Accompagner les conseils diététiques - L'Infirmière Libérale Magazine n° 280 du 01/04/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 280 du 01/04/2012

 

Cahier de formation

Savoir faire

Depuis que le médecin a dit à monsieur P. qu’il devait contrôler son alimentation, son épouse lui interdit strictement toute consommation de sucrerie. Cette situation ne peut plus durer.

Vous pouvez rapidement le rassurer en lui disant que les mesures diététiques pour prévenir les complications du diabète visent plus un équilibre général de l’alimentation qu’un régime strict. En fait, elles se rapprochent d’un mode alimentaire souhaitable pour tout un chacun.

La restriction calorique, assez difficile à maintenir sur le long terme, privilégie une restriction modeste et le choix des aliments. Les régimes excessifs et les objectifs de pertes de poids rapides sont à bannir.

« Respecter un équilibre alimentaire ne doit pas exclure la notion de plaisir », souligne Marion Duquenne, diététicienne à la maison du diabète de Marcq-en-Barœul (59). Les réseaux et les Maisons du diabète sont source d’informations (voir Point de vue en page suivante), d’autant que 76 % des patients diabétiques de type 2 souhaitent des informations supplémentaires, en priorité sur l’alimentation (selon “Échantillon national représentatif des personnes diabétiques”, Entred 2007-2010).

SELON LE TYPE DE DIABÈTE

→ Dans le diabète de type 1 avec insulinothérapie, la diététique dépend du poids du patient, de son activité physique et du schéma insulinique. L’alimentation conseillée est proche d’une alimentation normale avec des apports glucidiques contrôlés. Ce sont surtout les situations exceptionnelles qui posent problème : sorties au restaurant, prises d’alcool, activités physiques intenses. Les insulines analogues rapides permettent d’adapter les doses à ces situations (voir le prochain cahier de formation Les traitements du diabète dans L’ILM n° 281.

→ Dans le diabète de type 2, souvent avec un surpoids, un équilibre correct uniquement avec des médicaments (y compris l’insuline) sans régime alimentaire ni exercice physique est impossible. En cas de surpoids, la lutte contre l’insulinorésistance passe par une correction des erreurs alimentaires et non par un régime hypocalorique sévère.

SURPOIDS ET OBÉSITÉ

Critères de l’OMS

Il existe plusieurs catégories en fonction de l’indice de masse corporelle (IMC) calculé selon la formule suivante : IMC = poids (en kg) / taille2 (en mètre) (voir tableau ci-dessous).

Selon l’OMS, le surpoids et l’obésité seraient responsables de 44 % des diabètes.

Trois types d’obésité

Obésité gynoïde

Typiquement féminine, les dépôts adipeux sont surtout localisés au niveau sous-cutané dans la partie inférieure du corps (fesses, hanches, jambes). Elle entraîne peu de risques graves pour la santé.

Obésité androïde

Les dépôts de graisses sont principalement au niveau du ventre (obésité abdominale). Typiquement masculine, elle s’observe aussi chez certaines femmes. L’obésité androïde expose le plus au risque de survenue du DT2 et aux complications.

Les obésités sévères sont souvent mixtes, à la fois gynoïde et androïde.

Obésité viscérale

L’augmentation de la graisse à l’intérieur de l’abdomen, autour des viscères, est la plus grave en termes de risques cardiovasculaires et métaboliques. Elle entraîne une compétition entre les acides gras libres et le glucose responsable de l’insulinorésistance. Plus fréquente chez les hommes, elle peut être difficile à diagnostiquer lorsqu’elle est associée à un IMC normal ou peu élevé.

La mesure du tour de taille

C’est un autre moyen d’apprécier l’obésité ou l’adiposité (part de la masse graisseuse dans la masse corporelle totale), en particulier l’adiposité viscérale. Un tour de taille supérieur à 90 cm chez la femme et 100 cm chez l’homme est considéré comme un facteur de risque cardio-vasculaire et d’insulinorésistance. Il est mesuré au niveau de l’abdomen, entre les crêtes iliaques et les dernières côtes (à hauteur de l’ombilic), en position debout. Certains spécialistes le considèrent comme un indicateur plus pertinent que l’IMC pour le risque de diabète (“Bilan et évaluation des programmes de prévention et de prise en charge”, Inserm, 2006).

LE SUCRE

Une distinction abandonnée

Pendant longtemps, les sucres complexes (amidon) étaient considérés comme des sucres lents et les sucres simples (saccharose, lactose, fructose) comme des sucres rapides. En fait, tous les sucres simples ne sont pas rapides et certains sucres complexes sont digérés rapidement, entraînant une élévation très rapide de la glycémie.

