La transfusion sanguine - L'Infirmière Libérale Magazine n° 267 du 01/02/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 267 du 01/02/2011

 

Une opération

Cahier de formation

LE POINT SUR

En France, seuls médecins, infirmières et sages-femmes sont habilités à pratiquer des transfusions. Depuis le prélèvement du don jusqu’à la procédure de traçabilité après l’administration du produit au receveur, la transfusion sanguine est une chaîne à sécuriser pour chaque étape.00

Généralités

Les produits sanguins labiles

Ils sont issus de dons de sang et utilisés après un traitement individuel effectué au niveau des plateaux techniques des Établissements français du sang (EFS).

À ne pas confondre avec les médicaments dérivés du sang, tels que l’albumine, les immunoglobulines, les facteurs de coagulation, qui sont fabriqués de manière industrielle à partir du plasma de nombreux donneurs.

Types de produits sanguins labiles

Trois types de produits sanguins labiles (PSL) font l’objet de transfusions sanguines. Il s’agit des globules rouges, des plaquettes, du plasma frais congelé et, plus, rarement, des globules blancs. Leur durée d’utilisation est limitée.

→ Les concentrés de globules rouges (CGR) : destinés à traiter les anémies et les hémorragies, ils peuvent être gardés* pendant 42 jours.

→ Le plasma frais congelé (PFC) viro-atténué, soit par solvant-détergent, soit par bleu de méthylène. Également indiqué en cas d’hémorragie, en complément des concentrés de globules rouges, il se conserve* pendant un an après la date de prélèvement.

→ Les concentrés plaquettaires : utilisés pour les insuffisances plaquettaires dues à des leucémies, des aplasies, etc., ils se conservent pendant cinq jours.

Compatibilité donneur/receveur

La compatibilité entre les différents systèmes du sang du donneur (ABO, rhésus, Kell…) avec ceux du receveur doit être vérifiée, pour éviter toute réaction immunitaire. La règle d’or : ne jamais apporter un antigène que le receveur ne possède pas. Avant toute transfusion, deux examens sont systématiques et obligatoires : la double détermination ( 2 échantillons prélevés à 2 temps différents par 2 personnes différentes) du groupe sanguin ABO et du rhésus 1, et le phénotype Rhésus Kell. Il faut aussi réaliser une recherche d’agglutinines irrégulières (RAI).

Depuis le 11 janvier 2006, le bilan pré-transfusionnel sérologique (VIH, VHB, VHC) n’est plus obligatoire. Chaque établissement de santé est libre de sa politique de prévention et peut décider ou non du maintien des sérologies.

Commande, livraison et remise des PSL

Pour la commande de PSL, une ordonnance signée d’un médecin est obligatoire. L’EFS dispose de la liste des prescripteurs concernés, avec leur signature. Les PSL doivent être remis en main propre à une personne qualifiée (médecin ou infirmière) pour que les contrôles à réception puissent être effectués : délai de livraison, température des produits, intégrité du scellage et des poches, date de péremption, aspect général (coloration, agrégats)…

La transfusion de PSL doit être faite au plus tard dans les six heures suivant la réception dans le service de soins. En pratique, PFC, plaquettes et CGR sont à transfuser immédiatement. Les plaquettes sont à une température de 20 à 24°C, en agitation constante. Il ne faut jamais recongeler le PFC.

Unité de temps, de lieu et d’action

Le principe de sécurité de la transfusion sanguine est la triple unité : unité de lieu (contrôle au lit du patient), de temps (contrôle simultané du receveur et de la poche à transfuser) et d’action (réalisation de toutes les vérifications par la même personne).

Un dernier verrou de sécurité (appelé “contrôle ultime”) est effectué au lit du malade : vérification du nom, de la carte de groupe, de la fiche de délivrance, de la compatibilité entre le groupe du patient et celui du PSL.

Pose de la transfusion : le cadre légal

« L’infirmière diplômée d’État est habilitée à accomplir sur prescription médicale écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, les actes et soins suivants, à condition qu’un médecin puisse intervenir à tout moment : injections et perfusions de produits d’origine humaine », indique le décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004.

Une circulaire relative à la réalisation de l’acte transfusionnel, parue le 15 décembre 2003, préconise que les transfusions aient lieu dans la journée plutôt que la nuit. Objectif : permettre l’intervention rapide d’un médecin en cas d’effet indésirable observé chez le patient.

Aspects techniques de la transfusion

Une voie veineuse périphérique d’un calibre de 18 G au minimum est utilisée, ainsi qu’un perfuseur adapté (Hémoset), et un filtre, et ce, pour chacune des poches de PSL. Il est recommandé de faire passer le produit lentement, au début, car la majorité des incidents se produisent durant cette période. Habituellement, et en dehors de l’urgence, les durées des transfusions sont de 60 à 90 minutes pour un CGR, de 10 à 20 minutes pour un PFC et de 20 à 30 minutes pour un pool plaquettaire.

Surveillance du patient

La surveillance doit être attentive pendant les quinze premières minutes, puis régulière jusqu’à la fin. Après la transfusion, le malade est gardé pendant au moins trente minutes. Il s’agit de dépister d’éventuels incidents et accidents transfusionnels. Les éléments à surveiller : le débit de la transfusion et les paramètres vitaux (pouls, pression artérielle, fréquence respiratoire, température…). Des signes cutanés particuliers doivent être recherchés : érythème, urticaire…

Effets indésirables chez les receveurs

On estime que les accidents transfusionnels sont largement sous-déclarés. De 1994 à 2002, 334 événements ont été recensés. Il s’agit d’accidents immunologiques ou infectieux, d’allergies, de surcharges circulatoires ou de manifestations métaboliques (hypocalcémie, hyperkaliémie…). Parmi les éléments évocateurs d’effets indésirables : hyperthermie, frissons, hypotension, tachycardie, douleur au point d’injection, prurit, rash cutané, urines rouges, sensation de malaise…

Dans ce cas, il faut interrompre la transfusion sans ôter la voie veineuse, et appeler un médecin qui va décider ou non de poursuivre le traitement et assurer la prise en charge du patient. Ne pas oublier de vérifier le contrôle ultime et d’alerter l’hémovigilance et/ou l’EFS dans les huit heures.

Cet article a été écrit dans le cadre de la conférence “Tout savoir ou presque sur la transfusion sanguine”, animée par Patrick Eymere et Dominique Gaston, du CHU de Clermont-Ferrand (63), au Salon infirmier, le jeudi 4 novembre 2010.

*Dans le respect des conditions définies par l’Établissement français du sang.

Article validé par Patrick Eymere, cadre de santé au service d’accueil des urgences du CHU de Clermont-Ferrand

L’importance de la traçabilité

La fiche de délivrance doit être remplie après la pose de la transfusion, pour chaque PSL. L’exemplaire rose est envoyé à l’hémovigilance. Le volet blanc doit être inséré dans le dossier transfusionnel du patient. Enfin, les cartes de contrôle et les poches avec le dispositif de perfusion clampé sont gardées pendant deux heures après la fin de la transfusion, si possible au réfrigérateur. À l’issue de ce délai, les poches sont jetées en déchets d’activité de soin à risque infectieux (Dasri), à moins qu’un incident transfusionnel ait eu lieu. Il faut savoir que le dossier transfusionnel est obligatoire. Il rassemble la carte de groupe (à rendre au patient à la sortie), les résultats de recherche d’agglutinines irrégulières, le double des fiches de distribution, la fiche d’effets indésirables, etc.