TROD DU VIH : UN OUTIL DE DÉPISTAGE À GÉNÉRALISER AUPRÈS DE TOUS ? | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 278 du 01/02/2012

 

Le débat

L’usage des tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) du VIH doit-il s’étendre ? Le 17 novembre 2010, le ministère de la Santé a élargi les possibilités d’y recourir et autorisé les médecins libéraux ou les personnels de structures investies dans la prévention à les réaliser. Plus d’un an après, avis sur cette stratégie.

Dr Philippe Dhotte

Responsable du CMS-Cidag-Ciddist du Figuier(1) à Paris. A mis en place en septembre 2011 une consultation infirmière de Trod du VIH.

Qu’apportent pour vous les Trod ?

Ils proposent une démarche de dépistage simplifiée à des personnes n’accédant pas au dispositif habituel et augmentent la fréquence des tests chez celles évoluant dans un milieu où l’épidémie est élevée. La connaissance précoce de la séropositivité est bénéfique puisqu’elle autorise une orientation rapide vers le soin – et donc un meilleur suivi du patient – et qu’elle favorise la prévention de la transmission du VIH. Ce système, qui n’a pas vocation à se substituer au dispositif classique, peut même en être une porte d’entrée. Sa souplesse permet également d’aller au-devant des publics via des dépistages délocalisés.

Quelles limites y voyez-vous ?

Réalisés sur une goutte de sang capillaire, les Trod ont une fiabilité très correcte, mais leur sensibilité est moindre que ceux, classiques, effectués sur sang veineux, pour détecter les débuts d’infection. En outre, la lecture étant effectuée à l’œil et non par une machine, il peut subsister une petite marge d’erreur. Cette performance reste cependant acceptable si on ne se trompe pas d’objectif, à savoir augmenter la fréquence des tests. Enfin, autre limite : les Trod ne dépistent aujourd’hui que le VIH et non d’autres IST.

Faudrait-il les généraliser ?

Étant donné leur coût et leurs performances, il n’est pas forcément pertinent de les proposer à tous et en toutes circonstances. On peut néanmoins largement développer leur usage, mais après évaluation des initiatives déjà lancées. Par exemple, s’il s’avérait que des personnes réalisaient beaucoup de Trod et, de fait, moins de dépistages d’IST ou de tests classiques, le bénéfice serait discutable.

Au Figuier, les Trod sont réalisés gratuitement dans le cadre d’une consultation infirmière du CMS, adossée au CDAG(2). À terme, nous évaluerons si le public des deux structures diffère et si davantage de personnes au comportement plus risqué (changement de partenaires, etc.) accèdent à cette consultation.

Pour les infirmiers, quel est l’intérêt ?

Elle diversifie leur rôle. En vingt minutes, l’infirmier reçoit le patient en entretien, effectue un prélèvement et annonce le résultat. Les retours des infirmiers sont bons.

Dr Michel Ohayon

Coordinateur médical à Sida Info service(3). Participation au groupe de travail sur le dépistage de la HAS, qui a émis des recommandations en 2008.

Que pensez-vous des Trod ?

En France, on réalise beaucoup de tests du VIH, mais on évalue à 50 000 les personnes qui ignoreraient leur séropositivité. Dans ce cadre, on a estimé que les tests rapides pouvaient être un outil pour les toucher, en les proposant dans des endroits – ou circonstances – différents. L’avantage des Trod est que, la réponse étant instantanée, les gens n’ont pas à venir chercher les résultats. Mais le dispositif, voulu à grande échelle par la HAS, a été réduit à peau de chagrin. L’Assurance maladie refuse de le prendre en charge, la campagne auprès des médecins de ville pour l’étendre n’a pas été menée… C’est regrettable.

Les Trod n’ont-ils pas cependant des limites ?

Non, ils sont efficaces et fiables. Le seul obstacle tiendrait aux délais, mais c’est un faux problème. On confond en effet souvent rendu rapide du test et réponse rapide par rapport à un risque. Les Trod sont en fait plus lents que les tests classiques employés en France : un délai de trois mois après un risque est nécessaire pour s’assurer d’une séronégativité au lieu des six semaines révolues. Mais l’idée selon laquelle les gens effectuent un test en fonction d’un risque est un mythe. Et ceux qui se découvrent ainsi séropositifs l’étaient en général avant.

Faudrait-il les généraliser et comment ?

Négliger cet outil est aberrant, mais la question est de savoir quelle politique de santé on instaure derrière. Considérer que l’épidémie concerne pareillement toute la population est faux. Je suis pour des stratégies de dépistage énergiques mais ciblées, dans les milieux les plus touchés : les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes et les migrants issus de pays de forte endémie. Je suis favorable à leur extension dans les cabinets de ville, les consultations hospitalières, des lieux communautaires, etc., mais pas a priori en CDAG, où les délais de rendu de test sont exorbitants. Il leur faut trois à dix jours quand, en laboratoire, une journée suffit ! Je ne voudrais pas que les tests rapides servent à pallier un dysfonctionnement.

(1) CMS-Cidag-Ciddist du Figuier : Centre médico-social, Consultation d’information, de dépistage anonyme et gratuit, Centre d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles du Figuier, 2 rue du Figuier, 75004 Paris.

(2) CDAG : Centre de dépistage anonyme et gratuit.

(3) Site Internet : www.sida-info-service.org.