L’éducation thérapeutique du patient - L'Infirmière Libérale Magazine n° 283 du 01/07/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 283 du 01/07/2012

 

Cahier de formation

Savoir

Face au développement des maladies chroniques, l’ETP apparaît comme un outil moderne et efficace pour donner aux patients les moyens d’acquérir des compétences leur permettant de gérer leur maladie et d’améliorer leur qualité de vie. Les infirmières libérales, moins représentées que leurs collègues hospitalières, s’impliquent dans cette démarche, en particulier au sein des réseaux et des maisons de santé.

DÉFINITION DE L’ETP

Le patient, acteur de sa prise en charge

En 1998, le bureau régional de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’Europe a défini l’ETP comme une approche permettant d’aider les patients atteints d’une maladie chronique, ainsi que leurs familles, à acquérir ou à maintenir les compétences dont ils ont besoin pour conserver et améliorer leur qualité de vie(1).

Certains auteurs ont défini l’ETP comme un transfert de savoirs et de compétences d’un soignant vers un patient ou une personne qui, même se sentant bien en situation asymptomatique, présente des risques pour sa santé(2).

Les maladies chroniques

L’ETP s’adresse à toute personne ayant une maladie chronique, quels que soient son âge et le type, le stade ou l’évolution de la maladie. Elle concerne également l’entourage du patient, si celui-ci souhaite bien entendu l’impliquer dans la gestion de sa maladie.

En novembre 2011, les 26 Agences régionales de santé (ARS) avaient autorisé 2 653 programmes d’ETP(3). Le diabète reste la pathologie la plus représentée (29,4 %), suivi des maladies cardiovasculaires (14,7 %), respiratoires (12 %) et de l’obésité (7,1 %).

CE QUE N’EST PAS L’ETP

ETP et éducation pour la santé

Ces deux pratiques ont le même objectif : acquérir des compétences pour entretenir et développer un capital santé. L’éducation pour la santé s’adresse à des gens en bonne santé pour lesquels le temps de l’appropriation des compétences n’a pas de conséquence immédiate sur l’apparition d’une maladie (sauf situations graves mettant en jeu la santé de la personne).

L’ETP s’adresse à une personne souffrant d’une maladie ou particulièrement concernée par des facteurs de risque, comme un risque cardiovasculaire. La démarche d’ETP vise alors l’acquisition de compétences pour de nouveaux comportements de santé tout en respectant les rythmes de prise de conscience et son temps d’assimilation. Concilier les deux processus est l’une des principales difficultés de l’ETP.

ETP et accompagnement

Pour illustrer la distinction entre accompagnement du patient et ETP, le Professeur Rémi Gagnayre, président de l’Institut de perfectionnement en communication et éducation médicale (Ipcem), prend l’exemple d’un responsable d’un programme d’ETP qui s’adresse à des patients en vue de la reprise d’une activité physique :

→ dans le programme, l’équipe soignante, l’éducateur sportif travaillent auprès des patients. Cette intervention peut être complétée par celle d’un représentant d’une association qui intervient en partenariat dans le programme d’ETP. Ce représentant anime une séance avec les patients et fait connaître l’activité de l’association. Le programme peut prévoir une séance d’éducation au sein même de l’association. Dans ce cas, les actions de l’association se situent dans le cadre de l’ETP ;

→ dans le cas où les intervenants du programme d’ETP présentent une liste d’associations ou de prestataires avec lesquels ils ont passé une convention, pour inciter les patients à y adhérer au terme du programme d’ETP. Cette démarche s’inscrit dans une phase d’accompagnement.

ETP et observance thérapeutique

« Dans le langage courant autant que dans les affirmations de certains professionnels, ce qui est plus surprenant, l’éducation thérapeutique et l’observance se confondent », observaient les auteurs du “rapport Saout” en 2008(4). En cause, l’enjeu principal que représente l’observance pour deux raisons : l’efficacité thérapeutique est mise à mal par l’interruption des traitements et, dans un contexte économique tendu sur les dépenses de santé, l’exigence de bon usage d’un traitement est de plus en plus recherchée.

