La maladie de Willebrand - L'Infirmière Libérale Magazine n° 273 du 01/09/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 273 du 01/09/2011

 

Pathologie hémorragique

Cahier de formation

LE POINT SUR

Pathologie hémorragique héréditaire, elle peut être asymptomatique et sans gravité. Le quotidien des malades n’est peu ou pas affecté, sauf en cas d’accident ou d’intervention chirurgicale. Toutefois, dans les formes sévères, rares, les saignements peuvent présenter un risque vital.

C’est une anomalie du facteur Willebrand qui en est à l’origine. Comme tous les facteurs de coagulation, le facteur Willebrand doit intervenir dans l’hémostase pour que celle-ci soit correctement réalisée. Il a deux fonctions essentielles : il est le facteur principal de l’adhésion plaquettaire et il est nécessaire au bon fonctionnement du facteur VIII de coagulation. En le transportant dans le sang circulant, il protège sa durée de vie. Chez les malades, il peut s’agir d’un déficit quantitatif ou qualitatif (anomalie de la structure ou de la fonction) en facteur Willebrand.

La maladie de Willebrand ne doit pas être confondue avec l’hémophilie A, autre maladie hémorragique, qui se caractérise par un déficit isolé en facteur VIII.

Trois types différents

Contrairement à l’hémophilie, les hommes et les femmes sont également atteints. Toutes formes confondues, le déficit (parfois très modéré) affecte environ 1 % de la population générale. Il en existe trois grands types, avec différents degrés de sévérité.

→ 80 % des patients sont concernés par la maladie de Willebrand de type 1. Il s’agit là d’un déficit quantitatif – rarement grave – en facteur Willebrand. Parmi les principaux symptômes : bleus (ecchymoses), règles abondantes (ménorragies), saignements des gencives (gingivorragies) ou du nez (épistaxis)… Souvent asymptomatique, la maladie peut longtemps rester méconnue et n’être diagnostiquée qu’à l’occasion d’un bilan préopératoire, de soins dentaires, ou, pour une jeune fille, lors des premières règles, particulièrement abondantes. Pour ces malades, les risques d’hémorragie grave sont liés à des interventions chirurgicales ou à des traumatismes.

→ La maladie de Willebrand de type 2 est relativement fréquente. Altéré dans sa structure, le facteur Willebrand présente un déficit qualitatif. La symptomatologie est identique à celle du type 1, avec parfois des manifestations hémorragiques plus graves, notamment digestives (melaena, rectorragies…). On distingue quatre sous-types. Chez les malades 2A, 2B et 2M, il y a une anomalie de la fixation du facteur Willebrand aux plaquettes, alors que, dans le type 2N, c’est la fixation du facteur Willebrand au facteur VIII qui n’est pas normale.

→ La maladie de Willebrand de type 3 est très rare : moins de 5 % des patients, soit 60 personnes en France. C’est le niveau le plus grave, car le taux quantitatif du facteur Willebrand est inférieur à 1 % du taux normal. Aussi, aux symptômes décrits ci-dessus, s’ajoutent les symptômes graves que l’on note dans l’hémophilie A : saignements au niveau des muscles (hématomes) et des articulations (hémarthroses). Ceux-ci peuvent survenir après un traumatisme, mais aussi spontanément, dès que l’enfant commence à déambuler… D’autres saignements graves peuvent apparaître, entraînant parfois un risque vital : hémorragies cérébrales, intra-crâniennes, internes (thorax ou abdomen). Il faut savoir reconnaître les symptômes pour intervenir avant qu’il ne soit trop tard.

Le diagnostic

Le diagnostic de la maladie se fait chez un patient qui présente des saignements exagérés ou inexpliqués, ou dans le cadre d’une enquête familiale, par le dosage de trois paramètres sanguins : taux de facteur VIII, taux de facteur Willebrand, c’est-à-dire l’activité cofacteur de la ristocétine (VWF : RCo) et taux de facteur Willebrand antigène (VWF : Ag). À cela s’ajoutent la mesure du temps de saignement (TS) ou la mesure du temps d’occlusion (TO) sur automate PFA-100 ; une numération des plaquettes ; un temps de céphaline avec activateur (TCA).

