Arrêt d’une corticothérapie prolongée - L'Infirmière Libérale Magazine n° 273 du 01/09/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 273 du 01/09/2011

 

Cahier de formation

Savoir faire

Suite à une maladie de Basedow, Mme T., 35 ans, vient de subir une thyroïdectomie totale. Avant l’intervention, elle avait suivi une cure de prednisone (70 mg/j pendant 5 semaines). Elle est sortie de l’hôpital avec une ordonnance de Calcidia pour corriger une hypocalcémie liée à l’opération et de prednisone à posologie décroissante sur 2 semaines. Aujourd’hui, elle ne comprend pas pourquoi elle est toujours sous corticoïdes : elle ne risque pas de rechute puisqu’elle n’a plus de thyroïde…

Les traitements corticoïdes supérieurs à 10 jours ne doivent pas être arrêtés brutalement pour éviter les rechutes et l’insuffisance surrénalienne. Dans le cas de Mme T., il n’y a pas de risque de rechute d’hyperthyroïdie, mais un risque de dysfonctionnement de ses glandes surrénaliennes en cas d’arrêt brutal de la prednisone. Il faut donc bien respecter la décroissance posologique prescrite, pour “relancer progressivement ses surrénales” mises au repos par la corticothérapie.

RISQUES LIÉS À L’ARRÊT BRUTAL D’UNE CORTICOTHÉRAPIE

L’arrêt trop brutal d’une corticothérapie prolongée expose à trois types de complications :

un phénomène de rebond avec rechute de l’affection qui avait motivé le traitement corticoïde (en particulier quand il s’agit d’asthme ou d’affections rhumatismales) ;

un syndrome de sevrage aux corticoïdes, se manifestant par de l’asthénie, de l’anxiété, un sentiment de tristesse, une anorexie avec amaigrissement, des douleurs diffuses ;

une insuffisance surrénalienne (ou hypocorticisme) dont le risque de survenue est majoré par la durée et la dose de la corticothérapie. Elle se traduit cliniquement par de l’asthénie, une hypotension et, sur le plan biologique, par une hyponatrémie (source potentielle de confusion) et une hyperkaliémie.

EXPLICATION PHYSIOLOGIQUE DE L’HYPOCORTICISME

L’insuffisance surrénalienne qui résulte d’une corticothérapie prolongée s’explique par le phénomène de rétro-contrôle négatif sur l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien qui régule la sécrétion physiologique de cortisol.

En effet, la sécrétion du cortisol par les glandes surrénales est sous la dépendance d’une hormone hypophysaire, l’ACTH (Adreno Cortico Trophic Hormone, l’hormone corticotrope) dont la sécrétion est elle-même dépendante d’une stimulation par une hormone hypothalamique appelée la CRH (Corticotropin Releasing Hormone). Toute augmentation du cortisol plasmatique freine l’axe hypothalamo-hypophysaire pour diminuer la stimulation des surrénales et la sécrétion de cortisol. C’est ce que l’on appelle la notion de rétro-contrôle négatif.

Or les corticoïdes sont des analogues structuraux du cortisol. Une corticothérapie au long cours déclenche donc un rétro-contrôle négatif avec une diminution de synthèse de la CRH par l’hypothalamus et d’ACTH par l’hypohyse, provoquant alors une mise au repos des surrénales avec un risque d’hypocorticisme (voir schéma en page suivante).

L’insuffisance surrénalienne peut survenir soit immédiatement, soit dans les deux ans suivant l’arrêt du traitement corticoïde.

Elle est fonction de la posologie et de la durée du traitement corticoïde, mais également de la puissance anti-inflammatoire du traitement corticoïde, à laquelle est corrélée l’activité freinatrice sur la sécrétion physiologique.

MODALITÉS D’ARRÊT D’UNE CORTICOTHÉRAPIE

Le rythme du sevrage dépend de la durée de traitement, de la dose de départ et de la pathologie traitée.

Ainsi, pour les cures inférieures à dix jours, l’arrêt peut-il se faire sans décroissance. Cependant, pour les traitements de plusieurs mois, la réduction se fait par paliers de 10 % tous les huit à quinze jours, jusqu’à une dose de corticoïdes équivalente à 5 mg/j de prednisone.

Parfois, en fin de sevrage, un traitement substitutif par hydrocortisone (ou cortisol) peut être souhaitable jusqu’à la reprise de la fonction corticotrope (puisqu’il s’agit de l’hormone physiologique qui, elle, n’exerce pas d’activité freinatrice particulière sur l’axe hypothalamo-hypophysaire).

Lorsque le patient est seulement sous hydrocortisone, il peut être nécessaire d’explorer la fonction corticotrope par un test au Synacthène. Ce test, réalisable en ambulatoire, consiste à doser la cortisolémie le matin à jeûn et, une heure après, à pratiquer une nouvelle cortisolémie après une stimulation par injection intraveineuse ou intramusculaire de 0,25 mg de Synacthène (tétracosactide, polypeptide possédant des propriétés stimulantes sur les glandes surrénales), cette dernière devant être significativement supérieure à la première pour conclure à une capacité sécrétoire normale. En cas d’insuffisance surrénalienne, la cortisolémie de base est effondrée et la réponse à la stimulation est nulle ou faible (inférieure à 200 µg/100 ml).

Si le test conclut à une fonction surrénale normale, l’hydrocortisone sera arrêtée.

En revanche, en cas d’insuffisance surrénalienne, elle sera maintenue, et la fonction corticotrope sera à nouveau testée environ quatre à six mois plus tard.

L’insuffisance surrénalienne due à un arrêt brutal d’une corticothérapie peut être durable, voire définitive. C’est pourquoi il est important que les infirmières libérales, qui ont un contact privilégié avec les patients traités au long cours, prennent le soin et le temps de bien leur réexpliquer les schémas de décroissance posologique progressive.