À la différence de l’observance qui sous-entend le respect strict des prescriptions du médecin, l’ETP vise la participation du patient. Elle est en cela plus conforme à l’esprit de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé qui stipule que « toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé », et impose au médecin de « respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix… ». Les auteurs du rapport Saout estiment que « les actions d’observance pourraient avoir des objectifs plus ciblés et intégrés à l’éducation thérapeutique sans méconnaître les droits fondamentaux des malades ».

DIFFÉRENTES OFFRES D’ETP

L’ETP est une démarche continue qui nécessite des adaptations permanentes liées à l’évolution de la maladie, à l’expérience de sa gestion par le patient lui-même, et à ses propres demandes. Différentes offres, en continuité les unes avec les autres, peuvent répondre aux besoins éducatifs du patient.

L’ETP initiale

Elle suit l’annonce du diagnostic de la maladie ou une période de vie avec la maladie, sans prise en charge éducative préalable. Si, en fin de programme d’ETP et après évaluation des compétences du patient, les objectifs éducatifs ont été atteints, une ETP de suivi régulier ou de renforcement peut être proposée. Si ces objectifs n’ont pas été atteints, une ETP de suivi approfondi (ou de reprise) est opportune.

ETP de suivi régulier

C’est une forme d’ETP continue qui consolide les compétences du patient et les actualise pour les adapter à sa situation personnelle si nécessaire. Elle permet d’encourager le patient dans la mise en œuvre des compétences acquises, de le soutenir dans ses projets de vie, ou de fixer avec le patient de nouveaux objectifs en lien avec l’évolution de la maladie, des traitements, etc.

ETP de suivi approfondi

Elle est nécessaire en cas de difficultés dans l’apprentissage ou de non-atteinte des compétences initialement choisies. L’ETP de suivi approfondi présente aussi un intérêt en cas de modifications de l’état de santé du patient, du contexte et de ses conditions de vie, ainsi qu’au moment du passage de l’enfance à l’adolescence.

L’ETP PARCOURS DE SOINS

Intégrée au parcours de soin

L’ETP est considérée comme intégrée à la prise en charge thérapeutique lorsqu’elle est réellement complémentaire et indissociable des traitements et des soins, du soulagement des symptômes (en particulier de la douleur) et de la prévention des complications. C’est un des critères de qualité d’un programme d’ETP.

Une nouvelle attitude soignante

Certains auteurs qualifient la démarche d’ETP de révolution culturelle(5) dans la relation de soins car :

→ elle situe le soignant dans une position de partage de connaissances, d’accompagnement et de délégation d’une partie de sa démarche de soins (voir le point de vue en page précédente et celui ci-contre) ;

→ elle demande au patient d’entrer dans un processus actif, qui nécessite de sa part un investissement qui devra aller bien au-delà du respect de la simple injonction thérapeutique et d’une observance plus ou moins suivie.

LE DÉVELOPPEMENT DE L’ETP

Le contexte

Trois principaux facteurs expliquent le développement de l’ETP :

→ les progrès de la médecine permettent de vivre plus longtemps avec une maladie ;

→ l’augmentation des malades chroniques qui rend impossible une prise en charge individuelle permanente ;

→ les patients sont amenés à réaliser eux-mêmes certains soins, ce qui implique qu’on leur donne les moyens d’accéder à cette autonomie.

D’un point de vue économique, même si ce n’est pas l’objectif premier de l’ETP, une meilleure efficacité des soins et une prévention accrue des complications liées à la maladie permettent autant une amélioration de la qualité de vie des patients qu’une diminution des coûts médicaux (ne serait-ce que par la diminution des réhospitalisations).

Des initiatives expérimentales

« L’éducation thérapeutique du patient s’est développée en France depuis la fin des années 1990, alors qu’il n’existait pas d’encadrement juridique de cette pratique »(6). Les premiers programmes d’ETP ont principalement vu le jour en milieu hospitalier. En 2007, un rapport de la HAS relevait alors de nombreux problèmes dans la mise en œuvre concrète des programmes : hétérogénéité des pratiques, implication variable des professionnels et des patients, modalités de financement et d’organisation incertaines, etc. Dans ces conditions, les résultats cliniques et économiques restaient incertains(7).

