Entre l’honneur et les donneurs - L'Infirmière Libérale Magazine n° 270 du 01/05/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 270 du 01/05/2011

 

ISÈRE (38)

Initiatives

Présidente et bénévole active de l’Association pour le don de moelle osseuse de l’Isère, Admo 38, mais aussi libérale depuis trente-sept ans à Voiron, Michelle Bargin est désormais Chevalier de la Légion d’honneur. Loin des décorations républicaines, elle croise surtout le fer avec les pathologies lourdes.

Tout sourire, ce vendredi matin, Michelle Bargin démarre une tournée plus légère qu’à l’accoutumée, sans pour autant s’arrêter. « C’est mon jour de repos aujourd’hui. » Difficile pour cette libérale de 61 ans de lever le pied. Depuis son installation en 1974 à Voiron, dans l’Isère, elle connaît rarement des moments de pause. Et pour cause : cette mère de trois enfants, aujourd’hui adultes, ne manque pas d’occupations. Entre la gestion du planning des cinq infirmiers de son cabinet qui soignent au total près de 80 patients et sa propre tournée, elle trouve encore le temps d’assurer du bénévolat au sein l’Association pour le don de moelle osseuse de l’Isère (Admo38)(1). Mais aussi de s’occuper de ses deux petits-enfants. Cette foule d’activités lui a valu d’être nommée Chevalier de la Légion d’honneur le 31 décembre dernier (voir L’ILM n° 267). Une distinction qui l’étonne et qu’elle prend très au sérieux. « Cette médaille est donnée aux gens qui ont accompli quelque chose d’extraordinaire, s’émeut l’infirmière. Ce n’est pas vraiment mon cas. J’ai simplement fait mon travail. » Ce sont pourtant bien ses « quarante ans d’activités professionnelles et sociales » que Michel Hanoun, ancien maire de Voiron et député d’Isère (UMP), a souhaité saluer en demandant cet insigne pour elle. Pour l’heure, cette gratification reste encore sur papier(2) et ne change rien au quotidien de la légionnaire. Bien au contraire.

Petit aperçu un matin de printemps

Aujourd’hui, comme chaque jour depuis plusieurs mois déjà, elle passe chez un patient cancéreux pour lui ôter l’alimentation parentérale. De quoi « le libérer pour la journée ». Elle reviendra ce soir pour lui poser la perfusion à nouveau. Quelques échanges plus tard, Michelle Bargin se rend chez Georges, un ancien paysan qui vit dans la campagne voironnaise. Il a besoin d’une prise de sang. Mais un coup de fil l’interrompt en route au sujet de l’un de ses patients censé se faire opérer aujourd’hui. Le personnel hospitalier l’appelle à plusieurs reprises au sujet d’un problème d’ordonnance médicale. Au retour, l’infirmière met le cap vers la résidence de ce monsieur. Plusieurs coups de téléphone plus tard, elle parviendra finalement à démêler cet imbroglio…

L’heure avance et la tournée continue. L’itinéraire s’étend sur la petite commune de Voiron et ses alentours au pied des Alpes et du massif de la Chartreuse. Parmi ses patients, Michelle Bargin compte une majorité de personnes âgées, souvent isolées, qui logent parfois dans d’anciennes fermes, comme cette malade de retour chez elle après une opération chirurgicale. Elle enchaîne les rendez-vous : ici, des injections , là, quelques pansements postopératoires, ponctués de nettoyage de plaies. Au milieu de cette “courte” tournée, elle parvient à intercaler un passage imprévu chez cette autre patiente qui souffre de brûlures sous les pieds suite à sa chimiothérapie. Du jamais-vu, de l’avis de l’infirmière. Le dernier patient, qui sort lui aussi d’une chimiothérapie, se trouve à quelques kilomètres de Voiron. Cette ultime visite matinale annonce la pause… de midi seulement. Après le repas, il faudra aller au cabinet pour écouter la messagerie. Et, ce soir, retourner chez certains patients, comme ce sexagénaire qui a besoin d’une alimentation parentérale.