Rapidité de la réponse glycémique

Elle est liée à la rapidité du transit gastrique et diminuée par un apport simultané en graisses, protéines et fibres alimentaires. Un sucre simple consommé au cours d’un repas équilibré a un effet hyperglycémiant plus faible et plus lent, ce qui limite le pic hyperglycémique postprandial. La composition de l’aliment a aussi une influence. L’amidon contenu dans les biscottes ou le pain est absorbé rapidement, alors que les sucres rapides du chocolat, riche en graisse, sont répercutés lentement. Autres paramètres, les aliments solides sont digérés plus lentement que les liquides, et les aliments froids sont absorbés plus lentement que les aliments tièdes.

Index glycémique

On parle aussi de pouvoir hyperglycémiant. Il mesure l’effet hyperglycémique d’un aliment comparé au glucose. Les aliments conservent leur index glycémique même dans le cadre d’un repas varié. Cet index est augmenté par la cuisson, les traitements mécaniques (purée, marmelade) et certains procédés industriels des aliments déshydratés (purée en flocons…). Ainsi, les pâtes, le riz et les légumes sont à consommer de préférence al dente, c’est-à-dire légèrement craquants et pas trop cuits.

À l’inverse, les aliments consommés avec leur enveloppe naturelle (comme les lentilles ou les haricots), les laitages et les légumineuses (haricots, lentilles, pois, etc.) ont un faible index glycémique.

Les fibres

Ce sont des glucides partiellement digérés par le tube digestif qui apportent peu d’énergie. Il faut conseiller leur consommation sous forme de fruits et légumes frais ou cuits à chaque repas, mais aussi de compotes “maison” peu ou pas sucrées. Elles réduisent l’absorption des sucres alimentaires ajoutés et des graisses. Associés aux féculents, les légumes gonflent le volume du repas sans trop augmenter les calories, et modèrent l’élévation glycémique après le repas. Les conserves ou les surgelés natures (non cuisinés) ont une valeur alimentaire presque aussi bonne que celle les légumes frais. Les pains aux multicéréales ou complets apportent aussi des fibres (environ 100 g par jour, 5 tranches ou une demi-baguette).

Les édulcorants

Ils peuvent être utilisés occasionnellement. « Les édulcorants peuvent aider les personnes qui n’arrivent pas à se passer du goût sucré pour le café ou le yaourt, par exemple. Même s’il vaut mieux se déshabituer de cette appétence pour le sucre », précise Marion Duquenne. Consommés régulièrement, ils peuvent maintenir, voire augmenter l’attrait pour le sucré. De plus, les effets d’une consommation régulière à long terme sont imparfaitement connus. Les édulcorants sont désignés comme des additifs compris entre E950 et E967 : l’aspartame (E951), l’acésulfame K (E950) et le sucralose (E955) sont les plus fréquents.

Pas d’interdiction stricte

Le temps de l’interdiction totale des produits sucrés est révolu. Il s’agit aujourd’hui de distinguer les produits naturellement sucrés, comme les fruits, des produits contenant des sucres ajoutés. Il faut rappeler aux diabétiques que les études montrent qu’une suppression totale des produits sucrés entraîne une augmentation de la consommation de lipides, cause de surpoids (voir encadré de la page ci-contre).

LES MATIÈRES GRASSES

Effet délétère

« Elles sont parfois oubliées alors qu’elles engendrent une surcharge au niveau abdominal qui va entraver l’action de l’insuline, rappelle la diététicienne. On les retrouve le plus souvent dans le mode de cuisson, le beurre, la charcuterie, le fromage et les viandes. » Au-delà de 10 g de lipides (équivalent d’une cuillère à soupe d’huile) pour 100 g d’aliments (à lire sur les étiquettes), un produit a une assez forte concentration en matières grasses. Sans les proscrire, la consommation de ces produits doit être contrôlée dans la ration quotidienne. En cause, les huiles de palme, de coprah, les proportions importantes d’acides gras saturés ou d’acides gras trans.

Modérer les conseils

Les personnes en surpoids ou obèses sont souvent de gros mangeurs. Les portions des repas sont réduites progressivement pour ne pas favoriser les prises alimentaires en dehors des repas. La démarche commence par adopter une alimentation normalement calorique en agissant sur les collations entre les repas.

Certaines consommations doivent être réduites : plats industriels et traiteurs contenant des huiles de palme, de coprah ou du beurre, les charcuteries, sauf le jambon sans le gras, les viandes grasses (côtes de porc ou d’agneau, saucisses, plat de côte…).