Une activité règlementée

Le ministère de la Santé et la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) ont souhaité garantir la qualité des programmes d’ETP. Un guide méthodologique produit par la HAS et l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) précise de façon détaillée la définition, le champ d’intervention, les méthodes et l’organisation des programmes d’ETP(8). Depuis août 2010(9), les ARS ont en charge d’autoriser les programmes d’ETP, qu’ils soient conduits à l’hôpital, en médecine de ville, dans un réseau, dans une association, ou autres (voir point de vue page ci-contre). Les programmes autorisés par les ARS sont ensuite régulièrement évalués par la HAS. Une auto-évaluation annuelle est fournie à la HAS par les organisateurs du programme et une évaluation à quatre ans permet de renouveler le dossier.

Une équipe pluridisciplinaire

À la différence d’autres pays, la France n’a pas choisi d’instituer des spécialistes en ETP, mais a privilégié une responsabilité d’équipe pluridisciplinaire (médecins, infirmières, diététiciennes, kinésithérapeutes, psychologues, etc.) et un partage de compétences. La loi prévoit qu’un programme d’ETP peut être mis en œuvre par au moins deux professionnels de santé de professions différentes dont l’un des deux est médecin. Toutefois, en pratique, l’équipe d’ETP réunit le plus souvent plusieurs professionnels. « Un programme soutenu par deux professionnels dont l’un des deux est médecin sera autorisé si son objectif est réaliste », concède le Dr Martine Sciortino, responsable de l’unité fonctionnelle éducation thérapeutique au sein de l’ARS Paca. « C’est toutefois difficilement envisageable dans beaucoup de domaines », estime le médecin, pour qui la pluridisciplinarité est le premier critère évalué par l’ARS dans les projets d’ETP. En prenant l’exemple du diabète, si les notions d’autosoin et d’autogestion peuvent être développées par une infirmière, il paraît souhaitable que le risque podologique soit abordé avec un podologue, et que les représentations de la maladie et l’estime de soi relève d’un psychologue.

Une prédominance hospitalière

En 2010, le rapport Jacquat relevait que l’offre en ETP était hospitalo-centrée, alors que les maladies chroniques sont essentiellement prises en charge en ambulatoire.

Le rapport préconisait d’accroître l’offre ambulatoire de proximité. « Aujourd’hui, sur plus de 170 programmes autorisés en Paca, plus de 80 % sont portés par des structures hospitalières. Que ces programmes s’adressent à des patients hospitalisés ou pas », observe le Dr Martine Sciortino. Les autres programmes sont présentés par des réseaux ville-hôpital, des associations de patients ou de professionnels de santé, et des maisons de santé pluridisciplinaires. Les établissements de santé ont l’avantage de disposer d’équipes pluridisciplinaires, de locaux pour accueillir les séances d’ETP dont ils peuvent inclure le financement dans le prix de journée.

Une adaptation en ambulatoire

L’ETP est à l’origine un format hospitalier adapté en médecine de ville. Les structures libérales, qui ont l’habitude de fonctionner individuellement, ne sont pas forcément préparées à organiser un programme d’ETP pluridisciplinaire défini comme un ensemble coordonné d’actions éducatives. Pour développer l’offre d’ETP en ambulatoire, les maisons et pôles de santé apparaissent comme un lieu de référence à l’appui des expériences conduites par les réseaux de soins. Ils présentent l’avantage de disposer de professionnels ayant l’habitude de travailler en transversalité et bénéficient en général de locaux adaptés. En ambulatoire, que le programme d’ETP soit organisé par un établissement hospitalier (pour des patients non hospitalisés) ou par une autre structure, l’ARS finance les programmes autorisés sur la base de 250 euros par patient.

LES OBJECTIFS DE L’ETP

Il s’agit de renforcer les compétences du patient, éventuellement de son entourage, à prendre en charge la maladie.

Acquisition de compétences d’autosoins

« Les compétences d’autosoins sont des décisions que le patient prend avec l’intention de modifier l’effet de la maladie sur sa santé » (OMS, 2004). Elles permettent ainsi au patient de :

→ soulager les symptômes ;

→ prendre en compte les résultats d’une autosurveillance ou d’une automesure ;

→ adapter des doses de médicaments ou initier un autotraitement ;

→ réaliser des gestes techniques et des soins ;

→ mettre en œuvre des modifications de son mode de vie (équilibre diététique, programme d’activité physique, etc.) ;

→ prévenir des complications évitables ;

→ faire face aux problèmes occasionnés par la maladie ;

→ impliquer son entourage dans la gestion de la maladie et des traitements, et des répercussions qui en découlent.

