QUEL SERA L’IMPACT DE L’INFORMATION PARTAGÉE ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 265 du 01/12/2010 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 265 du 01/12/2010

 

Dossier électronique

Le débat

Selon l’Agence des systèmes d’information partagés de santé, le dossier médical personnel (DMP) sera officiellement lancé en décembre. Attendu depuis des années, ce projet devrait ainsi finir de jouer l’Arlésienne. Reste à savoir si ses futurs usagers sont prêts à l’utiliser.

Magali Léo, chargée de mission Assurance maladie au Collectif interassociatif sur la santé (Ciss)

À votre sens, qu’est-ce que le dossier médical personnel ?

Pour moi, le DMP a un objectif de coordination des soins. Il a pour but de mieux tracer les données de santé, d’en maîtriser l’accès. Aujourd’hui, avec les dossiers papiers, on a du mal à déterminer qui y a accès, à les transporter, etc. Il est en effet compliqué pour le patient d’y accéder, tout comme de les transmettre d’un service à un autre. Et dès qu’il s’agit de les faire sortir de l’hôpital, c’est pire*. Le DMP sera donc non seulement au service des patients mais aussi des professionnels, sous réserve que soient préservées toutes les conditions sur le consentement et l’information du patient. C’est central du point de vue des usagers. Lorsqu’on parle de centralisation des données personnelles, il faut impérativement garantir la sécurité de ces données et de leur transmission.

Quelles en seront les conséquences sur le parcours du patient ?

L’avantage majeur du dossier médical embarqué sur un support électronique est d’accompagner le malade. Le parcours du patient, tel que l’entend l’Assurance maladie, pose la question du droit au remboursement, c’est-à-dire le parcours où le médecin traitant est pivot. La décision de ne pas ouvrir un DMP ne doit pas avoir de conséquence sur le niveau de prise en charge par l’Assurance maladie. Nous y tenions et cela a été retenu. Le DMP revêt une seule vocation : rassembler sous un même support des données de santé concernant un même patient (que ce soit un cliché de radio, des comptes rendus d’analyse, des diagnostics). On imagine combien ce dossier a de la valeur pour tous les malades chroniques. Il est d’ailleurs prévu que le patient ait accès à son dossier en ligne. Outil facilitateur pour le patient, c’est aussi un outil d’aide à la décision pour les professionnels de santé.

Quelles en sont les limites ?

Étant donné que le DMP ne sera pas obligatoire, il faut que le patient et le professionnel soient tous deux convaincus de son intérêt. Ainsi le succès du DMP sera-t-il limité si les professionnels de santé et les patients ne sont pas prêts. Par ailleurs, ces données doivent être impérativement protégées. Si le plus haut niveau de protection n’est pas garanti, il y aura une défiance.

Jean-Yves Robin, directeur de l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (Asip Santé)

À votre sens, qu’est-ce que le dossier médical personnel ?

Assez transversal, il s’agit à la fois d’un objet grand public et d’un objet professionnel. Il n’aura d’intérêt que s’il est utilisé par les professionnels. On a du mal à le positionner et c’est pour cette raison qu’il attire tant de débats. Il faut accepter qu’il se situe au cœur de la relation entre le malade et le soignant.

Quelles en seront les conséquences sur le parcours du patient ?

L’objectif clairement affiché du DMP n’est pas de réaliser des économies en soi ; il doit avoir un impact sur la qualité de la prise en charge. Ce qui a pour incidence, entre autres, de rationnaliser les dépenses. Cela étant, il est inscrit dans le Code de la Santé publique avant d’être un objet de maîtrise des dépenses. On voit assez bien ce que le DMP peut apporter en termes de coordination des soins, de gain de temps dans la prise de connaissance des antécédents d’un patient qu’on ne connaît pas, de fluidité de la communication entre la ville et l’hôpital. En revanche, il apparaît plus difficile de déterminer son impact sur le patient. Quoi qu’on en dise, aujourd’hui, les patients sont assez peu impliqués dans leur parcours médical : beaucoup se trouvent dans une relative ignorance de la pathologie dont ils souffrent et des traitements qu’ils suivent. Nous avons une demande sociétale car les gens veulent être mieux informés, ce qui n’est pas si simple. En effet, le fait d’avoir accès à l’information ne signifie pas pour autant que l’on en comprend le sens. Il est sûr que le DMP contribuera fortement à la mise à disposition de ces informations aux patients, mais plus difficile de dire ce qu’ils en feront… Nous sommes cependant sûrs qu’il s’agit d’un facteur de progrès : il œuvre pour une meilleure transparence en changeant le rapport du patient à sa maladie et aux professionnels de santé qui le prennent en charge. Le DMP permettra d’augmenter le champ des possibles pour changer le mode de communication avec les professionnels de santé.

Quelles en sont les limites ?

Au vu de l’évolution technologique, les limites relèvent d’abord de l’éthique et de la déontologie, de la régulation inhérente afin de mieux définir le rôle de chacun. Il faudra veiller à l’acceptation sociétale. La surveillance et la maintenance du système seront au premier plan.