Mediator, le coup de pied dans la fourmilière - L'Infirmière Libérale Magazine n° 272 du 01/07/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 272 du 01/07/2011

 

SÉCURITÉ SANITAIRE

Actualité

MESURES > Depuis quelques mois, la police du médicament vit des remous sans précédent. Le Parlement et le ministre de la Santé travaillent à réformer le circuit du médicament et les agences sanitaires. Un texte de loi pourrait être présenté avant la trêve estivale.

De manière générale, 82 % des Français font confiance aux médicaments. C’est une enquête TNS-Sofres pour le Leem (Les entreprises du médicament) qui le dit(1). Cependant, assurait Christian Lajoux, président du Leem, à l’occasion de la présentation des résultats de ce sondage, le 24 mai dernier, « on n’est pas en train de parader […]. Nous sommes lucides par rapport aux multiples questions qui nous sont posées ». Il faut dire que, depuis l’automne dernier et l’explosion de l’affaire du Mediator, les questions ne manquent pas. Si le Mediator ne représentait que 2 % de son chiffre d’affaires comme il le dit, pourquoi le laboratoire Servier a-t-il maintenu ce produit sur le marché, sachant ce qu’il savait de ses dangers ? Pourquoi ne pas le retirer en France alors qu’il l’avait été dans d’autres pays ? Faut-il accorder une autorisation de mise sur le marché aux metoo, ces produits mis sur le marché sans apport supérieur à un produit existant ?

Justice et législation

C’est à la justice qu’il incombera de répondre à certaines questions – le procès devrait débuter le 26 septembre prochain au tribunal de Nanterre – tandis que d’autres relèvent du législateur. Un texte devrait en effet être soumis au Parlement avant la trêve estivale. Projet de loi gouvernemental ou proposition de loi parlementaire, la question n’est pas encore tranchée. « Peu importe », juge le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, qui, en revanche, veut que le texte soit voté pour entrer en vigueur dès le début de l’année 2012. « On ne peut pas renvoyer les applications en 2013 ou 2014 », a-t-il en effet pointé lors de son audition par la mission parlementaire conduite par le député socialiste Gérard Bapt le 19 mai dernier.

Pour nourrir le texte de loi, nombreuses seront les contributions. En effet, au livre d’Irène Frachon(2) qui a mis le feu au poudre et à “L’enquête sur le Mediator” de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) de janvier dernier, s’ajouteront le rapport de la mission Bapt, celui de la mission sénatoriale présidée par François Autain – déjà auteur en juin 2006 d’un rapport intitulé “Médicament : restaurer la confiance” –, celui de la mission du député Yves Bur sur les agences sanitaires, un autre rapport de l’Igas sur l’expertise sanitaire ainsi que celui des Assises du médicament dont les réunions se sont achevées le 31 mai. Parmi les grandes têtes de chapitres, on trouvera des mesures visant à redonner confiance dans nos médicaments – n’en déplaise au Leem pour qui cet item n’a pas lieu d’être. Il s’agira aussi, annonce Xavier Bertrand, de « frapper fort » en matière de pharmacovigilance et de transparence. « La police du médicament, ce n’est pas Pierre, Paul ou Jacques, c’est l’État », rappelle-t-il. Raison pour laquelle, sans doute, le ministre de la Santé indique qu’il « va falloir passer au peigne fin l’ensemble de la pharmacopée », pour s’assurer qu’il n’y a pas « d’autres Mediator dans les soutes ». Le financement des agences sanitaires et de la formation professionnelle continue feront aussi, vraisemblablement, l’objet de mesures.

En revanche, la liberté de prescription des médecins n’est pas montrée du doigt. Ainsi, le député Gérard Bapt se dit-il « solidaire des médecins », considérant qu’ils « ont été trompés ». Mais une étude de l’Assurance maladie indique qu’en 2008, dans 78 % des cas – 82 % chez les femmes et 69 % chez les hommes – le Mediator était prescrit par les médecins en dehors de l’AMM [autorisation de mise sur le marché, ndlr], à des fins anorexigènes. Des étudiants l’utilisaient également pendant les périodes de préparation d’examens, puisque la molécule du Mediator, le benfluorex, est un dérivé d’amphétamine, note Gérard Bapt.

Servier devra payer

Si les victimes auront toujours la possibilité de se retourner contre les médecins au pénal, dans la mesure où ces derniers restent responsables de leurs prescriptions, c’est dans un premier temps par le biais d’un fonds d’indemnisation amorcé par une dotation d’État et créé par la loi de finances rectificative pour 2011, actuellement en discussion au Parlement, qu’ils seront indemnisés. L’article 22 de ce texte législatif prévoit en effet que « toute personne s’estimant victime d’un déficit fonctionnel imputable au benfluorex ou, le cas échéant, son représentant légal ou ses ayants droit peuvent saisir l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales [Oniam, ndlr] en vue d’obtenir la réparation des préjudices en résultant ». L’Oniam se retournera à son tour vers le laboratoire Servier pour obtenir remboursement. « Il n’est pas question que la solidarité nationale paie à la place de Servier », martèle Xavier Bertrand.

(1) Sondage réalisé en janvier et février dernier, auprès d’un échantillon national de 2 023 personnes.

(2) Mediator 150 mg, editions-dialogues.fr, juin 2010.

Vers un Sunshine Act à la française

Depuis plusieurs mois, le ministre de la Santé Xavier Bertrand semble ne jurer que par le Sunshine Act américain. En 2010, en effet, les États-Unis ont adopté un texte de loi qui impose la déclaration de toutes les sommes et avantages perçus ou donnés. Xavier Bertrand souhaite aller vers ce modèle de transparence. Reste cependant à savoir s’il faut créer une structure ad hoc qui gérerait ces déclarations ou s’il faut s’en remettre à chaque institution, chaque agence.

À l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), en tout cas, on n’a pas attendu pour faire le ménage. Dans l’œil du cyclone de l’affaire du Mediator, l’Agence, au travers de son nouveau directeur, Dominique Maraninchi, nommé en février dernier, s’est engagée dans une démarche volontaire de transparence. Désormais, la déclaration des conflits d’intérêts des cinq dernières années est déposée sur table pour chaque participant aux différentes réunions de l’Agence. Le verbatim des réunions est également disponible sur le site Internet, de même que l’ordre du jour des différentes commissions et, comble de la transparence, les vidéos des réunions.

EN SAVOIR +

→ Si la mission Bur sur l’avenir des agences sanitaires découle de l’affaire Mediator et de la volonté de réformer la police du médicament, elle intègre également sans le dire un autre chantier : celui de la Révision générale des politiques publiques (RGPP). La France compte pas moins de 23 agences sanitaires, lesquelles emploient autour de 15 000 salariés. Yves Bur souhaite réduire la voilure de ces agences sanitaires.

→ Selon le député socialiste Gérard Bapt, chez 7 à 8 % des personnes contrôlées, suite au courrier adressé par l’Assurance maladie à tous les patients ayant eu une prescription de Mediator, « des insuffisances valvulaires imputables au Mediator ont été diagnostiquées par les cardiologues ».

→ L’affaire du Mediator sera portée sur grand écran. Les droits du livre d’Irène Frachon ont été achetés par la société de production Haut et Court. Le Dr Frachon a fait savoir qu’elle reversera l’intégralité des droits à des causes sociales.