Acquisition de compétences de sécurité

Elles font partie des compétences d’autosoins et visent à sauvegarder la vie du patient. Elles sont d’ailleurs considérées comme indispensables et prioritaires.

Néanmoins, dans le cadre de l’ETP, leur caractère prioritaire et leurs modalités d’acquisition doivent être considérés avec souplesse par les soignants qui s’adaptent aux besoins et aux potentialités d’apprentissage de chaque patient.

Acquisition de compétences d’adaptation

Elles sont définies par l’OMS comme « des compétences personnelles et interpersonnelles, cognitives et physiques qui permettent à des individus de maîtriser et de diriger leur existence, d’acquérir la capacité à vivre dans leur environnement et à modifier celui-ci ».

Aussi appelées compétences psychosociales, elles reposent sur la capacité d’agir du patient et favorisent l’acquisition des compétences d’autosoins. Elles permettent de prévenir ou d’amoindrir les difficultés d’adaptation des patients affectés par une maladie chronique (voir tableau ci-dessus).

PROPOSER UNE OFFRE D’ETP

Les obstacles

Le professionnel de santé doit souvent surmonter le manque de symptômes, de douleur par exemple, ressenti par le patient lorsque son affection est peu symptomatique (diabète, HTA, asthme…), une attitude habituellement passive du patient dans l’attente d’une prescription médicamenteuse, une proposition d’ETP après des conseils répétés que le patient perçoit comme difficilement applicable dans sa propre vie, etc.

Circonstances propices

L’offre d’ETP peut être présentée par le médecin traitant ou par l’infirmière, selon l’organisation des structures.

La proposition est faite à un moment proche de l’annonce du diagnostic de la maladie chronique, ou à tout autre moment de l’évolution de la maladie si cette proposition ne lui a pas été faite antérieurement ou si le patient a refusé cette offre.

Au début de la maladie

Après l’annonce du diagnostic médical, alors que le patient s’interroge sur ses compétences à appliquer les traitements et les modalités de surveillance.

Après un événement de santé

Certains incidents révèlent une méconnaissance du patient de sa propre situation.

Pour le diabète, par exemple, la proposition d’ETP peut être faite après un malaise hypoglycémique, des épisodes d’hyperglycémie prolongée ou la survenue d’une plaie du pied.

Dans certains cas, le soignant peut invoquer l’urgence d’une meilleure formation du patient qui doit savoir reconnaître les signes d’alerte pour éviter de graves conséquences.

Après une évolution de la maladie

Lors de l’apparition d’une complication ou de la découverte de facteurs de risque associés (HTA, hypercholestérolémie, tabagisme…), mais aussi à l’occasion d’une modification ou d’une intensification du traitement (passage à l’insuline pour un diabète de type 2, par exemple).

Aider le patient à prendre une décision

Un consentement éclairé

Le professionnel de santé s’attache à expliquer les bénéfices, mais également les contraintes du programme d’ETP. Il peut s’aider de supports, comme des plaquettes d’information, ou proposer des rencontres pluridisciplinaires ou avec des groupes de patients.

Le professionnel expose les bénéfices de l’ETP et ses éventuelles contraintes en termes de temps et de disponibilités. Il veille à permettre au patient de poser des questions et lui laisse un temps de réflexion avant de s’engager.

Souplesse de la proposition

La proposition d’ETP peut être refusée par le patient ou reportée dans le temps. Françoise Jullien, infirmière libérale à Malzéville (54), intervient en tant qu’infirmière référente ETP pour le réseau lorrain insuffisance cardiaque (Icalor) auprès du centre hospitalier de Lunéville (54). Elle rencontre souvent les patients lors de leur hospitalisation. « Ce n’est pas toujours le bon moment, reconnaît-elle. Au moment de l’hospitalisation, les patients sont souvent fatigués et perçoivent le programme d’ETP comme un effort supplémentaire. Les réactions sont très variées. Certains patients préfèrent en reparler plus tard, d’autres sont motivés pour éviter de nouvelles hospitalisations, et certains refusent. Lorsqu’ils sont d’accord, je ne les presse pas et je leur propose de les recontacter à leur arrivée à domicile. »

Si le patient le souhaite, les séances d’ETP peuvent être proposées aussi aux personnes impliquées dans l’aide à la gestion de la maladie (proches, aidants, etc.).

