L’enfant en difficulté scolaire - L'Infirmière Libérale Magazine n° 270 du 01/05/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 270 du 01/05/2011

 

Cahier de formation

Savoir faire

Mme F. vous fait part des difficultés de son fils à l’école. Il a déjà doublé une classe et ses résultats continuent de se dégrader. Les enseignants parlent de dyslexie et d’instabilité, et ont remarqué qu’il est souvent seul pendant la récréation.

Vous lui expliquez que la dyslexie peut être la cause de ses mauvais résultats. Par ailleurs, ses difficultés relationnelles et son instabilité pourraient faire penser à une hyperactivité. Une consultation chez un pédopsychiatre permettrait de faire le point sur les difficultés de son fils. Mme F peut aussi s’adresser à un psychologue scolaire ou un centre médico-psycho-pédagogique (CMPP).

Les enfants hyperactifs rencontrent plus de difficultés scolaires que les autres enfants malgré une intelligence normale. Redoublement, soutien scolaire, placement en classe spécialisée sont fréquents dans leur scolarité. Des difficultés d’apprentissage sont fréquemment associées au TDAH. Il peut s’avérer nécessaire de distinguer ce qui est dû aux troubles du comportement de ce qui peut relever de troubles spécifiques des apprentissages.

TROUBLES DES APPRENTISSAGES ET HYPERACTIVITÉ

Les troubles spécifiques des apprentissages peuvent être occultés par les troubles du comportement liés à l’hyperactivité. Ces troubles sont parfois associés, ce qui augmente les difficultés scolaires des enfants. Appelés parfois troubles “dys”(1), ce sont des troubles durables et anormaux de l’acquisition de la lecture (dyslexie), du langage parlé ou entendu (dysphasie), de l’orthographe (dysorthographie), du calcul (dyscalculie), des mouvements volontaires coordonnés (dyspraxie)… Ces troubles cognitifs peuvent eux-mêmes être à l’origine d’une agitation chez l’enfant qui cherche à dissimuler ses difficultés. Ils ne sont pas expliqués par une déficience intellectuelle globale, ni par un problème psychopathologique, sensoriel ou socioculturel. Pour cette raison, ils sont qualifiés de troubles “spécifiques”. Ils doivent être identifiés et nécessitent une prise en charge spécifique en vue d’une rééducation par des psychologues, orthophonistes ou psychomotriciens. C’est le rôle des CMPP.

ORIENTER VERS UN CMPP

Placés sous l’autorité d’un médecin directeur pédiatre ou pédopsychiatre, les CMPP sont dotés d’une équipe de médecins, d’auxiliaires médicaux (orthophonistes et psychomotriciens), de psychologues, d’assistantes sociales, de pédagogues et de rééducateurs. Situées aux frontières du médico-social et de la psychiatrie, ces structures accueillent des enfants et des adolescents de 3 à 20 ans présentant des difficultés d’apprentissage, des troubles psychiques, psychomoteurs ou du comportement, de nature à compromettre une scolarisation en milieu ordinaire, voire le maintien de l’enfant dans son milieu familial. Les soins sont dispensés en ambulatoire, sous forme d’accompagnement ponctuel ou régulier, financés à 100 % par l’Assurance maladie. Les troubles névrotiques, avec 39 % des jeunes patients suivis dans les CMPP, représentent le diagnostic le plus fréquemment rencontré. Viennent ensuite les troubles du développement et des fonctions instrumentales (18 %), avec en premier lieu les troubles cognitifs et des acquisitions scolaires. L’hyperkinésie, classée dans les troubles des conduites et du comportement, concerne 5 % des patients(2).

L’IMPLICATION DE LA FAMILLE

« Au CMPP, la prise en charge est adaptée à l’enfant qui peut suivre une psychothérapie individuelle ou en groupe, le plus souvent associée à des soins psychomoteurs », explique Gérard Zachayus, psychologue (cf. Point de vue ci-dessous). Lorsque les parents sont d’accord avec les indications du médecin, ils se voient proposer une sorte de contrat et sont incités à venir régulièrement, généralement une fois par mois. « Plus le symptôme est lourd, plus on va s’attacher à rétablir de bonnes relations intrafamiliales. Cela prend du temps », précise le thérapeute. Les enfants sont dans des relations fortes avec les parents, il est donc important de pouvoir travailler avec la famille. « Car si l’enfant fait un chemin et que les parents ne modifient pas d’éventuelles relations pathogènes pour lui, le symptôme perdure. » Les familles qui maintiennent un suivi au CMPP sont celles qui adhèrent à cet apport psychologique.

UN MÉDICAMENT SI NÉCESSAIRE

Le bilan psychologique peut être complété par une consultation dans le service de pédiatrie de l’hôpital pour un bilan neuropsychologique. « On n’est pas fermé à une approche neuropsychologique du trouble, souligne Gérard Zachayus. C’est ce service spécialisé qui va poser un diagnostic d’hyperactivité et éventuellement prescrire un médicament [le méthylphénidate]. » Le choix d’un traitement médicamenteux est encouragé dans les cas où les troubles sont tels que l’enfant n’est pas accessible aux soins. Pour un enfant, le CMPP s’est déjà adressé au service de pédiatrie car, « même s’il y avait des facteurs déclenchant, l’enfant présentait un réel mal-être et une grande souffrance ». Le thérapeute ajoute qu’il ne peut travailler avec un enfant en état de crise, « il faut qu’il soit relativement posé ». Dans certains cas, le médicament a permis de poursuivre la scolarité. Dans d’autres, « les familles prennent la prescription du médicament et on ne les voit plus quand l’enfant ne pose plus de problème », regrette le psychologue.

(1) L’INPES édite une brochure explicative sur les troubles “dys” (cf. Savoir plus p.40).

(2) Les enfants et adolescents pris en charge dans les Centres médico-psycho-pédagogiques, Direction de la recherche, des études de l’évaluation et des statistiques (Drees), avril 2005 (sante.gouv.fr).

Point de vue…
Au-delà du symptôme

Gérard Zachayus, psychologue au centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) d’Avignon

« L’hyperactivité est un symptôme qui n’explique pas tout. Il y a un risque à limiter la problématique de l’enfant à un symptôme. Un diagnostic d’hyperactivité ou de dyslexie permet aux parents de ne pas se poser de question sur ce qu’ils induisent eux-mêmes. Un enfant rejeté par sa mère peut devenir turbulent pour coller à cette image de mauvais objet. C’est aussi le cas, bien décrit en psychopathologie, des enfants amenés à réagir pour stimuler leur mère dépressive. En se limitant à un symptôme, on n’explique pas pourquoi le symptôme est là ».