Une implication extrême - L'Infirmière Libérale Magazine n° 276 du 01/12/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 276 du 01/12/2011

 

DÉVOUEMENT

L’exercice au quotidien

Reine du social pendant dix ans, Évelyne Delhostal a fini par quitter le libéral et même la région parisienne. Loin d’être usée par son implication auprès des patients, elle s’est pourtant rendue à l’évidence : non rentable.

« On m’appelait la “mère Teresa du 93”. C’est vrai que, pour moi, il était hors de question de laisser le moteur de la voiture tourner pendant le temps d’une injection chez le patient ! De même, une toilette commençait toujours par l’ouverture des volets et se terminait par le petit café que je préparais… Chez certains patients, il m’arrivait de passer trois fois par jour, par exemple, notamment pour la calciparine, à 7 heures, 15 heures et 23 heures. Entre, j’arrivais à placer le reste de ma tournée. Au final, je faisais partie intégrante de la famille. C’était d’ailleurs le cas pour une dizaine de patients sur la cinquantaine que je suivais.

Pas de limite

Lorsque qu’un “papi” me disait qu’il n’avait pas vu la mer depuis longtemps, je prenais la voiture et je l’y emmenais. De la même façon, j’ai accompagné un patient à un mariage, parce qu’il lui fallait un soin infirmier le soir. J’ai même imposé une grand-mère à mon compagnon pendant quinze jours lors de nos vacances ! Et si, à 4 heures du matin, un “papi” tombait du lit, j’y allais… De toute façon, mes patients savaient qu’ils pouvaient m’appeler à toute heure du jour et de la nuit. Je ne savais pas me cantonner à des horaires fixes. Je me trouvais bien entendu en relation avec les services sociaux pour monter les dossiers. Quand le patient était accompagné d’un aidant, c’était à lui que je donnais les tuyaux, mais si le patient était isolé ? J’ai eu par exemple une personne âgée qui avait droit à un fauteuil roulant, mais qui ne comprenait rien aux papiers à remplir… J’allais la laisser se désocialiser parce qu’elle ne pouvait plus marcher ? Non, j’ai fait les papiers moi-même, et ce, pour un certain nombre d’autres patients aussi.

J’avais la même démarche avec mes collègues du cabinet. C’est-à-dire que nous étions deux associées et nous étions six à travailler. Il était hors de question que je réclame à nos remplaçantes une rétrocession. Au fil des ans, ma famille a fini par en avoir assez et les quotas sont apparus – j’ai exercé en libéral de 1986 à 1995. Qu’est-ce que j’allais dire à mes patients ? On fait une pause de deux mois et je vous reprends ensuite ?

À quand une ligne directe pour le social ?

Et puis, j’ai fait les comptes… Rapporté au taux horaire, non seulement je ne gagnais pas davantage qu’à l’hôpital, mais ça me demandait cent fois plus d’énergie ! J’ai donc quitté le libéral. Mais je suis restée très liée avec mes patients avant de quitter la région. Je les ai accompagnés jusqu’au bout. Je passais leur faire des courses, leur couper les ongles… Même si les choses se sont structurées aujourd’hui au niveau social, une ligne directe 24 heures sur 24 serait nécessaire. Ceci dit, le libéral reste pour moi la plus chouette expérience au niveau humain. »

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