Son activité ne décolle pas, elle fait la grève de la faim - L'Infirmière Libérale Magazine n° 272 du 01/07/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 272 du 01/07/2011

 

PROFESSION

Actualité

DEMOGRAPHIE > Pour protester contre ses problèmes d’installation en zone sous-dotée de Haute-Garonne, Anne-Marine Ginet s’est mise en grève de la faim pendant trois semaines.

C’est une histoire peu banale dans le monde de la santé. Une infirmière libérale s’est mise en grève de la faim pendant près de trois semaines en réaction au manque de patients. Anne-Marine Ginet, installée depuis le mois de février 2011 à Boulogne-sur-Gesse (31), n’a pas d’appel depuis trois mois et, de fait, pas de revenu. « Par ce geste extrême, je veux médiatiser le problème des zones sous-dotées », explique l’infirmière qui, avant d’arriver dans cette région, a tenté d’autres installations en Guyane et à Creil (60). Des expériences qui ont, à chaque fois, échoué. « Dès mon installation dans le canton, je me suis présentée à mes collègues des autres cabinets. J’ai eu l’impression d’être un singe à qui l’on jette des cacahuètes. » Ambiance…

Rude concurrence ?

Autre son de cloche, celui des infirmières installées ici depuis des dizaines d’années. « J’ai ouvert mon cabinet il y a trente ans, raconte Olga Lafforgue. Madame Ginet ne s’est jamais présentée à nous. Enfin, si : en avril, elle est venue nous informer que son activité de démarrait pas. Mais si elle était venue avant, on lui aurait expliqué qu’en l’espace de deux ans, il y a eu cinq nouvelles installations. À l’époque, j’ai même appelé l’Urcam pour les prévenir qu’il nous semblait inopportun d’avoir une infirmière de plus dans ce canton. »

Dans ce bassin de 10 000 habitants, la demande en soin est pourtant assez grande, au vu du vieillissement de la population. C’est en tout cas l’avis du maire, Pierre Médevielle, également pharmacien de Boulogne-sur-Gesse. Alors pourquoi cette situation ubuesque ? « Il me semble que cette personne n’a pas fait le nécessaire pour faciliter son intégration professionnelle, reprend le maire. Poser sa plaque sur sa porte ne suffit pas. Il y a eu insuffisance de communication. » [ndlr : pour joindre Mme Ginet, nous avons essayé de la trouver dans l’annuaire mais son nom n’apparaît pas.]

Si Anne-Marine Ginet ne parle pas de cabale menée contre elle, elle reconnaît quand même que ses “collègues” ont certainement vu son arrivée d’un mauvaise œil et qu’ils n’avaient pas forcément envie d’avoir de la concurrence. « Mais j’en veux aussi à la CPAM de m’avoir aiguillée vers cette zone soi-disant sous-dotée », se plaint Mme Ginet. L’organisme revoit régulièrement ses chiffres concernant les besoins en profession médicale, en général tous les cinq ans. « C’est vrai que cela manque de réactivité », reconnaît Élisabeth Larroque, conseillère aux services relations avec les professionnels de santé à la CPAM de Toulouse. « D’après les calculs de l’Agence régionale de santé, le canton de Boulogne-sur-Gesse est même en catégorie “très sous-dotée”. » Mais il y a eu trois installations en 2009 et deux en 2010. Dix exercent sur la commune de Boulogne, deux dans un petit village. Mme Ginet aurait peut-être pu s’installer ailleurs dans le canton ? « Dans cette commune-là, il y a une pharmacie et les autres villages sont trop éloignés les uns des autres », se justifie l’intéressée.

Griefs envers la CPAM

Pour Daniel Jollivet, vice-président de l’Ordre infirmier de Haute-Garonne et président départemental et régional du FNI (Fédération nationale des infirmiers), cette infirmière a fait preuve de naïveté. « Elle a foncé tête baissée, sans vraiment étudier la réalité du terrain, insiste-t-il. Si elle était venue nous demander conseil, nous lui aurions formellement déconseillée de venir ici. Le canton, s’il a été longtemps sous-doté, ne manque pas d’infirmières. » Et c’est vrai que, pour ce canton, les chiffres ont déjà quelques années et qu’il n’y a pas eu de réajustement (en général, cette opération se fait tous les trois ans). « Avec toutes ces installation depuis 2009, la donne a changé et il y a aujourd’hui moins de travail, reprend Daniel Jollivet. Cela dit, je suis un peu surpris qu’une professionnelle avec de l’expérience se soit installée ainsi. Elle n’a pas fait de remplacements et personne ne la connaissait. Elle a posé sa plaque à vingt ou trente mètres d’un autre cabinet infirmier. » Mais pourquoi Anne-Marine Ginet n’a-t-elle pas tenté de rejoindre l’un de ces cabinets existants ? « C’est une question de philosophie de soins, différente selon les cabinets. Je voulais travailler comme je l’entends. »

Quel bilan tire-t-elle de son action ? « J’ai fait entendre ma voix et j’espère que les gens ont compris que je voulais mettre en avant le problème de l’installation en zones sous-dotées », répète-t-elle. Pour le maire, Pierre Médevielle, « madame Ginet risque de s’être un peu plus marginalisée par son action qui reste incomprise dans le village ».

UNE ÉPIDÉMIE ?

→ Une autre Idel, installée à Quimper (29), entame une grève de la faim. Elle a roulé sans permis pendant un an et refuse de passer un stage pour récupérer les points… À suivre dans le Télégramme de Brest (http://bit.ly/iDXEl3)