprès d’adolescents européens scolarisés de 15-16 ans sur leurs consommations récentes(1) ou ponctuelles de tabac, alcool, cannabis et autres drogues illicites, ont été publiés fin mai(2).

À la première place

Parmi 36 pays européens, la France arrive en 1re place pour le cannabis, 2e pour les autres drogues illicites, 6e pour le tabac et 9e pour l’alcool. Alors que l’usage récent de tabac était en baisse continue dans cette population entre 1999 et 2007, il augmente de 27 % en 2011 et concerne 43 % des filles pour 34 % des garçons. La consommation d’alcool reste importante avec une consommation récente pour 67 % des adolescents interrogés et un taux d’« alcoolisation ponctuelle importante » stable.

À la question « au cours des 30 derniers jours, combien de fois avez-vous bu cinq verres ou plus de boissons alcoolisées en une seule occasion ? », 41 % des filles et 46 % des garçons répondent positivement. Ces résultats sont stables depuis 2007, mais une légère augmentation chez les filles réduit l’écart avec les garçons.

L’enquête Espad révèle que près de deux jeunes sur cinq (39 %) déclarent avoir déjà fumé du cannabis au moins une fois au cours de leur vie, autant les filles que les garçons. Quant à l’usage récent, au cours du mois précédent, il a augmenté de 15 % chez les filles et de 24 % chez les garçons, en faisant passer la France de la 3e place en 2007 à la première en 2011.

Davantage de prévention

Jean-Pierre Couteron, psychologue clinicien et président de la fédération Addiction, explique ces résultats par une politique française déséquilibrée. « Ces dernières années, on a tout misé sur la pénalisation et la dangerosité du cannabis. » Le psychologue regrette une politique restrictive qui laisse entendre que seul le manque d’une culture de l’interdit pousse à la consommation de cannabis. « Il y a d’autres raisons à cette consommation, comme le plaisir, la recherche d’un effet auto-thérapeutique, la pression d’un système de recherche de la performance, etc. » Le spécialiste préconise des mesures plus modernes : « Nous gagnerions à contenir la dangerosité du cannabis par l’éducation préventive et l’intervention précoce, avec des consultations pour les jeunes consommateurs » (voir encadré ci-dessous).

(1) Consommation récente = une fois au cours du mois précédant l’enquête.

(2) “Premiers résultats du volet français de l’enquête Espad 2011”, note de synthèse, mai 2012. À consulter sur le site de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, www.ofdt.fr.

« Légaliser n’est pas banaliser »

Jean-Pierre Couteron, psychologue clinicien, président de la fédération Addiction (www.federationaddiction.fr)

« Une très large majorité de spécialistes préconisent une dépénalisation de l’usage privé, à condition qu’elle soit dans le cadre d’une amélioration des réponses données à ces usages, c’est-à-dire accompagnée d’autres mesures de prévention, d’intervention précoce et de réduction des risques. Il ne s’agit pas de minimiser les dangers du cannabis. La dépénalisation ne vise qu’un usage privé et dès lors qu’il ne nuit pas à autrui. La pénalisation d’un chauffard doit être maintenue, quand il a fumé comme quand il a bu.

De même, il faut garder un interdit d’usage pour les mineurs, mais qui ne soit pas un interdit pénal. La dépénalisation est donc différente de la légalisation du cannabis, qui inclut aussi la production comme pour le tabac ou l’alcool. Actuellement, l’augmentation constante du nombre d’usagers interpellés répond plus à une volonté de faire du chiffre qu’à une démarche de santé publique. Le débat sur la dépénalisation mériterait d’être remplacé par un débat sur une politique des addictions plus cohérente. »