Contrôler sa tension à domicile - L'Infirmière Libérale Magazine n° 282 du 01/06/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 282 du 01/06/2012

 

Cahier de formation

Savoir faire

Monsieur P. est un patient diabétique hypertendu qui peine à contrôler sa tension. Son médecin lui a préconisé l’achat d’un autotensiomètre. Monsieur P. vous fait remarquer que les chiffres qu’il obtient sont très différents de ceux du médecin. Il se demande si son appareil marche bien…

Demandez-lui où il s’est procuré son appareil car tous ne sont pas fiables et homologués. Puis assurez-vous qu’il sait bien utiliser son appareil et surtout qu’il ne bouge pas pendant la mesure. Par ailleurs, monsieur P. se sent très certainement moins stressé chez lui que chez le médecin, ce qui peut expliquer une tension inférieure à la maison.

INTÉRÊT DE L’AUTOCONTRÔLE

→ En complément de la mesure au cabinet médical, l’automesure, recommandée par la HAS (notamment chez les personnes âgées), permet de s’assurer de la permanence de l’hypertension artérielle et d’éviter les erreurs de diagnostic. L’autocontrôle tensionnel permet de dépister un “effet blouse blanche” (patients normotendus à domicile et hypertendus au cabinet médical, du fait du stress provoqué par la consultation), et inversement de révéler une “hypertension artérielle masquée” (pression artérielle contrôlée au cabinet médical, mais supérieure à la normale à domicile).

→ Chez la femme enceinte, l’autocontrôle pourra être proposé en cas d’HTA, d’antécédent d’HTA gravidique ou de prééclampsie.

→ L’automesure permet d’étudier l’efficacité du traitement et de vérifier le bon contrôle de la tension.

→ Elle a un intérêt en termes d’éducation thérapeutique, puisque le patient devient acteur du suivi de son traitement, ce qui contribue à en améliorer l’observance.

LES DIFFÉRENTS AUTOTENSIOMÈTRES

→ Il convient de demander l’avis d’un médecin ou d’un pharmacien avant de se procurer un autotensiomètre, car tous les appareils disponibles sur le marché ne sont pas fiables et ne sont pas validés par l’Afssaps (même s’ils comportent un marquage CE).

→ Il existe deux types d’appareils d’autocontrôle tensionnel validés par l’Afssaps : les autotensiomètres huméraux (qui se posent au bras) et les appareils radiaux (qui se positionnent au poignet).

→ Les appareils huméraux présentent un intérêt lorsque l’artère radiale est mal perçue, et ont la préférence des médecins car ils donnent des résultats considérés comme plus fiables que ceux, dépendants de la position de la main, donnés par les appareils au poignet. Cependant, ces appareils huméraux sont parfois jugés par les patients comme étant d’utilisation complexe. Les appareils au poignet sont moins encombrants et considérés comme plus faciles à utiliser (intérêt chez le patient âgé vivant seul). Ils présentent aussi un intérêt pour les patients ayant de gros bras.

→ Les autotensiomètres digitaux (qui prennent la tension au bout du doigt) sont à proscrire, car les valeurs sont imprécises et aucun de ces appareils n’est validé par l’Afssaps.

DU BON USAGE DE L’AUTOMESURE

La règle des trois

Il est conseillé d’effectuer :

→ 3 mesures successives le matin, avant le petit déjeuner et la prise des médicaments ;

→ 3 mesures le soir entre le dîner et le coucher ;

→ sur 3 jours consécutifs.

C’est la moyenne de ces 18 valeurs qui sera prise en compte par le médecin. Elle doit être inférieure à 135-85 mm de Hg (130-80 en cas d’insuffisance rénale ou de diabète).

En général, les automesures s’effectuent lorsque le diagnostic d’hypertension artérielle a été posé, dans les 3 ? jours précédant une consultation médicale ou après une modification du traitement anti-hypertenseur.

Précautions à respecter

→ Installer l’appareil sur une table.

→ S’asseoir et se reposer 5 minutes environ, avant de prendre la mesure. Ne pas fumer, boire du café, ni faire du sport dans l’heure précédant la mesure.

→ Positionner correctement le brassard : enfiler le brassard huméral sur un bras dénudé, “tuyau” vers le bas, à 2 doigts du pli du coude ; le brassard radial sera positionné à 2 doigts du poignet.

→ Prendre la mesure à la hauteur du cœur : poser le bras sur la table, le coude fléchi avec un appareil huméral ; et dans le cas d’un appareil radial, ramener l’avant-bras sur la poitrine, main sur le sein du côté opposé. Si la mesure est prise en dessous du niveau du cœur, les valeurs sont majorées, alors que si elle est prise au-dessus, les résultats seront au contraire minorés.

→ Ne pas bouger et éviter de parler pendant la mesure.

