Médecin coordinateur, garant de la gériatrie - L'Infirmière Libérale Magazine n° 277 du 01/01/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 277 du 01/01/2012

 

Dr Philippe Marissal, président du Syndicat national des généralistes et gériatres intervenant en Ehpad

La vie des autres

Pendant quelques années, Philippe Marissal a été le médecin coordonnateur de l’Ehpad de son village, Champagne-en-Valromey, dans l’Ain. Maintenant à la tête du Syndicat des généralistes et gériatres intervenant en Ehpad, il défend ce métier, trop peu valorisé.

Chaque Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) a l’obligation d’employer un médecin coordonnateur, compétent en gériatrie, qui sera l’interlocuteur médical du directeur de l’établissement. « Le décret du 26 avril 1999 relatif à la gestion budgétaire et comptable des Ehpad a créé ce métier et précise les missions de ces praticiens ainsi que les conditions à remplir en vue de leur engagement », fait savoir le Dr Philippe Marissal. Leurs missions sont également définies par deux décrets de 2005 et 2007 qui s’appliquent pour les Ehpad aussi bien privés, associatifs, communaux que départementaux.

De multiples missions

Le médecin coordonnateur possède une série de missions, comme travailler avec le directeur pour organiser le projet de soin de santé de l’établissement et définir avec l’équipe soignante les priorités de soins. Il est le coordonnateur des professionnels de santé pour la pratique gériatrique, il participe à la formation gérontologique continue du personnel soignant, organise la permanence des soins dans l’établissement et entretient des relations avec les professionnels de santé pour organiser les visites des libéraux. Il a également un rôle dans la surveillance des infections, il détermine la liste des médicaments principaux utilisés dans les Ehpad. Enfin, il vérifie si l’établissement est en capacité de recevoir les résidents. « Le médecin coordonnateur doit s’assurer que les résidents ont bien été orientés dans un Ehpad pouvant répondre à leurs besoins », explique le Dr Marissal. Normalement, les Ehpad acceptent des résidents après des visites de pré-admission. « Mais, souvent, ces visites n’ont pas lieu. Il y a de nombreuses lacunes dans la gestion de ces établissements, liées notamment au manque de moyens », rapporte Philippe Marissal, qui a démissionné de son poste de médecin coordinateur en raison d’un désaccord avec le directeur de la structure.

Réelle pénurie

Nombreux sont les médecins coordonnateurs qui, à l’origine, étaient les médecins généralistes de maisons de retraite devenues par la suite des Ehpad. Pour exercer ce métier, ils doivent être titulaires d’une capacité en gériatrie.

Ils peuvent également se former avec un Diplôme universitaire (DU) de médecin coordonnateur ou par le biais, notamment pour les libéraux, de la Formation médicale continue (FMC). Dans ce cadre, les futurs médecins coordonnateurs suivent des séminaires, effectuent des stages et réalisent un mémoire pour ensuite recevoir leur attestation. Ce métier est attractif pour les médecins, en raison des horaires non contraignants et de l’absence d’astreinte.

« Néanmoins, il manque de médecins coordonnateurs en France et de nombreux Ehpad en cherchent activement », indique le Dr Marissal. Il existe environ 11 000 Ehpad et entre 5 500 et 6 000 médecins coordonnateurs. « Le nombre inestimable de postes vacants s’explique par le fait que certains praticiens quittent leur fonction car ils se rendent compte qu’ils ne sont pas prêts pour le travail d’équipe ou parce qu’ils sont déçus par l’exercice du métier, souligne le médecin. De nombreux directeurs d’Ehpad ne leur donnent pas les moyens pour effectuer leur travail. »

Problèmes financiers

Les médecins coordonnateurs d’Ehpad sont des salariés de ces établissements. Ces derniers ont un budget déterminé pour payer le praticien, qui intervient pendant un temps dédié, défini en fonction du nombre de lits au sein de l’Ehpad. Un médecin coordonnateur peut donc exercer sa fonction dans plusieurs Ehpad.

La question du salaire est source de revendication de la part de la profession car aucun chiffre officiel ne fixe son montant. « Nous avons demandé une grille des salaires aux autorités, mais on ne nous a pas écoutés, regrette le Dr Marissal. Le salaire de base varie donc du simple au quadruple. » Et de poursuivre : « Des médecins coordonnateurs sont payés entre 1 800 et 2 000 euros par mois, comme les étudiants en médecine. Et certains médecins n’atteignent même pas ce montant. Or il s’agit d’un métier à haute valeur ajoutée. » Cette rémunération varie aussi en fonction du statut de l’Ehpad : public, privé, associatif. Ainsi, dans le public, la direction est contrainte d’appliquer un certain montant. « Mais il y a un manque de reconnaissance de l’ancienneté du médecin. » Dans le privé ou dans l’associatif, la direction fixe le montant qu’elle souhaite. « Donc si une structure veut un médecin coordonnateur, elle se doit de s’en donner les moyens », estime le président du syndicat. De fait, il conseille aux praticiens de bien négocier leur salaire avant d’accepter un poste, « d’autant que le manque réel de médecins coordonnateurs peut constituer une source de négociation salariale pour eux. »

Il dit de vous !

« Depuis l’exclusion des infirmières libérales des Ehpad, les médecins coordonnateurs les rencontrent lorsqu’elles prennent part, dans les établissements, à des soins bien précis, comme pour les chimiothérapies. Elles interviennent dans les Ehpad par défaut, en cas de manque d’infirmières salariées. Elles comblent un peu les trous, ce qui est dommage, car il a été prouvé qu’un regard extérieur, quel qu’il soit, est en faveur de la bientraitance de la personne âgée. Elles pourraient intervenir en complément, pour certains actes techniques ou pour les besoins de coordination des résidents qu’elles connaissent. Lorsque les patients entrent dans un Ehpad, ils perdent souvent leurs infirmières libérales. Or certains d’entre eux aimeraient la garder car ils ont noué des liens forts avec elles. Nous défendons leur présence comme nous défendons celle des médecins libéraux dans les Ehpad pour un gage de qualité. »

LE SYNDICAT DES MÉDECINS INTERVENANT EN EHPAD

Une nécessité pour garantir ses droits

Philippe Marissal est le président du SNGIE depuis trois ans. Ce syndicat est une branche de MG France, créée il y a cinq ans en réponse à l’absence d’un système de protection pour les médecins coordonnateurs. « Il fallait un syndicat pour garantir leurs droits vis-à-vis des autorités », soutient le Dr Marissal. Et puis, « dorénavant, comme nous sommes un syndicat, nous avons plus de poids et nous avons accès au ministère pour discuter », indique-t-il. Le syndicat met tout en œuvre pour que le médecin coordonnateur ait une réelle fonction dans l’Ehpad. « Il ne faut pas qu’il soit le strapontin du directeur », rapporte le président du SNGIE. Depuis dix ans, MG Form organise aussi un cycle de formation pour les futurs médecins coordonnateurs, avec des séminaires de deux jours dont six nécessaires pour la validation.