Dépister une hypotension orthostatique sous alpha-bloquants - L'Infirmière Libérale Magazine n° 277 du 01/01/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 277 du 01/01/2012

 

Cahier de formation

Savoir faire

Il est important pour une Idel confrontée à la prise en charge d’une HBP, de surveiller la tolérance aux traitements et de participer à l’éducation thérapeutique des patients, tant pour prévenir les effets indésirables des traitements médicaux ou chirurgicaux, que pour limiter les troubles urinaires.

M. J., 72 ans, est traité pour une hypertension artérielle par Cokenzen (sartan + diurétique), dont le dosage a récemment été augmenté (16/12,5 au lieu de 8/12,5). Il suit également depuis plusieurs années un traitement par Josir LP 0,4 mg (tamsulosine). Depuis le décès de sa femme, il y a trois ans, M. J. vit seul, mais sa fille, Françoise, lui rend visite tous les jours. Alors que vous êtes au domicile de M. J., Françoise vous apprend que son père est tombé ce matin, en allant ouvrir au facteur.

Cette chute survenant lors d’un lever brusque, chez un patient traité par anti-hypertenseur et alpha-bloquant urinaire, doit vous faire suspecter une hypotension orthostatique. Il convient de renforcer la surveillance de sa pression artérielle en prenant sa tension en position assise et debout. Des valeurs significativement différentes permettent de confirmer une hypotension orthostatique. Conseillez à M. J. de se lever prudemment en deux temps. Si les malaises se réïtéraient, il faudrait les signaler au médecin, en vue d’une éventuelle réévaluation du traitement ou d’une prescription de bas de compression veineuse utiles pour prévenir une hypotension orthostatique.

DÉFINITION DE L’HYPOTENSION ORTHOSTATIQUE

L’hypotension orthostatique est définie comme une diminution de la pression atérielle systolique de plus de 20 mm de Hg et/ou d’une diminution de la pression artérielle diastolique de plus de 10 mm de Hg, survenant dans les trois minutes qui suivent le passage de la position clinostatique (allongée) à la position orthostatique (debout), et qui est corrigée par le retour en clinostatisme.

SIGNES CLINIQUES

Du fait d’une diminution de la perfusion cérébrale, l’hypotension orthostatique peut provoquer une lipothymie : sensation de vertiges, troubles oculaires, bourdonnements d’oreilles, impression que les jambes se dérobent… Elle peut aussi se manifester par une chute, aux conséquences parfois graves chez le patient âgé (fractures, traumatismes crâniens et hématomes intra-crâniens, mais aussi perte de confiance en soi, peur de rechuter, voire perte d’autonomie) ou par une syncope.

PHYSIOPATHOLOGIE

Lors du passage brutal de la position couchée à la position debout, il y a accumulation de sang dans les membres inférieurs, diminution du retour veineux cardiaque, et la pression artérielle chute. Cependant, les barorécepteurs aortiques et carotidiens captent ces changements de pression et transmettent des signaux au cerveau. Il s’en suit une stimulation sympathique, qui permet de rééquilibrer les pressions, par tachycardie et vasoconstriction.

Les alpha-bloquants, en agissant sur les récepteurs alpha vasculaires, exercent une vasodilatation périphérique, limitant les phénomènes physiologiques qui permettent de rééquilibrer les pressions, abaissant la résistance et la pression artérielles et générant une hypotension orthostatique, notamment dans les 30 à 90 minutes suivant leur administration (en particulier lors de la première prise).

FACTEURS DE RISQUE

L’âge constitue un facteur de risque d’hypotension orthostatique, puisque, chez un patient âgé, il y a une altération des barorécepteurs : le patient âgé a donc plus de mal qu’un sujet jeune à réequilibrer les pressions lors des changements de position.

La polymédication est également un facteur de risque. De nombreux médicaments sont en effet susceptibles d’induire ou d’aggraver une hypotension orthostatique : il s’agit non seulement des alpha-bloquants utilisés dans le traitement de l’adénome de la prostate, mais également, bien évidemment, des anti-hypertenseurs, des dérivés nitrés, de certains neuroleptiques, des antidépresseurs tricycliques, des antiparkinsoniens et des médicaments utilisés dans les troubles de l’érection. Aussi est-il important d’informer les patients sur les risques de chutes et sur l’intérêt d’un lever en deux temps, notamment lors de la mise en route de tels traitements.

Le risque d’hypotension orthostatique augmente aussi en cas de diabète, d’hypertriglycéridémie, de maladies neurologiques comme la maladie de Parkinson, d’ambiance surchauffée, voire de canicule…

RECHERCHE D’UNE HYPOTENSION ORTHOSTATIQUE

Du fait de la forte prévalence de l’adénome prostatique au sein de la population âgée, il est important que l’infirmière libérale sache déceler quels sont les patients qui font de l’hypotension orthostatique, de façon à leur donner les conseils adéquats pour prévenir une manifestation clinique de cette hypotension orthostatique.

En cas d’antécédent d’expression clinique, le diagnostic d’hypotension orthostatique repose sur l’interrogatoire : recherche de sensations de vertiges, de troubles oculaires, de bourdonnements d’oreille, d’impression que les jambes se dérobent, de chutes…

Mais il est principalement affirmé par la mesure de la pression artérielle du patient en position couchée, puis debout, et par la comparaison des deux valeurs : des valeurs significativement inférieures en position debout (avec un différentiel de plus de 20 mm de Hg pour la pression systolique et/ou de plus de 10 mm de Hg pour la diastolique) signent une hypotension orthostatique (qui ne s’exprime pas systématiquement au plan clinique, mais qui est susceptible de s’exprimer) et imposent une éducation spécifique du patient (comme le lever en deux temps notamment).