MISE EN ŒUVRE D’UN PROGRAMME D’ETP

Les étapes de l’ETP

La planification du programme d’ETP par étapes donne un cadre logique et cohérent à l’action des professionnels de santé. Ces étapes (voir la partie Savoir faire), dont chacune s’inscrit dans la continuité de la précédente, font l’objet d’un consensus et sont recommandées par la HAS :

→ le diagnostique éducatif permet d’identifier les besoins du patient ;

→ la définition d’objectifs personnalisés est négociée avec le patient en fonction des compétences à acquérir ;

→ la mise en œuvre d’une démarche éducative adaptée lors d’ateliers collectifs ;

→ l’évaluation des compétences acquises par le patient au terme de la session d’ETP.

Le recrutement des patients

Première proposition par le médecin

« Dans 80 % des cas, c’est le cardiologue de l’hôpital qui identifie le patient, qui lui parle du réseau et qui met en place le premier contact avec une infirmière à l’hôpital. En ville, les patients sont également recrutés par le médecin traitant. Dans tous les cas, ce dernier donne son accord pour l’inclusion du patient dans le réseau », précise Christelle Altieri, coordonnateur médical du réseau lorrain insuffisance cardiaque (Icalor).

La loi stipule que « la mise en œuvre du programme d’apprentissage est subordonnée au consentement écrit du patient ou de ses représentants légaux »(10), et prévoit que le patient peut mettre fin à sa participation à l’ETP à tout moment.

Suivi ou ETP

Françoise Jullien propose au patient, préalablement averti par le médecin, un suivi à domicile après la sortie de l’hôpital. Elle explique qu’une meilleure connaissance de la maladie et de ses mécanismes permet de mieux surveiller les facteurs de risque.

Si le patient accepte, Françoise Jullien demande au patient s’il a une infirmière habituelle qui pourra effectuer ce suivi après une formation d’une journée avec le réseau Icalor.

Ce suivi se fait par des visites à domicile selon un calendrier progressif et modulable en fonction des événements (ré-hospitalisation par exemple), une fois par semaine pendant les deux premiers mois, puis par quinzaine, puis par mois. « Dès le suivi, on sensibilise le patient par des éléments d’éducation, en faisant le point sur la restriction hydrique, l’activité physique, etc. Il ne s’agit pas d’ETP, mais les interventions de l’Idel incitent le patient à une autosurveillance de sa maladie », nuance l’infirmière.

RÉMUNÉRATION DES LIBÉRAUX

La nomenclature ne prenant pas en compte les activités d’ETP, les Idels sont actuellement rémunérées par le biais des nouveaux modes de rémunération prévus par l’article 44 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2008. La loi permet ainsi de procéder à des expérimentations des nouveaux modes de rémunérations qui peuvent compléter ou se substituer au paiement à l’acte.

À titre d’exemple, les Idels qui interviennent dans le réseau Icalor sont rémunérées selon des dérogations tarifaires :

→ le suivi à domicile est rémunéré 24 euros par visite ;

→ les entretiens individuels (diagnostic éducatif et évaluation des acquisitions) : 50 euros par patient ;

→ les séances d’ETP en atelier collectif (maximum 10 patients) : 50 euros de l’heure ;

→ l’inclusion d’un patient par une infirmière libérale référente à l’hôpital : 100 euros par patient.

Pour le réseau Diamip, les animations d’ateliers collectifs d’ETP par l’infirmière libérale sont rémunérées à hauteur de 160 euros par séance de 4 heures.

EFFICACITÉ DE L’ETP

Les études qui démontrent l’efficacité de l’ETP sont encore peu nombreuses. Son intérêt a été établi dans le cas de l’asthme avec une diminution des épisodes d’asthme nocturne et de l’absentéisme professionnel et scolaire.

Dans le diabète de type 1, l’ETP a un impact significatif et durable sur le contrôle métabolique et la prévention des complications. Elle permet également une réduction du nombre d’hospitalisations, de passages aux urgences et des visites médicales non programmées.