Des pathologies lourdes

Accepter tous les soins, aussi techniques soient-ils et autant que faire se peut : voilà le défi que tente de relever Michelle Bargin. « Si l’on refuse d’effectuer les plus techniques, le malade repartira à l’hôpital », soupire-t-elle. Une situation qu’elle juge inconcevable dans bien des cas. Et ce, depuis des années.

Elle fut en effet l’une des premières infirmières de la vallée à se lancer dans des soins de ce genre à domicile, comme la dialyse ou la cancérologie. « Il y a quinze ou vingt ans, cela semblait impossible. Il a fallu montrer qu’on pouvait y arriver… » Elle s’est ainsi taillé une réputation parmi les professionnels locaux, si bien qu’elle prend désormais en charge des cas lourds de type hémochromatose. Autant d’abnégation force l’interrogation. L’infirmière aurait-elle connu, dans sa famille, des situations de ce type ? Non, aucun de ses proches n’a souffert d’une telle maladie. « Quand on a la passion, on peut aller très loin, justifie-t-elle simplement. Je fais le plus beau métier du monde. Même si, parfois, c’est difficile lorsqu’on perd un patient. » Il n’est donc pas question pour elle de laisser des malades sur le carreau. D’autant qu’elle aime réaliser ce type de soins. Pas surprenant si, en 1990 puis en 2006, elle a complété sa formation infirmière par un diplôme de chimiothérapie à domicile et un cursus relatif à la dialyse péritonéale.

L’appel aux dons

Déjà sensibilisée à l’accompagnement à domicile de malades atteints de lourdes pathologies, il lui en fallait peu pour passer un cap supplémentaire. En 1998, elle rencontre un malade leucémique très attachant. Il lui décrit l’insuffisance des dons de moelle osseuse. « Cela a été le déclic », se souvient Michelle Bargin. Avec une poignée d’amis, elle lance alors une campagne d’appels aux dons. Les centres de transfusion sont débordés. Faute de structure d’accueil, les donneurs potentiels risquent de s’évanouir dans la nature… Pas question d’en rester là. Aidée du même groupe de bénévoles, l’infirmière fonde Admo38. L’association a pour but d’informer le public, d’effectuer des prises de sang et de financer le centre de transfusion de Grenoble. « À ce jour, 2 300 nouveaux donneurs ont été ajoutés au fichier national grâce à l’association », se félicite-t-elle.

Depuis cette époque, Michelle Bargin poursuit inlassablement sa mission au sein de la structure. « Pour que cela fonctionne, il faut au moins une infirmière pour réaliser les prises de sang, explique-t-elle. Nous sommes deux à nous en charger. » Mais ce n’est pas assez. La présidente de l’Admo ne veut pas se reposer sur ses lauriers. D’autant que, « depuis l’an passé, on a observé un ralentissement des inscriptions. Quant à l’association des donneurs de sang, avec qui nous travaillons régulièrement, elle a enregistré une baisse ». De quoi redoubler d’efforts. Voici pourquoi, au beau milieu de sa tournée matinale, l’infirmière reçoit un coup de fil de l’association. Une bénévole lui signale la prochaine opération d’information auprès du public. Cela se déroulera le week-end suivant, à l’occasion d’un match de rugby. « Toutes les occasions sont bonnes et les gens sont très réceptifs », concède l’infirmière. Reste à savoir si certains transformeront l’essai…

(1) Admo 38, La Charlière, 38500 Voiron. Tél. : 08 71 14 99 35. Mail : admo38@hotmail.fr.

(2) Pour recevoir sa médaille, le récipiendaire doit l’acheter. On ne devient d’ailleurs véritablement titulaire de la Légion d’honneur qu’une fois les insignes reçues, au cours d’une cérémonie qui reste à organiser…

EN SAVOIR +

UNE RÉGION RICHE EN DONNEURS !

Selon les chiffres du Registre France Greffe de Moelle, parus en 2008, la région Rhône-Alpes présentait le plus grand nombre de donneurs sur le territoire national. Elle comptait ainsi plus de 36 000 inscrits sur un total avoisinant les 165 000 (qui atteint aujourd’hui les 190 000). Plus d’infos sur www.dondemoelleosseuse.fr.