Sensibiliser à la détection précoce - L'Infirmière Libérale Magazine n° 276 du 01/12/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 276 du 01/12/2011

 

Cahier de formation

Savoir faire

Initiés à l’hôpital, les traitements, lourds et invasifs, se poursuivent en partie à domicile. En rentrant à la maison, la femme doit faire face à des effets secondaires physiques et psychologiques majeurs. L’infirmière est à ses côtés pour l’accompagner, elle et ses proches.

Mme D., 36 ans, a perdu sa tante d’un cancer du sein il y a de nombreuses années. Sa sœur est soignée pour un cancer des ovaires, sa cousine a un cancer du sein…

Incitez-la à consulter sans délai un centre d’oncogénétique, capable d’évaluer sa prédisposition familiale et de lui proposer, si nécessaire, un protocole de surveillance renforcé. En cas de terrain héréditaire défavorable, les risques de développer un cancer du sein sont majeurs et l’évolution d’une tumeur à son âge est très rapide.

LA PRÉVENTION

L’autosurveillance

Le rôle de l’autosurveillance (ou autopalpation) dans le dépistage du cancer du sein est fondamental. Toutes les femmes peuvent apprendre à observer leurs seins et à être attentives aux changements. Devant son miroir ou sous la douche, réaliser une palpation une fois de temps en temps. Les signaux d’appel cliniques :

→ nodule, boule, grosseur dans le sein ;

→ anomalie du galbe mammaire ;

→ rétraction de la peau ou du mamelon ;

→ rougeur, œdème ou aspect de peau d’orange ;

→ écoulement mammaire ;

→ ganglions palpables au niveau des aisselles.

Attention, l’autopalpation peut rassurer, mais aussi angoisser, et de petits kystes ou nodules non cancéreux sont fréquemment détectés chez les jeunes femmes.

L’examen clinique des seins

Les médecins généralistes examinent rarement les seins de leurs patientes, sauf demande expresse, préférant souvent laisser cette tâche aux spécialistes. L’examen clinique des seins par les gynécologues est plus systématique, mais toutes les femmes ne sont pas suivies régulièrement. Après la ménopause, nombre d’entre elles espacent les consultations gynécologiques, qu’elles jugent désagréables et peu utiles une fois les risques conceptionnels écartés.

La mammographie

En France, l’Assurance maladie prend en charge à 100 % une mammographie bilatérale de dépistage tous les deux ans entre 50 et 74 ans. L’incitation massive au dépistage est un sujet de controverse (voir encadré ci-contre). En dehors des profils à risque, il est déconseillé de pratiquer des mammographies avant 40 ans, parce que la densité des seins rend cet examen difficile à interpréter et la glande mammaire est plus sensible aux radiations.

La surveillance clinique

L’infirmière à domicile peut rappeler l’intérêt d’une surveillance clinique, sans pour autant inquiéter ou culpabiliser celles qui ne souhaitent pas se soumettre au dépistage. Grâce à sa connaissance parfois de l’histoire familiale, elle peut aider au dépistage des cancers familiaux. La survenue de cancers du sein et des ovaires chez une mère, une grand-mère, une sœur ou une cousine doit mettre la puce à l’oreille, surtout si elles ont été malades jeunes (avant 40 ans).

Les divers plans Cancer ont mis l’accent sur le développement des consultations spécialisées d’oncogénétique, qui existent aujourd’hui dans 72 villes (liste disponible sur le site de l’INCa). L’oncogénéticien pourra calculer la prédisposition de la femme à développer un cancer du sein et la faire entrer dans un protocole de surveillance renforcée en cas de besoin.

Ainsi, les femmes porteuses d’une mutation sur le gène BRCA doivent être examinées tous les six mois dès l’âge de 20 ans par un clinicien spécialisé, puis faire une IRM thoracique tous les ans dès 30 ans, et une échographie pelvienne à partir de 35 ? ans. Cette surveillance étroite, conduite par un centre spécialisé dans les formes héréditaires de cancer, peut sauver des vies.

