Fracture ostéoporotique de la personne âgée - L'Infirmière Libérale Magazine n° 272 du 01/07/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 272 du 01/07/2011

 

Cahier de formation

Savoir faire

M. R, 73 ans, marche de plus en plus courbé et ne sort plus de chez lui.

Il est probable qu’il souffre d’ostéoporose et qu’une ou plusieurs de ses vertèbres se soient fracturées et tassées, même s’il n’y a pas eu de choc. Il faut établir un diagnostic et agir pour gérer sa douleur, ce qui lui permettra de reprendre une activité et d’éviter la dégradation fonctionnelle de son squelette et de sa musculature.

L’ostéoporose est très courante au-delà de 65 ans pour les deux sexes, du fait de la diminution naturelle du capital osseux au cours de la vie adulte, de possibles carences vitamino-calciques et de la diminution de l’activité physique. Entre 50 et 65 ans, elle est plus fréquente chez les femmes. En effet, la chute du taux d’œstrogènes qui accompagne la ménopause favorise la déminéralisation osseuse. Plus rarement, elle peut survenir chez des personnes jeunes atteintes de maladies chroniques (polyarthrite rhumatoïde, arthrite chronique juvénile, spondylarthrite), endocriniennes (hyperthyroïdie, insuffisance des glandes sexuelles), sous traitement par cortisone au long cours, ou atteintes d’anorexie mentale.

À cause de l’ostéoporose, l’ensemble du squelette se fragilise, mais les fractures surviennent majoritairement en trois sites, du fait des contraintes mécaniques importantes qu’ils subissent : la colonne dorso-lombaire, le col du fémur et le poignet.

DIAGNOSTIQUER

La fracture vertébrale n’est pas toujours douloureuse, c’est pourquoi elle passe le plus souvent inaperçue. Contrairement aux atteintes des disques intervertébraux, la fracture-tassement de l’os ostéoporotique comprime rarement les racines nerveuses issues de la moelle épinière.

Dans d’autres cas, la fracture vertébrale peut être douloureuse. Les douleurs surviennent lorsque la colonne est mise en charge, au lever, mais également pendant la marche ou en position assise. À l’inverse, elles sont soulagées par le repos en position allongée. Elles sont dues aux modifications de l’équilibre statique de la colonne provoqué par la ou les fractures.

Bien souvent, des douleurs dans le dos chez une personne âgée seront mises sur le compte de l’arthrose ou d’une dégénérescence discale. Le signal d’appel le plus significatif est la diminution de la taille d’au moins 3 cm.

ANTICIPER LES PROBLÈMES GRAVES

→ Les fractures vertébrales surviennent lors de traumatismes de faible intensité (chute de sa hauteur), d’efforts, ou spontanément. Des gestes simples permettent d’éviter les contraintes excessives. Par exemple, il faut penser à utiliser la force de ses jambes plutôt que son dos pour soulever un objet (voir schéma page précédente). Il faut équilibrer les poids à porter (prendre un sac dans chaque main plutôt qu’un seul gros sac, un sac à dos plutôt qu’un sac à bandoulière, ou un sac à roulettes pour ne pas porter du tout). Pour faire la vaisselle, penser à écarter les jambes et appuyer son bassin sur le bord de l’évier, etc. L’immobilité est favorable à la survenue des douleurs : il ne faut pas rester dans une position fixe pendant trop longtemps.

→ Une bonne hygiène de vie permet également de lutter contre l’ostéoporose. La surcharge pondérale majore les contraintes exercées sur un squelette fragilisé et un régime bien encadré médicalement pourra être bénéfique. Le traitement de l’ostéoporose passe également par un bon équilibre nutritionnel. S’il est important que les apports en calcium soient suffisants, il faut également limiter les pertes calciques par excrétion urinaire, notamment en réduisant les apports en sel. D’autre part, une supplémentation en vitamine D est très importante (voir Point de vue ci-contre).

