Hôpital public FAUT-IL SE DÉFAIRE OU NON DES CONSULTATIONS PRIVÉES ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 281 du 01/05/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 281 du 01/05/2012

 

Le débat

À la faveur de l’élection présidentielle, et de plusieurs publications pointant des dépassements d’honoraires, le débat entre les pro et les anti-consultations privées à l’hôpital public resurgit. Et les avis sont tranchés.

Michaël Peyromaure, professeur des universités et praticien hospitalier (PU-PH) au service d’urologie à l’hôpital Cochin (AP-HP)

Vous souhaitez le maintien des consultations privées à l’hôpital public : pourquoi ?

La principale raison est que ce dispositif permet d’augmenter le revenu des médecins hospitaliers et le niveau de leur retraite. Rappelons, en effet, que le statut des hospitalo-universitaires est mixte, et que notre retraite n’est calculée qu’à partir de notre seule activité d’universitaire. De fait, la retraite d’un PU-PH est plus faible que celle d’un PH. Ce n’est pas normal. Par ailleurs, cette offre répond à la demande d’une partie de patients qui souhaite une relation privilégiée avec leur médecin et qui estime – et à mes yeux elle a tort sur ce point – qu’elle sera mieux prise en charge dans le cadre d’une consultation privée. De surcroît, le secteur privé à l’hôpital permet de maintenir le prestige et l’activité de certains services qui se dégradent. Enfin, ce dispositif ne pénalise pas les patients puisque cette offre se situe essentiellement dans des zones où la densité médicale est forte.

Quels effets auraient l’arrêt de ce dispositif ?

Ils seraient délétères. Nombre de praticiens renommés et compétents quitteraient le public pour rejoindre le privé, voire partiraient à l’étranger. Par ailleurs, les patients qui font le choix de consulter dans ces conditions ne viendraient plus à l’hôpital public. Bref, à un moment où il a grand besoin de renflouer ses caisses, ses recettes diminueraient puisque les praticiens qui ont une activité libérale reversent une part de leurs honoraires aux établissements.

Existe-il une alternative qui permettrait de maintenir ce dispositif tout en préservant les intérêts de chacun des acteurs ?

Elle n’est pas nécessaire. Mais, à mon sens, il y a des abus qu’il faut combattre, bien qu’ils soient marginaux parmi les 5 % des praticiens qui ont cette double activité. Pour cela, il faut absolument que les mécanismes de contrôles qui encadrent ce dispositif fonctionnent et, le cas échéant, sanctionnent les médecins qui ne s’y conforment pas. Les directeurs d’établissements possèdent d’ailleurs toutes les données – et le pouvoir – pour réguler cette pratique. Et je pense que, si cela était fait, les oppositions cesseraient, car nous avons tous à y gagner. Cela dit, je reste persuadé que la vraie question n’est pas de savoir si des médecins ont une pratique privée à l’hôpital, mais de savoir s’ils remplissent parfaitement leur mission de service public. Car, dès lors, où est le problème ?

Jean-Paul Vernant, professeur d’hématologie à l’hôpital de la Pitié- Salpêtrière (AP-HP), signataire, avec plus de 200 praticiens hospitaliers, d’un manifeste réclamant l’arrêt de l’activité libérale à l’hôpital *

De votre côté, vous souhaitez la suppression des consultations privées à l’hôpital public…

Sur les 45 000 praticiens hospitaliers, quelque 4 500 ont une activité libérale à l’hôpital, et la plupart sans dépassement d’honoraires. Le problème est qu’environ 1 800 d’entre eux en font et que certains en abusent. Ne pas dénoncer les agissements de ces derniers revient à les cautionner, d’où notre mobilisation. D’autant que cette pratique incarne à nos yeux une médecine à deux vitesses. Ainsi, on peut obtenir un rendez-vous rapidement en consultation privée alors qu’il faut parfois patienter des mois dans le public : c’est scandaleux ! Enfin, dans certains territoires, en ville comme à l’hôpital, des dépassements peuvent être imposés, pour certains examens ou interventions, aux patients qui doivent alors supporter un reste à charge important, qu’ils aient ou non une mutuelle.

Quels effets auraient l’arrêt de ce dispositif ?

Peyromaure dit que l’activité privée est garante de la mixité sociale à l’hôpital public : c’est une ineptie. Par exemple, il n’y a pas d’activité libérale dans les centres de lutte contre le cancer, or tout le monde s’y fait soigner ! Par ailleurs, arguer que les bons praticiens fuiraient l’hôpital signifie que ceux qui restent ne le sont pas ! Or, que je sache, la compétence d’un praticien ne s’évalue ni à l’aune de sa pratique privée, ni au poids de ses dépassements d’honoraires ! Enfin, la thèse du privé qui rapporterait à l’hôpital ne tient pas. Si ces médecins reversent une part de leurs honoraires (25 %) à leur établissement, c’est bien le moindre puisqu’ils disposent – sans frais – des infrastructures et du personnel de l’hôpital.

Existe-il une alternative qui permettrait de maintenir ce dispositif tout en préservant les intérêts de chacun des acteurs ?

Non, il faut en finir avec cette pratique. En revanche, on ne peut la supprimer du jour au lendemain. Notre proposition est que les futurs médecins qui souhaitent exercer à l’hôpital n’aient plus la possibilité d’y développer une telle activité. En compensation, il faut que les PU-PH voient leur retraite calculée sur l’ensemble de leurs revenus. Durant cette transition, l’activité privée pourra se poursuivre, à condition d’en respecter scrupuleusement les règles, que le versement des honoraires se fasse par le biais des caisses de l’hôpital et que les dépassements d’honoraires soient plafonnés.

* À lire sur http://petitlien.fr/5w81.