PRÉVENIR LA RÉCIDIVE

Le risque de récidive dans le même sein en cas de traitement conservateur ou dans le sein controlatéral existe. Lorsqu’une femme a été traitée pour un cancer du sein, elle est souvent mieux informée et plus à l’écoute des signes de récidive. Des protocoles de surveillance ont été définis. En raison du nombre important de femmes en situation d’après-cancer, les structures de soins ne peuvent assurer cette surveillance, qui est partagée avec les médecins de ville.

Cependant, la vigilance peut se relâcher avec le temps. Certaines femmes qui restent traumatisées par leur premier cancer préfèrent ignorer les signes d’une rechute : ce déni les conforte dans l’idée d’échapper à l’épreuve de nouveaux soins. Le ras-le-bol de la blouse blanche peut également s’exprimer. L’infirmière est alors bien placée pour rappeler régulièrement les conseils de vigilance. À l’inverse, certaines femmes en rémission très angoissées sont demandeuses d’examens pour surveiller l’apparition de métastases (scintigraphies osseuses, scanner thoraco-abdominal). Les examens systématiques n’ont pas démontré leur utilité en termes de survie ou de qualité de vie. Ils ne font pas partie des recommandations actuelles de suivi des femmes après un cancer du sein.

Point de vue…

La consultation d’oncogénétique encore trop mal connue

Martine Carret, journaliste, auteure de Cancer ? même pas peur ! (éditions l’Archipel), soignée pour un cancer du sein d’origine génétique

« Ma mère et ma grand-mère sont mortes très jeunes d’un cancer du sein. À l’âge de 44 ans, j’ai découvert une petite boule sous mon sein, qui était passée inaperçue à la mammographie. J’ai eu la chance d’être prise au sérieux immédiatement. Un an plus tard, les tests génétiques ont révélé que j’étais porteuse de la mutation BRCA1. Après avoir averti tous les membres de ma famille maternelle, j’ai été effarée d’entendre la réaction de certains médecins de mes cousines (gynécologues ou généralistes) qui leur ont conseillé de ne pas s’affoler, de ne pas “psychoter” inutilement… Une telle méconnaissance des risques est criminelle ! Les infirmières connaissent souvent bien leurs patients et leur entourage et peuvent relayer l’information. Si plus de trois femmes jeunes d’une même famille ont eu un cancer du sein et/ou des ovaires, il faut absolument les orienter directement vers une consultation spécialisée d’oncogénétique, à même d’évaluer leur terrain héréditaire et leur risque de développer un cancer. »

Polémique autour du dépistage systématique

La question du surdiagnostic, qui consiste à dépister des tumeurs mammaires qui n’auraient jamais développé de manifestations cliniques du vivant de la patiente, est soulevée par plusieurs spécialistes. Le Nordic Cochrane Centre, réseau indépendant de scientifiques qui diffuse des synthèses sur les connaissances en santé, vient d’éditer une brochure traduite par l’association Formindep* : « Si 2 000 femmes sont examinées régulièrement pendant dix ans, une seule d’entre elles bénéficiera réellement du dépistage par le fait qu’on lui évitera la mort par cancer du sein, parce que le dépistage a détecté le cancer à un stade précoce. » Dans le même temps, « dix femmes en bonne santé seront considérées comme des patientes cancéreuses et seront traitées inutilement. Ces femmes perdront une partie ou la totalité de leur sein et elles recevront souvent une radiothérapie et parfois une chimiothérapie ». De plus, « environ 200 femmes en bonne santé seront victimes d’une fausse alerte. Le stress psychologique de l’attente du résultat pour savoir si elles ont vraiment un cancer peut être sévère ». La caractérisation de biomarqueurs capables de prédire le risque d’évolutivité d’une tumeur vers une vraie maladie cancéreuse est un enjeu important de la recherche, qui permettra de réserver les traitements à celles qui en ont vraiment besoin et d’éviter les surtraitements aux autres.

* À lire sur Formindep (association pour une formation et une information médicales indépendantes de tout autre intérêt que celui de la santé des personnes) : www.formindep.org.