Le Pr Faiez Zannad, président du réseau Icalor, a pu présenter quelques estimations après cinq années d’activité du réseau. En moyenne, sur les dix dernières années, le taux d’hospitalisations des insuffisants cardiaques était de 35 % sur le territoire national, avec des résultats identiques en région Lorraine.

À partir de 2007, année de l’entrée en vigueur du réseau Icalor sur l’ensemble de la région Lorraine, la courbe des hospitalisations s’est aplatie avec un taux d’hospitalisations quasiment jugulé. D’autres analyses montrent qu’un patient suivi par le réseau a 40 % de risques en moins d’être réhospitalisé pour son insuffisance cardiaque.

DES PROFESSIONNELS FORMÉS

Une formation minimale obligatoire

Depuis un arrêté du 2 août 2010(11), une formation minimale est imposée aux soignants désirant participer à un programme d’ETP : « L’acquisition des compétences nécessaires pour dispenser l’éducation thérapeutique du patient requiert une formation d’une durée minimale de quarante heures d’enseignements théoriques et pratiques… »

Depuis 2009, la formation initiale des infirmières intègre une unité d’enseignement de 40 heures en ETP que les infirmières nouvellement formées pourront faire valoir selon les critères de la loi. Les spécialistes de l’ETP estiment néanmoins qu’une formation de 40 heures est insuffisante pour une réelle compétence. La loi a toutefois le mérite d’imposer un minimum de connaissances et de provoquer une sensibilisation à l’ETP dès la formation initiale.

Les autres offres de formations

L’Ipcem, structure spécialisée dans la formation des soignants à l’ETP depuis 1989, propose deux types de formations :

→ des cycles de formations méthodologiques à l’ETP adaptées à une pathologie (diabète, asthme, etc.) d’une durée de 7 jours (non compris le temps de réalisation d’un rapport d’expérience écrit pour valider la formation) ;

→ des cycles de méthodologie à l’ETP appelés pluripathologiques au cours desquels peuvent être abordés plusieurs types de maladies chroniques sur 7 jours (non compris le temps de réalisation d’un rapport d’expérience écrit pour valider la formation). Au cours de ce type de formation, les participants ajustent la méthodologie aux différentes pathologies avec l’aide des formateurs.

À l’Institut de soins infirmiers supérieurs (Isis), autre structure spécialisée dans l’ETP et l’expertise en clinique infirmière, les infirmières libérales sont largement majoritaires dans les formations en ETP. « Les infirmières libérales suivent souvent successivement les deux formations qui concernent l’ETP. Le cursus en consultation infirmière, avec trois jours consacrés à l’ETP, est l’occasion pour les infirmières de se rendre compte de ce que représente l’ETP. Elles prolongent souvent leur formation par le Certificat en ETP », remarque Jean-François Negri, président directeur général de l’Isis. Le certificat en ETP (100 heures) est très généraliste et tourné vers l’approche relationnelle et psychologique, la pédagogie et la méthode. Il permet un accès direct en master 2. « Les financements sont relativement faciles à obtenir par le Fif-PL pour des cursus qui peuvent être étalés sur deux années et permettent de bénéficier de deux financements (un par an). Les infirmières libérales ont également l’avantage du crédit d’impôt et de déduction des charges de formation », précise Jean-François Neri.

Les diplômes universitaires (DU) et les masters professionnels sont plutôt tournés vers l’ingénierie de l’éducation thérapeutique, avec l’objectif de former les professionnels de santé à la conception, la mise en œuvre et le développement d’un programme d’ETP dans leur contexte professionnel.

(1) “Éducation thérapeutique du patient”, Organisation mondiale de la santé, bureau régional pour l’Europe, Copenhague, 1998.

(2) Éducation thérapeutique. Prévention et maladies chroniques, D. Simon, P.-Y. Traynard, F. Bourdillon, R. Gagnayre, A. Grimaldi, éditions Masson, 2e édition, 2009.

(3) “L’éducation thérapeutique dans la prise en charge des maladies chroniques”, Haute Autorité de santé, service évaluation médico-économique et santé publique, 2008.

(4) “Pour une politique nationale d’éducation thérapeutique du patient”, rapport présenté au ministre de la Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative, Christian Saout, Bernard Charbonnel, Dominique Bertrand, septembre 2008.