Les précautions à prendre

Chez la plupart des patients, les saignements mineurs se tarissent spontanément ou à l’aide de mesures simples, en comprimant, pendant quelques minutes, une petite plaie cutanée, ou bien les narines, en cas de saignement de nez. Tous les patients doivent a priori respecter les règles de prévention appliquées en cas de risque hémorragique accru : contre-indication de l’aspirine et de ses dérives, des injections intramusculaires, des anti-inflammatoires non stéroïdiens – y compris ceux vendus sans ordonnance.

Un vaccin doit être effectué par voie sous-cutanée à la face externe du bras. Après un vaccin ou une prise de sang, un temps de compression manuelle de cinq minutes du point de jonction doit être respecté, suivi de la pose d’un pansement semi-compressif pendant plusieurs heures.

Le suivi dans un centre spécialisé

Le patient atteint de déficit en facteur Willebrand doit toujours être porteur d’une carte de la maladie de Willebrand ou d’un certificat médical sur lesquels les caractéristiques de la pathologie du patient sont précisées. Cette carte indique les précautions à prendre, les gestes à éviter et la conduite à tenir en cas de besoin. Elle est remise au patient par le médecin spécialiste lorsque le diagnostic est confirmé. Les patients doivent être suivis dans une consultation hospitalière spécialisée : il s’agit des Centres régionaux de traitement de l’hémophilie et des maladies hémorragiques (CRTH ou CTH). La liste de ces établissements peut être consultée sur le site www.cometh.net.

Les traitements disponibles

Pour la plupart des malades de type 1, le traitement utilisé est la desmopressine. Il s’agit de la copie synthétique d’une hormone naturellement produite par l’organisme. Le but de ce traitement : aller puiser le facteur Willebrand stocké dans l’organisme, notamment au niveau de la paroi des vaisseaux sanguins, pour le libérer dans le sang circulant. La desmopressine est utilisée aussi bien pour traiter les épisodes de saignement qu’en prévention, lors de situations à risque. Elle s’administre par voie intraveineuse en milieu hospitalier (Minirin injectable), ou par inhalation intranasale (Octim spray). Mais tous les patients ne sont pas répondeurs. Cette information est notée sur la carte.

En cas de non-réponse connue à la desmopressine, ou encore en cas d’hémorragie majeure ou de chirurgie importante, un traitement dit « de substitution » est mis en place. Il consiste à injecter les facteurs défectueux via des concentrés de facteur Willebrand (Wilfactin et Wilstart), qui sont des médicaments dérivés du plasma humain. Ils peuvent être associés, chez certains patients, à des concentrés de facteur VIII, par voie intraveineuse.

L’acide tranexamique est un médicament adjuvant qui se révèle efficace lors des saignements de nez, de gencives, ou pendant les règles. Un traitement hormonal peut aussi être proposé aux femmes pour réduire le volume des règles.

Gynécologie, grossesse et accouchement

Pour les femmes, il faut prévoir un suivi gynécologique particulier, en collaboration avec le Centre de traitement de l’hémophilie (CTH). Elles peuvent souffrir de saignements en dehors des règles (métrorragies) et de saignements abondants pendant les règles (ménorragies), susceptibles d’entraîner une anémie. Selon le type de maladie de Willebrand, le taux du facteur Willebrand peut parfois se normaliser pendant la grossesse. Mais, dans ce cas, il diminue rapidement après l’accouchement. Il faut impérativement surveiller les saignements pendant cette période, car il existe un risque majeur d’hémorragie. Dans tous les cas, l’avis du centre de traitement qui suit la patiente est toujours indispensable pour envisager l’accouchement avec l’équipe obstétricale : peut-être faut-il prévoir une anesthésie avec péridurale, un traitement substitutif ou une maternité de niveau 3, etc.

RÉALISÉ AVEC L’AIMABLE COLLABORATION DU Dr MARC TROSSAËRT, RESPONSABLE DU CENTRE RÉGIONAL DE TRAITEMENT DE L’HÉMOPHILIE DE NANTES