SOULAGER PAR TOUS LES MOYENS

→ Les antalgiques et le repos ne suffisent pas toujours à soulager la douleur d’une fracture tassement dans le contexte de l’ostéoporose. De plus, maintenir une personne âgée alitée n’est pas toujours très indiqué, car l’immobilisation engendre les fameuses “complications du décubitus” : aggravation de la déminéralisation osseuse, fonte musculaire, ralentissement du transit intestinal, risque de phlébite, formation d’escarres… Sans oublier les retentissements psychologiques d’une perte d’activité chez des personnes déjà fragiles. Le port de ceintures orthopédiques semi-rigides aide à conserver une certaine activité dans le cas de fractures lombaires basses. Pour les fractures sur des étages vertébraux plus élevés, il faudra recourir à un corset rigide sur mesure, pas toujours facile à supporter.

→ Dans ce contexte, le recours à la vertébroplastie (injection de ciment) ou à la cyphoplastie (même injection précédée de l’introduction et du gonflement d’un ballonnet dans le corps vertébral pour créer une cavité) est d’un grand secours. Ces actes chirurgicaux peu traumatisants relèvent de la radiologie interventionnelle. Réalisés par voie percutanée sous anesthésie locale, ils nécessitent néanmoins les conditions d’asepsie rigoureuses d’un bloc opératoire ou d’un centre de radiologie agréé, ainsi qu’un appareil de radioscopie pour bien contrôler l’intervention. Ils sont pratiqués par des radiologues ou des chirurgiens.

→ Un atout important de la technique “ballonnet” est de diminuer l’incidence des complications. Alors que la vertébroplastie s’accompagne de “fuites” de ciment dans près d’un cas sur deux, ce phénomène est très rarement constaté après cyphoplastie. En effet, le ciment peut être injecté sans surpression dans la cavité créée par le ballonnet. Si elles demeurent le plus souvent asymptomatiques, les fuites sont à l’origine de complications neurologiques dans 2 à 3 % des vertébroplasties, en particulier lorsque le ciment s’échappe vers le canal médullaire. La complication la plus grave de la fuite de ciment est l’embolie pulmonaire, dans le cas où le ciment pénètre dans la circulation sanguine.

→ L’injection de ciment permet de calmer immédiatement la douleur : 90 à 95 % des malades se disent soulagés dans les 24heures. Dans le cas de la cyphoplastie, l’intervention permet également de redonner sa taille initiale à la vertèbre tassée et de réduire ainsi la cyphose. La biomécanique du rachis s’en trouve améliorée, le patient retrouve sa mobilité, sa cage thoracique est libérée des contraintes. Cependant, les résultats au-delà de six mois sur la restauration de la hauteur vertébrale ne sont pas probants. Le bénéfice de la technique par ballonnet dans le temps est donc incertain, alors que son coût est nettement supérieur à la simple injection de ciment.

Point de vue…
Dr Claude-Laurent Benhamou, chef de service de rhumatologie au CHR d’Orléans (45) et vice-président du Grio (Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses)

« Éradiquer la fracture ostéoporotique par la vitamine D »

« On assimile très souvent ostéoporose avec manque de calcium. En fait, c’est souvent le manque de vitamine D qui est à l’origine d’une mauvaise fixation du calcium et d’une déminéralisation des os. Les études de cohorte chez les personnes âgées montrent que plus le taux de vitamine D est faible dans le sang, plus le risque de fracture est élevé. Même avec une alimentation équilibrée, les apports alimentaires de vitamine D sont marginaux. La synthèse à partir des stérols précurseurs lors de l’exposition solaire fournit la majorité de la vitamine D à notre organisme. Mais elle reste largement insuffisante dans nos régions, surtout chez les personnes âgées. C’est pourquoi le Grio préconise de supplémenter toutes les personnes de plus de 65 ans par de la vitamine D. Facile à réaliser (une ampoule tous les deux ou troismois), la supplémentation systématique en vitamine D permettrait de diminuer le nombre de fractures ostéoporotiques chez les personnes âgées, tout comme elle a permis d’éradiquer le rachitisme chez les nourrissons. »