(5) “Éducation thérapeutique du patient et disease management : pour une 3e voie à la française ?”, François Baudier et Gilles Leboube, Santé Publique, 2007/4, vol. 19.

(6) “Éducation thérapeutique du patient. Propositions pour une mise en œuvre rapide et pérenne”, rapport rédigé par M. Denis Jacquat, député de la Moselle, juin 2010.

(7) “L’éducation thérapeutique dans la prise en charge des maladies chroniques : Analyse économique et organisationnelle”, Haute Autorité de santé, novembre 2007.

(8) “Structuration d’un programme d’éducation thérapeutique du patient dans le champ des maladies chroniques”, Haute Autorité de santé, juin 2007.

(9) Décret n°2010-904 du 2 août 2010 relatif aux conditions d’autorisation des programmes d’éducation thérapeutique du patient.

(10) Article 84 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

(11) Arrêté du 2 août 2010 relatif aux compétences requises pour dispenser l’éducation thérapeutique du patient.

Point de vue…

« Une attitude d’apprentissage »

Françoise Jullien, infirmière libérale, membre de l’équipe d’ETP du réseau lorrain insuffisance cardiaque (Icalor)

« Dans le métier d’infirmière, on a un rôle d’information qui n’est pas de l’éducation thérapeutique du patient (ETP). Dans mon exercice libéral, je vois beaucoup de patients insuffisants cardiaques. Les acquis de ma formation et de ma pratique de l’ETP m’ont apporté un regard aiguisé sur la surveillance et une attitude d’apprentissage du patient. L’ETP permet d’aller un peu plus loin dans la relation avec le patient, de dépasser l’apport d’un savoir soignant. C’est l’aspect relationnel de la profession qui m’a poussée vers l’ETP. »

Point de vue…

« Je me situe en permanence au niveau de la négociation »

Claude Maurier, infirmier libéral à Labarthe-sur-Lèze (31), membre de l’équipe en charge du programme d’ETP auprès du Réseau diabète en Midi-Pyrénées (Diamip)

« Depuis mon DU en éducation thérapeutique du patient mon attitude envers les patients a changé. Quelle que soit la situation de soin, je n’impose rien au patient, je me situe en permanence au niveau de la négociation. Tous les patients ne sont pas d’accord pour suivre un programme d’ETP. Dans ce cas, l’infirmier libéral accompagne le patient dans l’acceptation de sa maladie après l’annonce du diagnostic, jusqu’au moment où celui-ci trouvera un intérêt à participer à un programme d’éducation ».

Point de vue…

« Une relation de partenariat »

Amélie Boireau, infirmière, participe à trois programmes d’ETP de l’École du cœur de Pontoise (95) pour des patients insuffisants cardiaques, coronariens ou sous anticoagulants

« Après neuf ans d’expérience, je constate que l’ETP apporte une autre approche dans la prise en charge des patients souffrant d’une maladie chronique. C’est un moment de partage, d’informations adaptées qui concernent directement le patient, à la différence des programmes de santé qui visent la population en général. Nous ne sommes plus dans une relation directive où le patient doit accepter les informations qu’on lui donne. Nous recherchons les informations utiles à chaque patient qui seront adoptées d’un commun accord dans une relation de partenariat. »

Point de vue…

« La loi de 2010 marque une étape »

Pr Rémi Gagnayre, médecin, professeur des universités en sciences de l’éducation, président de l’Ipcem

« Avec la loi de 2010, l’ETP est rentrée dans le Code de Santé publique. C’est une belle reconnaissance. La loi était nécessaire dans la culture française pour statuer sur une pratique soignante. L’intervention du législateur ne doit pas être considérée comme un obstacle, mais comme une étape. Cependant, si l’on traduit la loi uniquement en termes d’autorisation, on risque de brider une pratique qui a besoin d’être étendue au moyen d’expérimentations originales. En effet, aujourd’hui, il s’agit de relever le défi de l’accessibilité de l’ETP* et de s’intéresser à l’offre d’ETP dans l’ensemble de l’offre de soins et aux conditions d’exercice de l’ETP en ville. »

* Ce sera le thème de la 18e Journée de l’Ipcem, le vendredi 18 janvier 2013 à Paris, “Rendre accessible l’ETP : un nouveau défi” (plus d’informations sur www.ipcem.org).