Surveillance infirmière d’un traitement anti-HTA - L'Infirmière Libérale Magazine n° 282 du 01/06/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 282 du 01/06/2012

 

Cahier de formation

Savoir faire

Alors que vous êtes au domicile de monsieur C., 86 ans, pour préparer son pilulier – Zanidip 10 (2/j), Zestril 20 (1/j), Fludex LP 1,5 (1/j), Bisoprolol 10 (1/j), Kardégic 75 (1/j), Fluvastatine 40 (1/j), Tanakan (3 cp/j) et Forlax 10 (1/j) – ce dernier chute en allant ouvrir à son aide ménagère. Il vous avoue que cela lui arrive souvent, dès qu’il se lève trop vite…

Le caractère itératif des malaises ressentis lors des levers brusques par monsieur C., traité par plusieurs anti-hypertenseurs, doit vous faire suspecter une hypotension orthostatique. Vous contrôlez sa tension, en position assise et debout. Des valeurs significativement différentes, ainsi que certains signes cliniques (vertiges, troubles oculaires…), permettent de confirmer une hypotension orthostatique. Une consultation médicale s’avère indispensable pour apprécier les conséquences physiques et psychiques de la chute, puis pour réévaluer le traitement anti-HTA.

SURVEILLANCE CLINIQUE

Surveillance de l’efficacité du traitement

Surveillance de la tension artérielle

Elle permet à l’Idel de s’assurer que les objectifs tensionnels (PA < 140-90 mm de Hg ; et chez le diabétique ou l’insuffisant rénal : PA < 130-80 mm de Hg) sont bien atteints.

Surveillance du poids chez l’insuffisant cardiaque

Pour s’assurer de l’efficacité des diurétiques et de la résorption des œdèmes dus à l’insuffisance cardiaque.

Surveillance de la tolérance au traitement

Recherche d’une hypotension orthostatique

Les anti-hypertenseurs représentant la première cause iatrogène d’hypotension orthostatique dans la population âgée, il est particulièrement important qu’une Idel sache dépister une hypotension orthostatique, de façon à prévenir d’éventuelles chutes, aux conséquences potentiellement graves.

L’hypotension orthostatique est définie par une diminution de la pression artérielle systolique de plus de 20 mm de Hg et/ou d’une diminution de la pression artérielle diastolique de plus de 10 mm de Hg, survenant dans les trois minutes qui suivent le passage de la position clinostatique (allongée) à la position orthostatique (debout), et qui est corrigée par le retour en clinostatisme.

Ainsi, la mesure de la pression artérielle du patient en position couchée, puis debout, et la comparaison des deux valeurs obtenues permet de déceler une hypotension orthostatique (laquelle ne s’exprime pas forcément cliniquement, mais est susceptible de s’exprimer), ce qui impose alors des conseils spécifiques (comme le lever en deux temps notamment), pour prévenir les malaises et les chutes.

Surveiller la régularité du pouls

Il convient de rechercher une éventuelle bradycardie, si le patient est sous bêtabloquants ou sous inhibiteurs calciques bradycardisants (Isoptine, Tildiem).

Recherche d’œdèmes

Un examen des membres inférieurs des patients sous inhibiteurs calciques de type dihydropyridines (Amlor, Adalate, Icaz, Loxen, Zanidip…) permet de rechercher des œdèmes dus à une modification de la perméabilité vasculaire, liée à l’effet vasodilatateur des dihydropyridines. Le cas échéant, ces œdèmes devront être signalés au médecin.

Recherche d’une toux sèche

Au cours de la conversation, le patient peut se confier à l’Idel et lui faire part d’une toux gênante et rebelle. Il convient dans ce cas de vérifier le traitement du patient : si ce dernier est sous IEC, cette toux doit être signalée au médecin en vue d’une modification du traitement.

Recherche de signes cliniques de déshydratation

Chez un patient traité par diurétique(s), notamment dans un contexte de fortes chaleurs ou de pertes liquidiennes digestives (vomissements, diarrhées), l’Idel doit s’assurer que le patient ne présente pas de signes de déshydratation : persistance du pli cutané, sécheresse cutanéo-muqueuse (en particulier buccale), sensation de soif intense, enfoncement des globes oculaires, constipation…

SURVEILLANCE BIOLOGIQUE

Il est important que l’Idel vérifie que le patient ait un contrôle régulier de son ionogramme sanguin. Elle s’attachera en particulier à la surveillance de la natrémie (normale entre 136 et 145 mmol/l), et de la kaliémie (normale entre 3,5 et 5 mmol/l), qui peuvent varier sous l’influence des différents médicaments anti-hypertenseurs. Or une dyskaliémie (que ce soit une hypo ou une hyperkaliémie) expose le patient à des troubles musculaires, mais aussi à des troubles du rythme cardiaque graves, et une hyponatrémie peut être à l’origine d’une confusion mentale, en particulier chez le patient âgé.

Question de patient

Quels sont les médicaments à éviter en automédication, lorsqu’on est hypertendu ?

Tout d’abord, les médicaments susceptibles d’augmenter la pression artérielle comme les vasoconstricteurs utilisés pour soulager un rhume et, de façon plus générale, tous les médicaments effervescents, car ils contiennent du sodium. Les AINS sont également à éviter en automédication non seulement parce qu’ils peuvent augmenter la tension, mais aussi parce qu’ils peuvent favoriser la survenue d’une insuffisance rénale aiguë chez les patients traités par diurétiques, IEC ou ARA II. Mais il faut aussi éviter de prendre, sans avis médical, des médicaments qui peuvent interagir avec les anti-hypertenseurs et perturber la kaliémie, comme les laxatifs stimulants (Senokot, Dulcolax, Modane, Dragées Fuca…), qui sont hypokaliémiants, de même que les tisanes à base de bourdaine, de cascara ou de séné.

Hyponatrémies iatrogènes

→ Définie par une concentration plasmatique des ions sodium inférieure à 135 mmol/l, l’hyponatrémie peut être asymptomatique ou entraîner une hypotension artérielle (lorsqu’elle est associée à une diminution volémique), des céphalées, des nausées, vomissements, une somnolence et une faiblesse, ou encore une confusion (plus volontiers chez la personne âgée, dont le seuil confusiogène est abaissé), voire des convulsions ou un coma, lorsqu’elle est sévère.

→ Certains anti-hypertenseurs sont hyponatrémiants (les diurétiques, les IEC et les ARA II), mais aussi d’autres médicaments comme les IRS (qui constituent le traitement de première intention de la dépression nerveuse du patient âgé), les antidépresseurs d’action duale (venlafaxine, minalcipran et duloxétine), et certains anti-épileptiques comme la carbamazépine et l’oxcarbazépine. Ces médicaments sont d’autant plus susceptibles d’entraîner une hyponatrémie qu’il existe d’autres facteurs de risque d’hyponatrémie (diarrhées, vomissements, déshydratation…). C’est particulièrement le cas chez les personnes âgées, qui sont plus vulnérables en périodes de forte chaleur.

→ Une surveillance régulière de la natrémie en cas d’association de tels médicaments est donc primordiale, surtout chez la personne âgée.