LE GRIGNOTAGE ENTRE LES REPAS

« Pour lutter contre le grignotage entre les repas, on peut remplacer un aliment par un autre, une tarte par un produit laitier ou un fruit par exemple, propose Marion Duquenne. On peut aussi se détourner de l’envie de sucre par une activité comme les mots croisés ou une promenade avec le chien. » Pour les personnes fortement attachées au plaisir d’une sucrerie, « il faut prendre en compte une éventuelle anxiété suscitée par la limitation du grignotage ». La prise de trois repas réguliers par jour, en rappelant l’importance du petit déjeuner, contribue à limiter le grignotage. Préférer un petit déjeuner normalement glucidique et mixte, avec un yaourt, une portion de fromage ou une tranche de jambon et éventuellement un fruit. Pour une collation à 16-17 heures, privilégier un fruit ou un laitage accompagné d’un café ou d’un thé.

PRÉCAUTIONS CHEZ LES PERSONNES ÂGÉES

Une attention particulière doit être portée aux risques de dénutrition aggravés ou déclenchés par des problèmes dentaires. Une ration inférieure à 1 500 calories par jour est proscrite. Le plaisir des repas doit être respecté, toute frustration à ce sujet est globalement inutile. La prise raisonnable de glucides simples en fin de repas et la consommation éventuelle d’un verre de vin au cours de celui-ci s’inscrivent dans cette démarche.

Question de patient

Que sont les acides gras trans ?

Ce sont des acides gras insaturés. Certains, créés dans l’estomac des ruminants (produits d’origine laitière et la viande), sont dits naturels. D’autres se retrouvent dans les viennoiseries et les biscuits de fabrication industrielle, les margarines, barres chocolatées et certains plats cuisinés. L’étiquetage des acides gras trans n’est malheureusement pas obligatoire. Leur présence est indiquée par le terme “huiles (ou graisses) partiellement hydrogénées”.

Contrôler les produits sucrés*

Les produits avec sucre ajouté doivent être consommés en petite quantité, à la fin d’un repas riche en fibres, jamais en dehors des repas.

→ Les viennoiseries (brioches, croissants, pains aux raisins…), nombreux biscuits, céréales sucrées du petit déjeuner, gâteaux, confiseries, etc.

→ Les desserts lactés sucrés, fruits au sirop, nougats, sorbets et glaces contiennent des sucres ajoutés en proportion variable.

→ Les fruits et les légumes les plus sucrés sont à consommer avec modération : ananas, banane, raisin, mangue, chou de Bruxelles, carotte, betterave, pommes de terre en purée ou en frites…

À noter : il vaut mieux éviter les boissons sucrées (sodas et jus de fruit industriels) et les remplacer par des fruits pressés sans ajouter de sucre.

* D’après 51 ordonnances alimentaires, Laurent Chevallier, éditions Elsevier Masson, 2008.

Questions de patient

Est-ce que je peux utiliser des produits allégés ?

Ils permettent de réduire la ration de graisses, mais ils ne sont allégés que d’environ 25 %. Aussi, leur utilisation sans modération peut conduire à une ration plus importante de graisses que l’utilisation limitée de produits normaux.

Peut-on diagnostiquer un diabète grâce à la glycémie capillaire ?

Non. C’est un moyen de surveillance ou pour orienter le dépistage en médecine du travail par exemple, mais en aucun cas un moyen de diagnostic. Elle mesure le taux de glucose dans du sang total, alors que la glycémie veineuse analyse le plasma veineux.

Pourquoi ma glycémie est-elle particulièrement élevée le matin au réveil ?

À cause du diabète de type 2, la production de glucose par le foie est augmentée, particulièrement la nuit, période au cours de laquelle cette production est normalement freinée. La glycémie est donc plus élevée le matin au réveil que durant le reste de la journée.

Point de vue…

« Les maisons du diabète sont des interlocuteurs pour les Idels »

Frédérique Rousseaux, directrice de la Maison du diabète* et des maladies chroniques de Marcq-en-Barœul (59)

« Il existe plusieurs “maisons du diabète” et chacune propose un fonctionnement et des missions qui lui sont propres : éducation thérapeutique du patient ou sensibilisation vers l’éducation thérapeutique, information et formation des acteurs de santé. Les personnes diabétiques viennent spontanément ou sont orientées par leur médecin ou un autre acteur de santé (infirmière, kiné, podologue). Dans le cadre de l’éducation thérapeutique, les patients auront un premier entretien avec une infirmière formée au diabète et/ou une diététicienne. »

* Pour trouver une Maison du diabète près de chez vous : www.maison-diabete.info, tél. : 03 20 72 32 82.