→ Les mesures peuvent être enregistrées dans les autotensiomètres à mémoire (dans ce cas, il ne faut pas prêter son appareil, car l’interprétation des résultats par le médecin serait faussée), ou reportées sur un relevé d’automesure (téléchargeable et imprimable sur le site du Comité de lutte contre l’hypertenison artérielle, www.comitehta.org).

→ Le patient ne doit modifier en aucun cas son traitement sans avis médical.

RELEVÉ D’AUTOMESURE

Réalisez le relevé d’automesure :

- après 5 minutes de position assise

- avec 3 mesures de suite mais avec un intervalle de 2 minutes entre chaque mesure

-le matin du début du petit déjeuner

- le soir avant le coucher Inscrire tous les chiffres qui apparaissent sur l’écran du tensiomètre pour la pression systolique et diastolique.

Systolique = pression systolique = pression maximum

Diastolique = pression diastolique = pression minimum

L’avis de l’expert
Docteur Christophe Berlemont, cardiologue, centre cardiologique d’Evecquemont (78)

« Les Idels sont des interlocutrices importantes »

Quels sont les effets indésirables des anti-HTA les plus fréquemment rapportés par les patients ?

En premier lieu, les problèmes d’hypotension, mais aussi, sous bêtabloquants, une fatigue si la bradycardie est trop importante, une gêne à l’effort, rencontrée lors de la montée rapide d’escalier par exemple, ou des essoufflements. Et puis, les messieurs se plaignent d’impuissance. Dans ce cas-là, j’essaie le Temerit, qui est un bêtabloquant vasodilatateur, ou je change de classe thérapeutique. Parfois, avec les bêtabloquants, il y a aussi des éruptions de type psoriasis, qui imposent aussi une substitution par un autre anti-HTA. Sous inhibiteurs calciques, les œdèmes des membres inférieurs sont une plainte fréquente. Avec les IEC, il peut y avoir une toux sèche, mais, en pratique, cet effet me semble moins fréquent que les chiffres annoncés dans les études le laissent attendre ! Sous diurétiques, les patients peuvent bien évidemment se plaindre de pollakiurie (fréquence excessive des mictions urinaires). Et j’ai vu des gynécomasties (développements des glandes mammaires chez l’homme) avec les diurétiques anti-aldostérone, qui imposent l’arrêt du traitement. Mais, heureusement, c’est le plus souvent réversible !

Quels conseils une Idel peut-elle donner à un patient hypertendu ?

Tout d’abord, des conseils diététiques visant à bien réexpliquer en quoi consiste concrètement un régime hyposodé, comme ne surtout pas resaler son alimentation, et éviter la consommation d’aliments riches en sel, à l’instar des fruits de mer et la charcuterie notamment. Mais aussi des conseils pour prévenir une hypotension : être très prudent lors du premier lever du matin, s’asseoir au bord du lit avant de se mettre debout, ne pas se lever brutalement d’une chaise, et, dans la mesure du possible, en tenant compte des éventuels problèmes articulaires des patients, conseiller de fléchir les genoux pour ramasser quelque chose, pour éviter de se pencher en avant (car, dans ce cas, l’hypotension peut se manifester lorsqu’on se redresse). Un autre point me paraît très important : en cas de gastro-entérite, veiller à ne pas être déshydraté, car les anti-HTA peuvent aggraver les choses. Dans cette situation, un avis médical est tout à fait indispensable en vue d’une réévaluation éventuelle du traitement.

Quels sont selon vous les principaux points de surveillance infirmière d’un traitement anti-HTA ?

Une surveillance de la tension artérielle, bien sûr, mais aussi la vérification de la bonne observance des traitements par le patient et du bon respect des horaires de prise. L’infirmière peut aussi rechercher des signes cliniques évocateurs d’un mauvais contrôle, comme des céphalées ou des signes d’hypotension orthostatique. Et puis des troubles soudains de la fonction supérieure, comme une confusion, peuvent faire suspecter à une Idel une hyponatrémie, et conduire à une consultation médicale en vue d’un contrôle biologique du ionogramme sanguin. Une Idel, grâce à ses visites régulières, parfois même quotidiennes, peut jouer un rôle important en termes de surveillance de traitement et d’éducation thérapeutique des patients hypertendus, notamment auprès des plus âgés.

Que pensez-vous de l’automesure tensionnelle ?

Elle permet au patient de s’investir davantage dans la prise en charge de sa pathologie, et non pas de simplement “subir” son traitement, et elle évite les erreurs de consultation dues à l’anxiété comme “l’effet blouse blanche”. Mais encore faut-il qu’elle soit réalisée dans de bonnes conditions ! Là encore, l’Idel, du fait de sa position privilégiée, est une interlocutrice importante : une Idel est en effet bien placée pour se rendre compte que le patient n’a peut-être pas correctement assimilé les explications du médecin ou du pharmacien et utilise mal son appareil.